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Vivre l’éveil de la conscience est tributaire d’un abandon total, d’un grand OUI à l’existence telle qu’elle se manifeste en l’instant présent, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de soi.
Ce lâcher prise intégral, inconditionnel, est la seule et unique manière de sortir de l’œuvre au noir alchimique, passage difficile au travers duquel l’être doit se libérer de sa tendance à réagir sur la base des impulsions d’attraction et de répulsion (désir et aversion), en stabilisant sa conscience dans le « juste milieu » synonyme d’équanimité.
Dans cet article, je vous propose de revenir en détail sur ce « pas sage » et sur l’Éveil spirituel auquel il mène. Mais tout d’abord, en guise d’introduction, je vous invite à méditer ces deux enseignements du Maître Râmana Maharshi, dont la compréhension et l’application me paraissent être absolument fondamentales :
Toutes les Écritures sont d’accord sur le fait que, pour obtenir la Libération, le mental doit être apaisé ; une fois que l’on a compris que l’essence de leur enseignement est la maîtrise du mental, il devient futile[1] de faire des études interminables.[2] »
Le but commun de tous les yogas est la cessation des activités mentales, mais les méthodes diffèrent. Tant qu’il y a effort pour atteindre ce but, on parle de yoga. L’effort en soi est le yoga. »[3]
Nous avons là, en résumé, le but essentiel de la spiritualité en tant que voie d’éveil de l’âme et d’union à Dieu.
Tous les enseignements et les pratiques qualifiés de « spirituels » qui se veulent authentiques et réellement focalisés sur l’accomplissement du meilleur des possibles que l’être humain porte en lui, doivent mettre l’accent sur l’effort juste à même de produire la maîtrise de la conscience humaine et du mental qui lui est étroitement lié. Car comme cela a souvent été dit, c’est le passage obligé pour créer l’ouverture par laquelle la lumière spirituelle va pouvoir atteindre l’âme vivante et en réaliser la transmutation, condition sine qua non pour permettre l’éveil des qualités et vertus qu’elle porte en elle.
Tout effort accompli par l’être pour réaliser par sa propre volonté cette transmutation et cet épanouissement, ou pour atteindre un accomplissement qu’il considère comme un idéal selon ses propres critères mentaux, ne peut être que voué à l’échec et même aboutir à un résultat opposé. Cela à cause du fait que l’effort est orienté par l’ego sur la base des impulsions à l’œuvre dans la structure mentale, ce qui augmente l’opacité du « voile » qu’elle imprime dans la conscience de l’être, rendant de ce fait impossible l’imprégnation du domaine psychique par la lumière spirituelle. C’est là tout le piège des démarches de développement personnel ou d’éveil spirituel quand elles ne sont pas bien comprises et qu’elles sont menées par l’ego dans l’espoir qu’à travers elles il pourra évoluer et atteindre l’idéal de perfection qu’il a lui-même défini mentalement, le plus souvent sur la base de critères définis par le paraître plutôt que par l’être.
Le seul effort qui peut (et doit) être accompli par l’être à cette fin est donc celui qui consiste à concentrer l’attention de manière juste, pour neutraliser la tendance à la dispersion mentale propre au fonctionnement de l’être humain maintenu sous l’influence des impulsions contraires du désir et de l’aversion. En conséquence de cet effort de concentration (de l’attention juste), les impulsions contraires sont maîtrisées, l’activité mentale cesse et la conscience de l’être est « syntonisée » avec l’Esprit, créant les conditions propices à l’illumination de l’âme, dont l’éveil est la conséquence naturelle.
Cet effort-là ne peut pas être évité. C’est la raison pour laquelle l’engagement sur la voie spirituelle exige une aspiration forte à la maîtrise de soi et une détermination sans faille à fournir les efforts à même d’y parvenir, inlassablement. Cela, sans jamais perdre de vue que le but est le chemin lui-même et que c’est donc ici et maintenant que la perfection spirituelle peut être atteinte, en tant que cette dynamique de l’effort juste entretenue avec confiance et persévérance, dans le détachement du résultat grandement facilité par la joie que procure l’entretien de cette dynamique au quotidien.
