Algorithme, quand tu nous tiens !

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Comme vous le savez très certainement, les algorithmes des réseaux sociaux sont conçus pour maximiser l’engagement, c’est-à-dire les interactions (likes, commentaires, partages), car c’est ce qui maintient les utilisateurs connectés plus longtemps et génère davantage de revenus publicitaires.

C’est là le cœur même de la stratégie marketing de ces plateformes !

Cela soulève un problème de taille, car l’engagement est généralement plus fort lorsque le contenu suscite une réaction émotionnelle.

La polarisation et le conflit sont particulièrement efficaces en ce sens : les contenus qui provoquent l’indignation, la colère ou l’enthousiasme extrême ont tendance à générer bien plus d’interactions que les contenus nuancés et équilibrés, qui demandent davantage d’effort cognitif pour être appréciés et moins d’impulsion pour être partagés.

En d’autres termes, les algorithmes des réseaux sociaux favorisent une logique binaire : opposition, division, clash, peur (ou espoir), colère, indignation, etc. Celui ou celle qui veut y prospérer doit nécessairement susciter de telles émotions pour “plaire” aux algorithmes et ainsi augmenter sa visibilité.

Les conséquences sont lourdes, car cela engendre de nombreux biais cognitifs qui desservent l’esprit de nuance et font perdre de vue la complexité inhérente à la réalité.

Les opinions tranchées, simplistes, voire extrêmes, sont ainsi avantagées puisqu’elles déclenchent davantage de réactions spontanées. À l’inverse, les prises de position mesurées, réfléchies, nuancées, sont perçues comme “moins excitantes”, donc moins commentées, moins partagées et, de ce fait, moins mises en avant par les algorithmes.

Ce phénomène a des implications sociétales profondes, car il favorise la polarisation et l’impulsivité au détriment de la réflexion et du dialogue constructif.

Mais il pose également un problème pour celles et ceux qui inscrivent leur démarche dans une authentique quête spirituelle. En effet, cette dynamique induite par les algorithmes exacerbe la nature inférieure de l’être humain, cette nature qui fonctionne selon une logique binaire d’attachement et de rejet, basée sur les marqueurs du plaisir et du déplaisir, et qui empêche d’atteindre la paix intérieure.

Ainsi, ce processus renforce les chaînes qui maintiennent l’humain prisonnier de la caverne des illusions, quand bien même il considère ses opinions comme plus éclairées et plus proches de la vérité que celles de ses semblables.

Car l’éveil spirituel ne découle pas de la simple connaissance des faits inhérents à la réalité, mais de la capacité à maintenir la conscience pure et équanime en toutes circonstances, indépendamment de la nature de la réalité. Cela n’empêche évidemment pas de se positionner face à celle-ci en faveur de ce que l’on estime juste, mais cet état de conscience est le seul véritable moyen d’accéder à l’essence de l’éveil spirituel, qui correspond à sat-chit-ananda (vérité, conscience, félicité) ou, en termes chrétiens, à l’expérience du royaume de Dieu ici-bas.

Ce phénomène affecte aussi les chercheurs de vérité, car la dynamique imposée par les algorithmes les éloigne d’autant plus de cette quête. En effet, la vérité a bien plus de chances d’être approchée lorsqu’on renonce aux jugements polarisés et que l’on s’efforce de multiplier les angles de vue.

Mais cela exige un effort conscient : il faut être capable d’identifier nos biais cognitifs et les impulsions émotionnelles qui influencent nos comportements. Or, qui en est réellement conscient ? Et qui s’en soucie vraiment ?

Sur les réseaux sociaux, la liberté d’expression est brandie comme une valeur sacrée – ce qu’elle est à mes yeux, allant même jusqu’à penser qu’elle doit être absolue, sans aucune limite. Pourtant, bien peu se demandent quelle est la véritable portée de cette liberté d’expression lorsque les opinions et les comportements sont à ce point orientés par les algorithmes (voir l’encadré ci-dessous). 

Si la vérité et la sagesse naissent de la tempérance et de l’observation détachée (de nos propres schémas en premier lieu), alors il nous revient de ne pas céder aux dynamiques qui nous enferment dans l’illusion du choix, tout en influençant nos perceptions et en orientant nos comportements à notre insu.

Loin de rejeter ces plateformes, il s’agit plutôt d’apprendre à les utiliser en conscience, sans être les jouets des mécanismes qui nous conditionnent.

Un sacré défi, n’est-ce pas ?

Liberté d'expression... et de conscience

La liberté d’expression n’a de sens que si elle prend racine dans la liberté de pensée, et je dirais même, dans la liberté de conscience.

Cependant, chers amis, dans un monde où la technologie nous connaît mieux que nous-mêmes et nous influence en permanence (le plus souvent à notre insu), sommes-nous aussi libres que nous croyons l’être ?

Certes, nous pouvons être libres d’exprimer nos opinions, nos valeurs et nos croyances.
Mais d’où viennent-elles au juste ? Sont-elles intrinsèquement les nôtres, fruits de nos convictions profondes, de notre nature essentielle ?
Posons-nous la question, sincèrement…

Les réseaux sociaux se veulent un bastion de la liberté d’expression, pourtant, les algorithmes nous y influencent en permanence également, renforçant nos propres positions, nos propres biais.
Partout, on cherche à nous influencer, dans un sens où dans un autre. Capter l’attention pour influencer : tel est le nerf de la guerre cognitive qui se joue…

Vigilance… 

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