Face à des circonstances similaires, vécues fréquemment, nos réactions peuvent être parfois très différentes. La différence se situe au niveau de la nature de ce que personnellement j’appelle la « marge intérieure ». Celle-ci traduit à chaque instant notre capacité à rester centré, calme, équanime, maître de soi, dans l’accueil paisible de ce qui est.
En règle générale, une faible marge intérieure est la conséquence d’une identification continue à la structure mentale, plus précisément dit à des schémas de fonctionnement mentaux fondés sur la peur, l’angoisse ou le stress. Cette identification nous éloigne de notre véritable nature ; elle nous déporte vers l’extérieur, en périphérie de notre centre, et tout stimulus extérieur nous fait réagir à partir des mécanismes de défense que nous avons mis en place pour assurer la survie de l’image psychologique que nous avons de nous-mêmes, image qu’on appelle communément l’ego.
Lorsque nous avons les « nerfs à vif » ou que nous sommes à « bout de nerfs », à « fleur de peau », qu’une « goutte d’eau fait déborder le vase », que nous sommes « à côtés de nos pompes », « hors de nous », cela traduit bien cet état de « décentrage ». La marge qu’il devrait y avoir entre le centre et la périphérie n’est plus là, et nous devenons « épidermique », hyper-réactif. Dans de telles circonstances, nous avons l’impression de ne plus avoir le recul nécessaire, d’être totalement dépassés par les événements et de ne plus pouvoir agir en pleine possession de nos moyens.
Lorsque c’est le cas, c’est le signe que notre nature inférieure a pris le dessus. Ses modes de fonctionnement semblent alors plus forts que notre volonté consciente et nous ne pouvons réagir autrement que sous l’emprise de ses pulsions. Selon l’ampleur de la charge émotionnelle réactivée, nous pouvons même avoir cette impression d’être littéralement « sous hypnose », même si une part de soi peut demeurer consciente que notre attitude n’est pas appropriée. Mais c’est tout simplement « plus fort que nous », comme si nous étions « possédés ». L’expression peut paraître exagérée mais c’est pourtant exactement ce qui se produit : nous sommes littéralement possédés par notre nature inférieure. Et c’est précisément parce que nous n’avions pas assez de marge intérieure qu’elle a pu prendre un tel pouvoir sur nous…
Lorsque nous ressentons que nous sommes sous l’emprise de notre nature inférieure, c’est le signe que nous avons perdu notre centre et, par conséquent, notre marge intérieur. C’est le signe que nous sommes à nouveau « hors de nous ». Étant dotés de conscience, nous le savons, nous le sentons. Lorsque nous en faisons le constat, il est important que nous évitions de nous juger et d’essayer de réprimer la nature inférieure. Sinon, nous tombons dans une forme de contrôle qui génère plus de frustration et de souffrance encore. Il convient simplement de se rappeler qu’il y a un autre chemin, une autre voie, celle de l’observateur détaché !
La position de l’observateur détaché
Avant qu’il ne soit trop tard et que la nature inférieure induise en nous des comportements que nous aurons par la suite à regretter, nous pouvons prendre un temps pour nous recentrer, en prenant la position de l’observateur détaché. Concrètement, nous prenons conscience de son influence en nous sous la forme d’un champ d’énergie particulier, qu’il est facile de ressentir avec équanimité avec un peu de pratique.
Voici comment procéder : observer très attentivement ce qui se passe dans notre psyché et dans notre corps. Il est important de ne pas juger ce qui se passe en soi, les pensées négatives, les émotions, les états d’âmes. Il y a simplement à se recentrer et à accueillir ce qui est, à l’intérieur de soi, en lâchant toute volonté que les choses soient différentes de ce qu’elles sont. Ainsi, par la contemplation détachée, nous ouvrons la porte de notre conscience à la lumière spirituelle. C’est elle qui va procéder à l’harmonisation de notre vie intérieure et qui va progressivement remobiliser notre marge intérieure. Tout ce que nous avons à faire, c’est prendre la posture du témoin qui observe avec équanimité ce qui se joue en soi. Si nous ne nous en donnons pas les moyens lorsqu’il est encore temps, avant que la marmite explose, alors il sera trop tard et nous devrons malheureusement constater que la nature inférieure, « chargée à bloc », aura réussi à nous plier à sa volonté (le fameux « c’était plus fort que moi »).
Retenons qu’il vaut toujours mieux faire l’effort de créer en soi-même ce qui nous fait défaut (en l’occurrence, ici, l’espace de conscience équanime) plutôt que de nous battre contre ce qui est en surplus (ici, la négativité de la nature inférieure). Si nous nous en donnons régulièrement les moyens au cours de nos journées, nous parviendrons à garder une marge intérieure suffisante pour nous prémunir des réactions conditionnées de la nature inférieure. D’où l’intérêt de considérer la recherche de ce juste positionnement intérieur comme un art de vivre, plus que comme une pratique à laquelle on s’adonne seulement lorsqu’on en ressent qu’on en a vraiment besoin.
Comme le dit la sagesse populaire…
il vaut mieux prévenir que guérir…