Rappel sur la structure mentale
Avant de voir comment le mental peut être neutralisé par le maintien de la dynamique de l’attention juste, il convient de revenir brièvement sur sa nature et sur son fonctionnement.
Le mental n’est pas autre chose que l’activité de la pensée, elle-même alimentée par les impulsions contraires au niveau psychique : le désir et l’aversion (associées aux conditionnements que sont les samskâra et vâsanâ). Ces impulsions opposées existent à tous les échelons du vivant, mais au niveau de la sphère mentale spécifiquement, elles sont en quelque sorte perverties, car détournées de leur fonction naturelle participant à l’Ordre naturel des choses.
En voici la raison : dans la sphère mentale, ces impulsions magnétiques naturelles sont orientées dans le but d’assurer la survie de l’ego. Sur le plan de cette identité personnelle à laquelle l’être s’identifie (perdant ainsi de vue sa véritable essence), les impulsions d’attraction et de répulsion prennent alors la forme du désir et de l’aversion ou, ce qui revient au même, de l’attachement et du rejet, et servent à assurer la survie psychologique de cette identité et du sentiment de soi qui lui est lié. Sous l’emprise de ces impulsions, l’ego désire ce qui lui procure du plaisir et améliore son sentiment de soi, et à l’inverse, éprouve de l’aversion pour ce qui lui procure du déplaisir et dégrade ce même sentiment de soi.
Les personnes encore engagées dans l’œuvre au noir alchimique (la « nuit noire de l’âme ») retombent souvent dans l’état d’identification à la structure mentale et réagissent par conséquent sur la base des impulsions contraires.
C’est précisément cette identification à la structure mentale qui forme dans leur conscience un « voile », une opacité mentale qui s’oppose à la lumière spirituelle et l’empêche d’atteindre l’âme vivante, maintenant tout un pan de l’être dans l’ombre et donc aussi dans la dualité, avec les conflits internes, la peur et la souffrance qui en sont les conséquences.
Dans le récit allégorique du Jardin d’Éden, lorsque Dieu interdit à Adam et Ève de goûter au « fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal », ce n’est pas pour les priver de liberté, mais pour leur éviter la souffrance qui résulte de l’identification aux impulsions de l’attraction et du rejet, du désir et de l’aversion. Ce « fruit défendu » est bien entendu l’ego séparé, produit par cette identification aux impulsions contraires au niveau psychologique, soit la « connaissance du bien et du mal ».
Sous l’influence de ces impulsions, l’être illusionné s’identifie à la personnalité et éprouve du désir pour ce qui est « bien », c’est-à-dire agréable ou plaisant pour lui, et de l’aversion pour ce qui est « mal », c’est-à-dire désagréable ou déplaisant pour lui. En réagissant continuellement au travers de cette dualité lorsqu’il est sous l’emprise de sa structure mentale, l’être « manque la cible » car son attention est détournée de l’essentiel qui n’est autre que sa propre êtreté. Son attention est donc projetée en périphérie de lui-même, dans le monde des phénomènes. C’est tout le sens de la « chute » et du péché.
En choisissant de se laisser corrompre par la voix du mental et de vivre l’expérience de la dualité, l’être désobéit à Dieu et perd l’état d’unité édénique qui était le sien, c’est-à-dire l’état d’êtreté pure en tant que le royaume de Dieu, perdant de ce fait également l’amour, la paix, la joie, la santé, l’harmonie, l’équilibre qui accompagnent état de conscience supérieur.
Pour retrouver le bonheur inhérent à l’état de conscience édénique, il convient donc de se libérer de cette tendance compulsive à réagir à partir des impulsions contraires à l’œuvre au niveau de la structure mentale.
En clair, la libération de la souffrance passe par la neutralisation des impulsions d’attraction et de répulsion actives dans le mental conditionné. Les impulsions contraires étant neutralisées, le « voile mental » se retire et l’être apaisé ouvre en lui-même la porte par laquelle la lumière spirituelle va pouvoir alchimiser sa materia prima.
