Mon expérience de Vipassana

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  • Dernière modification de la publication :28 juillet 2023

Peu de temps après cette initiation, je m’inscrivis pour un cours d’introduction à la méthode de méditation Vipassana, transmise par le sage birman S.N. Goenka, aujourd’hui décédé. Ce stage se déroula sur dix journées tout près de chez moi, en Suisse.

Au cours de tels stages, un cadre propice à l’introspection est créé pour les participants. Ils peuvent ainsi se concentrer exclusivement sur la méditation, pour entraîner et développer l’attention pure, ou « vision pénétrante » (c’est le sens du mot « vipassana »). Je méditai ainsi près de douze heures par jour, entraînant ma capacité à ressentir avec équanimité les sensations dans les différentes parties du corps.

Ce fut une révolution pour moi, car je réalisai qu’en dépit de mes années de pratique spirituelle, il m’était très difficile de positionner l’attention dans l’équanimité, et donc de ne pas être sous l’influence des impulsions antagonistes de l’attachement et du rejet, du désir et de l’aversion, ce que les bouddhistes appellent les sankhâra (l’équivalant des samskâra pour les hindouistes). Cela me permis également de comprendre qu’en fait, j’avais toujours dirigé ma pratique spirituelle à partir de ces impulsions antagonistes, et que c’est la raison pour laquelle, au cours de toutes ces années, je n’avais en rien purifié ma conscience de ses conditionnements, mais qu’au contraire je les avais renforcés.

Cet apprentissage de l’équanimité s’avéra difficile pour moi. Comme le dit S.N. Goenka, c’est une « opération chirurgicale » que l’on fait subir à la conscience durant ces dix jours de cours. Je m’y exerçai toutefois avec beaucoup d’application et mes efforts s’avérèrent payants.

Pour l’anecdote, je me souviens qu’au milieu de la retraite, de très vives douleurs apparurent au milieu de mon dos, insoutenables. Au départ, j’en souffris beaucoup car j’étais en réaction (impulsion de rejet, d’aversion). Puis, petit à petit, à force de ramener l’attention dans l’équanimité grâce à l’effort de concentration en pleine conscience, je parvins à ce moment extraordinaire pour moi où la douleur était là, très vive, mais sans plus en souffrir. Grâce à cette expérience, j’ai pu vraiment intégrer ce qu’est l’équanimité, le calme absolu de la conscience individuelle.

Vipassana me permis de comprendre également l’importance du détachement du résultat. Par nature, le mental veut que les choses soient conformes à ses attentes. C’est par lui que les impulsions antagonistes parviennent à nous faire réagir, soit par le désir, soit par l’aversion. Naturellement, si l’on est identifié au jeu de ces impulsions contraires actives dans le mental, alors on s’attache à ce qui est agréable et on rejette ce qui est désagréable. Et comme le propre des phénomènes, c’est d’être impermanents, on souffre[1]. En effet, ce à quoi on s’attache parce que c’est agréable finit par disparaître et, inversement, ce que l’on parvient à rejeter pour un temps pour éviter d’en souffrir, finit par réapparaître.

Pour être à même de purifier la conscience de ces tendances opposées et ainsi se libérer de la souffrance, il convient donc de lâcher les attentes que les choses soient comme le mental voudrait qu’elles soient. Je précise bien cela, car si l’impulsion de méditer pour obtenir des effets particuliers, ne serait-ce que la libération de la souffrance, est compréhensible, il faut pouvoir y renoncer totalement durant la pratique elle-même, pour ne chercher que l’équanimité, au risque d’être encore et toujours dans une forme de contrôle, s’attachant aux résultats positifs et rejetant ceux qui ne le sont pas, tout en se jugeant soi-même au passage. 

Si l’on comprend bien ce point crucial – l’adjectif n’est pas choisi au hasard – et que l’on s’applique à travailler correctement, les résultats bénéfiques ne seront peut-être pas obtenus immédiatement, mais ils viendront tôt ou tard, en tant que juste récompense de cette recherche de l’équanimité au moyen de l’effort de concentration de l’attention juste, synonyme de pleine conscience.

Je vous livre à ce sujet une seconde anecdote. Le septième jour fut particulièrement difficile pour moi, avec beaucoup de douleurs et de tensions. Je fis néanmoins l’effort de rechercher l’équanimité dans le respect des consignes données, du mieux que je le pus. Au terme de cette pénible journée, alors que j’étais allongé dans mon lit et que je savourais ce moment de détente bien mérité, un phénomène spectaculaire me sortit soudainement des rêveries qui étaient en train de m’emporter dans le sommeil. Durant une inspiration, quelque chose se débloqua au niveau de mon diaphragme, produisant une impression agréable de « libération » dans cette zone, en conséquence de quoi je pris une grande bouffée d’air, sans aucun effort conscient de ma part. Voilà typiquement un résultat bénéfique de la pratique, dont l’effet ce sera fait sentir plusieurs heures plus tard, au moment où je ne m’y attendais pas du tout.

Je pourrais vous parler bien davantage encore de ces dix jours de cours qui marquèrent un « avant » et un « après » dans ma pratique spirituelle. Je m’arrêterai toutefois ici, en vous livrant encore une troisième et dernière anecdote.

Au cours de l’après-midi du huitième jour, dans un moment de pause, je regardai par la fenêtre de ma chambre et j’aperçus un nuage rougeâtre en forme d’oiseau majestueux qui me fit instantanément penser au phœnix (et je vous assure que ce n’est pas une hallucination causée par la pratique de Vipassana…). J’y vois là un joli « clin Dieu », lorsque l’on sait que le phœnix renaissant de ses cendres, est l’un des symboles de l’« œuvre au rouge » alchimique, celle de la Résurrection. Vu que je m’intéressais déjà beaucoup à l’alchimie à cette époque-là, j’y vis un signe qui me conforta dans l’idée que j’étais sur la bonne voie, laissant augurer de belles réalisations pour la suite.

De retour chez moi, je fus résolument déterminé à poursuivre la pratique de Vipassana sur la base des recommandations transmises à la fin de la retraite, à savoir méditer une heure le matin et une heure le soir. Je tins ce rythme quelques jours, avant de réduire progressivement la durée des séances, sans doute influencé par ma tendance encore bien présente à la procrastination, mais aussi et surtout parce que je ressentis qu’il me manquait encore quelque chose, sans savoir exactement quoi, pour que cette pratique me convienne parfaitement. Je continuai toutefois de méditer avec cette méthode, par phases.

[1] La tendance compulsive de la conscience à réagir sous l’influence des impulsions antagonistes de désir et d’aversion est, selon le Bouddha, la cause de la souffrance. Comme l’équanimité transcende ce jeu des impulsions contraires à l’intérieur même de la conscience, elle permet à celui qui s’y « installe » de manière permanente de se libérer de la souffrance. C’est le Nirvana !

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