Le plus grand piège de la spiritualité, consiste à se créer une image d’Épinal de ce qu’est censé être un « être éveillé », un « être de lumière », totalement vertueux, sans faiblesse, sans zone d’ombre.
Pourquoi est-ce un si grand piège ?
Parce qu’on va créer une pression encore plus forte sur nos ombres, c’est-à-dire tout ce qui va, croit-t-on, nous empêcher d’incarner cette image idéalisée et illusoire de l’être éveillé.
Pourquoi illusoire ? Parce que l’éveil n’est pas la résultante de l’absence de blessures, de faiblesses, de peurs ou de scories de l’âme, mais leur pleine et entière illumination, autrement dit acceptation et intégration en soi, par l’AMOUR, le PARDON et la COMPASSION.
L’éveil est la conséquence toute naturelle de cette réunification intérieure. Car l’éveil est la paix et la joie profonde qui résultent de la conjonction des opposées, en soi-même, ni plus ni moins.
C’est pourquoi celles et ceux qui veulent changer le monde devrait commencer par se changer eux-mêmes…
Or, c’est le fameux paradoxe du changement : le changement survient quand on accepte totalement ses forces autant que ses faiblesses (failles, défauts, fautes), ses parts « lumineuses » autant que ses parts « ombrageuses ».
Comme il est dit dans la Bible : « Dieu fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. »
C’est aussi la Prophétie d’Isaïe : la cohabitation harmonieuse des contraires (le loup et l’agneau, le lion avec le bœuf, le léopard et le chevreau,…)
Ce fut de cet Amour-là que le Christ nous aima et qu’il nous convia à nous aimer également (soi-même, et les uns les autres).
Car c’est l’Amour qui seul peut (re)créer la jonction entre ce qui a été séparé, divisé.
Sans cette résolution de l’opposition conflictuelle à l’intérieur de soi, aucun éveil ne sera jamais possible. Car si on peut se mentir à soi-même, on ne triche pas avec la spiritualité, la vraie.
C’est le sens de cette citation du poète soufi Khalil Gibran :
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
La « bête », le « monstre », ce « double ombrageux » qu’on redoute tant, ne doit pas être détruit, mais illuminé, alchimisé. Car à partir de quoi pourrait-on faire de l’or (spirituel) si on se débarrasse du plomb (psychique) ?
C’est bien sûr un passage difficile et douloureux, et c’est pourquoi beaucoup préfère se bercer d’illusions en cherchant à créer cette identité valorisante de l »‘être éveillé », qui peut certes disposer de belles connaissances et de belles qualités, mais qui feront toujours pâle figure face à la puissance du rayonnement du cœur d’un être parvenu au terme de son processus de réunification intérieure, son « individuation ».
Comme l’a dit Carl. G. Jung :
Qui regarde en lui-même s’éveille. Ce n’est pas en regardant la lumière qu’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. mais ce travail est souvent désagréable, donc impopulaire. »