La recherche du juste positionnement intérieur
En résumé, l’apocalypse intérieure débute lorsque l’être se positionne dans le « juste milieu » et s’abandonne à la lumière spirituelle (donc aussi à l’existence telle qu’elle est, celle-ci n’étant pas séparée de l’Esprit), en faisant l’effort de neutraliser, au niveau mental, ces deux forces opposées que sont les impulsions d’attraction et de répulsion.
Cette neutralisation est symbolisée par le caducée d’Hermès, auquel j’ai souvent fait référence. Les deux serpents entrelacés y représentent les deux forces opposées – attraction et répulsion – alors que le bâton qui parvient à les maintenir en équilibre symbolise quant à lui la Volonté divine (de même que la conscience morale) sur laquelle l’être est aligné grâce à sa dynamique de l’effort juste sur lui-même.
Comme le fait de neutraliser les impulsions contraires au niveau mental met un terme au flot chaotique des pensées, la conscience de l’être s’immobilise et devient tranquille, paisible. N’étant plus séparées par le « voile structurel mental », la lumière spirituelle et l’âme vivante peuvent à nouveau s’unir. C’est pourquoi il est question de l’œuvre au blanc (blanc comme l’âme illuminée, purifiée, régénérée).
Dans de nombreuses traditions, ce « juste milieu » qui apporte paix et tranquillité à l’être et le rend perméable à la lumière spirituelle, est symbolisé par le centre de la croix.
Ce positionnement de la conscience peut être considéré comme un abandon des réactions conditionnées, karmiques, qui faisaient « manquer la cible » à l’individu. En cela, il fait sens d’affirmer que ce juste positionnement intérieur est également synonyme de maîtrise de soi, de lâcher-prise, de renoncement, de détachement, de lavement des péchés (rédemption) et de soumission à la Volonté divine.
Voici quelques passages sélectionnés par Paul Sérant à partir de l’ouvrage Le symbolisme de la croix, qui décrivent ce juste positionnement intérieur sous l’angle de plusieurs traditions ésotériques et religieuses :
« C’est au centre de la croix que se concilient et se résolvent toutes les oppositions. Ce point central, en lui-même, n’est pas situé, “car il est absolument indépendant de l’espace, qui n’est que le résultat de son expansion ou de son développement indéfini en tous sens, et qui, par conséquent, procède entièrement de lui”. Ce point central et primordial est désigné par l’ésotérisme musulman comme la Station divine, qui est “celle qui réunit les contrastes et les antinomies”. La Kabbale hébraïque l’appelle le Saint Paradis. Dans l’ésotérisme extrême-oriental (taoïsme), ce même point est appelé l’Invariable milieu “qui est le lieu de l’équilibre parfait, représenté comme le centre de la “roue cosmique”, et qui est aussi, en même temps, le point où se reflète directement “l’Activité du Ciel”. Selon l’ésotérisme musulman, le sage parvenu au point central obtient la Grande Paix, “appelée en arabe Es-Sakïnah, désignation qui l’identifie à la Shekinah hébraïque, c’est-à-dire à la “présence divine” au centre de l’être, représenté symboliquement comme le cœur dans toutes les traditions ; et cette “présence divine” est en effet impliquée par l’union avec le Principe, qui ne peut effectivement s’opérer qu’au centre même de l’être”. De même, la doctrine taoïste déclare que : “Celui qui est arrivé au maximum du vide, celui-là sera fixé solidement dans le repos” (Lao-Tseu). “La paix dans le vide est un état indéfinissable ; on ne la prend ni on ne la donne ; on arrive à s’y établir” (Lie-Tseu). Et le taoïsme dit aussi que : “L’idéal, c’est l’indifférence (détachement) de l’homme transcendant, qui laisse tourner la roue cosmique” (Tchouang-Tseu). (La même idée est exprimée dans la tradition hindoue par le terme Chakravarti, littéralement “Celui qui fait tourner la roue”.) Le taoïsme nous apprend encore que : “Seul, l’esprit rétabli dans l’état de simplicité parfaite peut l’atteindre (le point central) dans la contemplation profonde” (Lie-Tseu). La simplicité dont il est question ici n’est autre que l’enfance que la doctrine hindoue considère comme une condition préalable pour l’acquisition de la connaissance et que l’Évangile évoque en plusieurs occasions : “Quiconque ne recevra point le royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera point” (Luc, 18:17). “Tandis que vous avez caché ces choses aux savants et aux prudents, vous les avez révélées aux simples et aux petits” (Matthieu, 11:25). La pauvreté en esprit dont parle l’Évangile, et qui est le détachement à l’égard de la manifestation, qu’on retrouve également dans l’ésotérisme musulman, apparaît comme un autre symbole équivalent à celui de l’enfance. »[4]
Cherchez d’abord le royaume de Dieu
Comme l’a dit Lie Tseu, il est possible de « s’établir » dans cet « invariable milieu » où se reflète « l’activité du Ciel », soit la lumière spirituelle, et c’est en faisant l’effort de neutraliser les impulsions opposées qu’on y parvient.
Mais quel est donc concrètement cet « invariable milieu », cette « station divine, cette « présence divine », ce « point central » de l’être ? Eh bien il s’agit simplement de l’état dans lequel la conscience de l’être est parfaitement équanime, autrement dit dans lequel l’être n’est plus influencé par les impulsions contraires. Cet état de conscience parfaitement calme et paisible est la pure conscience d’être : l’êtreté.
Le cœur de l’enseignement de Jésus-Christ ne poursuit pas un objectif différent ; lui aussi a insisté sur la nécessité de produire l’effort à même de nous placer dans le « juste milieu », afin qu’ainsi nous puissions goûter aux bienfaits de ce qu’il appelait le « royaume de Dieu », qui est une parabole symbolisant le reflet de l’Esprit universel dans la conscience de l’âme, devenue pure êtreté.
À travers son enseignement, Jésus nous fait comprendre que c’est cet effort de renoncer aux impulsions opposées qui dirigent l’ego qu’il est nécessaire d’accomplir premièrement. Nous pouvons là aussi déduire de ceci qu’il est vain de laisser le désir et l’aversion diriger notre vie. Ces impulsions opposées ne seront jamais capables de nous apporter la paix, la joie profonde, l’ordre, l’harmonie, l’équilibre et la justice qui correspondent au royaume de Dieu.
Pour comprendre ce qu’est le royaume de Dieu à partir d’un point de vue complémentaire, voici la reproduction d’un passage éloquent tiré du livre Le Christ revient, il dit sa Vérité :
« Les textes sacrés disent vrai quand ils disent “En Dieu vous vivez, bougez et avez votre être.” Car le royaume de Dieu est au-dessus, autour de vous et aussi en vous – et vous pouvez entrer dans le royaume de Dieu. […] C’est un état d’esprit et de cœur entièrement possédé par “Dieu” – votre “Père”. Quand vous êtes dans cet état, le “Père” est le chef de votre corps et dirige tout ce que vous faites et toute votre vie. […] Il est possible d’être si dénué d’ego – de désirs égoïstes, d’hostilité, de colère, de jalousie, d’avidité, de vindicte, que seul “Dieu” reste au gouvernail de votre esprit et de votre cœur. […] Alors vous entrez dans l’“État d’Être” qui est “dirigé par Dieu”. C’est absolument magnifique et glorieux. C’est l’amour, la générosité, le souci d’autrui comme de soi, c’est le non-jugement, puisque vous acceptez les autres exactement tels qu’ils sont, sachant qu’ils sont aussi des enfants de “Dieu” et que “Dieu” prend soin d’eux comme de vous. C’est le bonheur sans mesure, indescriptible, c’est la joie dans la beauté du monde, c’est la vie illimitée et une énergie accrue, c’est la santé et c’est la satisfaction de tous vos besoins, avant même que vous sachiez que vous avez un tel besoin. »[5]
Ainsi, au lieu de chercher le bonheur et l’épanouissement à partir de l’ego et des impulsions contraires qui en déterminent le fonctionnement, nous pouvons nous abandonner et confier les rênes de notre vie à l’Esprit universel qui est Dieu Lui-même, par la simple prise de conscience sans cesse renouvelée que nous sommes constamment « immergés » en Son royaume et qu’en vertu de cela, Son amour nous imprègne, œuvrant sans relâche pour satisfaire nos besoins fondamentaux et assurer notre épanouissement. Voir les choses ainsi confère la foi et nous aide par conséquent à nous détendre et à nous régénérer. Cela est extrêmement bienfaisant en soi.
Au vu des bénéfices que nous apportent ce positionnement intérieur, nous pouvons également réaliser à quel point le simple effort de concentration de l’attention qui nous est demandé est sans commune mesure avec les efforts contraignants que l’ego devait auparavant accomplir pour obtenir satisfaction, une satisfaction toujours éphémère qui débouchait sur d’autres efforts laborieux et fatigants, dans une débauche d’énergie qui finissait le plus souvent par nous rendre désespérés, abattus et malades.
« Il y a des enseignants qui prêchent la pensée positive – mais je ne l’ai jamais fait. Je vous ai dit clairement que le royaume des Cieux est en vous. Ce que j’entendais, c’était que la VIE est source de TOUT ce que vous pourriez désirer – à condition que vous lui permettiez de travailler en vous, en balayant tous vos doutes ET EN CROYANT QU’ELLE VOUS CONDUIRA À LA PROSPÉRITÉ, LA JOIE ET L’ÉPANOUISSEMENT dans la mesure où vous pourrez débarrasser votre esprit et vos émotions de vos vieilles pensées et de vos vieux sentiments égoïques. »[6]
Le processus d’éveil
Ce qu’on appelle « éveil » ou « illumination » est autant un état d’être qu’un processus graduel d’épanouissement de la conscience de l’âme et de ses facultés psychiques, que seule la lumière spirituelle peut produire. Cela implique, comme nous l’avons vu, de lui ouvrir les portes de notre réalité intérieure, en renonçant à toutes formes de réactions induites par les impulsions contraires au niveau de la structure mentale, qui autrement ont tendance à maintenir le « voile » bien en place.
Si je devais utiliser une métaphore, je dirais que ce processus d’éveil est à l’image de la sève qui monte à l’intérieur de l’arbre et qui permet au bourgeon d’éclore et de devenir une fleur, puis un fruit[7], ce fruit étant ici le symbole de la conscience pleinement éveillée.
Il doit être bien clair que pour que l’éveil progressif de l’âme puisse se dérouler de la manière la plus harmonieuse qui soit, l’être doit s’efforcer de rester centré, aligné, dans le « juste milieu ». Ce n’est en effet que par l’entretien de la dynamique de l’effort juste sur lui-même qu’il peut demeurer au « centre de la croix », en ce lieu où la conscience dévoilée laisse la voie libre à la lumière spirituelle, celle de l’Esprit, qui seul peut orchestrer à la perfection les innombrables processus énergétiques impliqués dans ce processus de régénération et d’éveil progressifs.
Si, au cours de ce processus, l’être « manque la cible » en s’identifiant à la structure mentale et fait usage de sa volonté inférieure, le voile s’interpose à nouveau et « ferme la porte » de l’âme à la lumière spirituelle, ce qui peut entrainer des conséquences fâcheuses dans la mesure où l’ego va revenir à la charge et récupérer à son compte les progrès réalisés. D’où l’importance de la vigilance et du discernement, afin d’éviter de tomber dans le piège de l’orgueil qui guettera l’être jusqu’à ce que sa conscience ait pleinement pu réintégrer son état édénique primordial, sans retour en arrière possible.
L’illusion de l’ego séparé n’est en fin de compte que le produit de l’identification de l’être à ce qu’il croit être à tort : la personnalité et tout ce qui la constitue, c’est-à-dire les pensées, les émotions et le corps.
La personnalité n’est toutefois nullement en cause ; elle n’est coupable de rien !… La culpabilité, au sens de premier de l’expression (à savoir le fait de commettre une faute), c’est l’être qui la commet, par le mauvais usage qu’il fait de son libre-arbitre. C’est en effet lui et lui seul qui fait le choix de s’identifier à ce qu’il n’est pas et de perdre ou « voiler » ainsi la connaissance de sa véritable essence spirituelle. Il n’y a ici aucune punition divine ici !
En revanche, il est possible de parler de « tentation », car les impulsions d’attraction et de répulsion magnétiques ont le pouvoir d’attirer à elles l’attention de l’être, pour la captiver et produire le phénomène de l’identification. C’est une « chute » qui est très facile et qui se fait toute seule si aucun effort n’est accompli pour neutraliser le phénomène. Et cette « chute » sera possible tant et aussi longtemps que la psyché n’aura pu être complètement purifiée de ces impulsions contraires qui prennent la forme des samskâra et vâsanâ.
Ainsi, l’illusion de l’ego séparé est un état de conscience qui résulte de l’identification de l’être à ce qu’il n’est pas, lui donnant faussement l’impression d’être la personnalité qu’il incarne alors que sa véritable essence est celle de l’Esprit, qui est aussi le Témoin ultime ou l’Attention pure.
Ceci veut donc dire qu’une fois totalement alchimisée, la conscience de l’âme ne se manifeste plus sous la forme d’un ego séparé, mais se vit sous la forme de la pure êtreté, ce que le Védânta appelle : sat-chit-ananda, c’est-à-dire « être » (ou « existence », « vérité »), « conscience » et « félicité ».
La quête spirituelle aura donc simplement consisté à dissoudre les voiles[8] pour que l’état primordial (qui avait toujours été présent) puisse se révéler dans toute sa splendeur et être vécu par l’être en tant que sa « quiddité » : être, conscience et félicité.
On peut dire également que l’ego, en tant que « sens de soi-même » aura vécu une véritable transmutation, passant de l’état de souffrance résultant de l’identification à la personnalité, à l’état de félicité associé à la pure et simple conscience d’être, pure êtreté, pure sensation d’être « je suis », non-identifié, équanime.
C’est le sens ésotérique de cette mystérieuse parole du Christ : « Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi.[9] » En effet, ce n’est que par l’éveil de la conscience, devenue christique, devenue « fruit de l’Esprit », que l’être peut vivre l’union avec Dieu et proclamer, comme Jésus, « moi et le Père nous sommes un[10] ».
[1] Nombreux sont ceux qui ont compris que l’essence de la pratique spirituelle est d’apaiser le mental, mais qui continuent malgré tout à se disperser en cédant à la tentation de nourrir constamment ce même mental, par des stratégies d’évitement dont ils deviennent dépendants. À un moment donné, il faut se positionner fermement et vaincre ce mécanisme d’évitement. C’est impératif !
[2] Cette citation est tirée du traité Nan Yar (Qui suis-je ?), Questions no10-11. Ce traité peut être téléchargé ici : https://cutt.ly/fwBaqv2b
[3] L’enseignement de Râmana Maharshi, Éditions Albin Michel, 2005, p. 264.
[4] René Guénon, Paul Sérant, Éditions Le Courrier du Livre, 1977, pp. 118-119.
[5] Éditions Interkeltia, 2009, pp. 178-179.
[6] Le Christ Revient, La Suite des Lettres, Éditions Atlantes, 2011, pp. 66-67.
[7] C’est le « fruit de l’Arbre de Vie » (ou « Arbre du Milieu ») par opposition au « fruit de l’arbre de la mort » (ou « arbre de la connaissance du bien et du mal ») qui symbolise quant à lui la conscience non-éveillée, celle de l’ego séparé, plongé dans l’ignorance et la souffrance. Ce « fruit divin » est le « fruit de l’Esprit » dont parle Saint Paul. C’est le reflet de la lumière spirituelle dans le domaine de l’existence, sous la forme de la joie, la paix, l’amour, la compassion, le pardon, etc.
[8] C’est ce que certaines traditions ont pu appeler la « dissolution des écorces », le « dépouillement du vieil homme » ou encore la « transmutation des vils métaux ». Ce n’est pas autre chose que la purification des samskâra et vâsanâ. Ceux-ci étant à l’origine du phénomène de l’identification, qu’ils alimentent et renforcent, il est tout à fait compréhensible qu’une fois purifiés ou dissous, l’être soit libéré de l’identification à ce qu’il n’est pas et qu’il réalise en conséquence, de manière permanente, sa véritable nature ou essence.
[9] Jean 14:6.
[10] Jean 10:30.
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