En effet, toute la question est là… et pourtant, bien peu de personnes font le choix conscient de se la poser, préférant nettement à l’effort de réflexion personnelle qu’il faut déployer pour tenter d’y répondre, se laisser absorber, hypnotiser même, par le jeu auto-alimenté des impulsions d’un mental formaté et conditionné, duquel elles sont devenues les esclaves dangereusement inconscientes de leur condition, se croyant illusoirement libres de choisir par elles-mêmes la vie qu’elles souhaitent mener, alors que la réalité en est très, très éloignée.
Mon but n’est pas de peindre le diable sur la muraille, mais force est de constater que, malgré le réveil encourageant de certaines consciences, rien ne semble pouvoir arrêter la folle course en avant de ce monde moderne qui part à la dérive et qui emporte dans son sillage une humanité en détresse, coupée de ses racines et déconnectée de la Source de laquelle elle devrait pouvoir puiser toute l’énergie à même de produire son éveil, synonyme d’émancipation et d’épanouissement de sa véritable nature, aux antipodes du mode de fonctionnement « robotisé » qui la caractérise actuellement.
Face au carrefour de l’existence, un choix s’impose
Cette question cruciale : « Être ou ne pas être ? », se situe à l’entrée du carrefour face auquel notre humanité se trouve placée. « Être » et « Ne pas être », sont les deux directions qui s’opposent et face auxquelles nous devons faire un choix. Cela revient à faire le choix entre la pilule rouge ou la pilule bleue, le choix de l’éveil ou le choix du maintien dans cet état de torpeur hypnotique dans lequel l’individu qui se croit libre renforce paradoxalement sa propre condition d’esclave, préférant faire la sourde oreille ou pire encore, faire taire ceux dont les voix s’élèvent pour tenter de le réveiller, parce qu’il est plus confortable pour lui de rester dans le confort relatif de ses propres illusions auxquelles il est habitué, plutôt que de faire des efforts pour s’en affranchir, avec la responsabilisation et le saut vers l’inconnue que cette libération implique.
« Nul n’est plus esclave que celui qui se croit libre sans l’être. »
Johann Wolfgang von Goethe
L’une des causes majeures de la situation dramatique dans laquelle se trouve placée l’humanité, est l’affaiblissement poussé à l’extrême de la capacité d’un individu à produire les efforts nécessaires à la libération de ses propres chaînes, qu’il s’agisse de ses conditions de vie extérieures, mais aussi et surtout de toutes les impressions mentales auxquelles il s’identifie et qui voilent sa propre essence lumineuse, celle à laquelle il devrait justement faire l’effort de s’identifier pour sortir de l’auto-hypnose et se donner ainsi une chance de recouvrer sa totale liberté d’être.
Il semblerait malheureusement que cette culture de l’effort juste sur soi-même – et je pourrais même parler de « sur-effort » – soit extrêmement difficile à accomplir, et ce d’autant plus que notre société de consommation fait tout pour renforcer la tendance au non-effort, en offrant une abondance de sources de stimulation à même d’alimenter l’état de torpeur hypnotique dont les individus se servent pour anesthésier la souffrance de leur âme en arrière-plan, et dont ils deviennent de plus en plus dépendants à mesure que cette souffrance s’amplifie dans leur psyché.
Faire le choix d’ « Être » plutôt que de « Ne pas être », est donc impérieusement nécessaire si l’on entend pouvoir vivre sa vie en conformité avec sa véritable nature, et goûter en conséquence au sentiment de joie et de plénitude que cette liberté d’être pleinement soi-même, procure.
La question du libre-arbitre
L’Être humain dispose du libre-arbitre, et il a donc le choix de « Ne pas être », mais qu’il sache alors que l’usage de cette possibilité est purement et simplement diabolique, au sens étymologique du terme (du grec diabolos : « qui se jette au travers »), puisque c’est son usage qui cause la division entre l’Être et cette fausse identité que l’on croit être, séparation qui est à l’origine même de la « chute », c’est-à-dire de son éloignement du Principe divin qui n’est autre que l’Être véritable qui constitue sa véritable essence.
Faire le choix de « Ne pas être », en effet, c’est se rebeller contre la Volonté divine, et se condamner soi-même à vivre éloigné du Principe divin, dans l’état de souffrance qui en résulte inévitablement pour l’âme sensible ; en cela, choisir de « Ne pas être », c’est vivre « la nuit noire de l’âme » à laquelle Jean de la Croix faisait allusion dans l’un de ses poèmes.
Vivre ainsi en périphérie de Soi peut certes offrir des conditions de vie plaisantes par moment, mais le plaisir qui en découle ne peut être que conditionné par ces conditions de vie, dont le caractère inexorablement changeant ne peut qu’exposer fatalement au déplaisir et à l’insatisfaction, sentiments auxquels il faudra alors chercher à échapper parce que c’est… désagréable, dans une fuite en avant sans fin qui approfondira d’autant plus la fracture entre cette fausse identité que l’on croit être, et l’Être que nous sommes véritablement.
Le libre-arbitre, si diabolique qu’il soit, contient toutefois en lui-même la possibilité de son propre dépassement, puisque celui qui en fait usage en choisissant de « Ne pas être » peut également faire le choix d’y renoncer, renoncement qui s’apparente alors à un mouvement inverse à la chute, un redressement, un réalignement sur la Volonté divine : la Lumière spirituelle de l’Être Lui-même, au sens où l’entendent les enseignements des grandes religions, dans ce qu’ils ont de plus essentiels et fondamentaux, aux antipodes des perversions que les hommes en ont fait à des fins de manipulation et de domination hégémonique.
Le retour sur la voie rédemptrice
Ce renoncement, qui marque le retour de l’individu sur la voie rédemptrice et qui permet à son âme de sortir de sa « nuit obscure » grâce à l’illumination que lui confère l’Être avec lequel elle se trouve ainsi à nouveau en unité, est en effet le message fondamental délivré par la religion, dont l’étymologie ne signifie d’ailleurs pas autre chose que cela : relier, réunir ce qui avait été divisé par l’usage diabolique du libre-arbitre, en l’occurrence le choix de faire l’expérience de la dualité, soit la séparation de l’Être.
Dans un monde qui inverse toutes les valeurs, ou presque, il n’est pas étonnant que le libre-arbitre soit considéré comme le don le plus précieux de l’être humain, alors qu’il est en fait ce qui a provoqué sa chute et son éloignement toujours plus marqué de l’Être, dont les conditions actuelles du monde moderne offre un reflet autant réaliste que dramatique.
La véritable liberté, n’est pas celle qui est conférée par le libre-arbitre, mais par la soumission à la Volonté divine, c’est-à-dire par l’alignement sur la Lumière de l’Être lui-même. Que celui ou celle qui se croit libre se demande s’il l’est réellement, où s’il n’est pas influencé inconsciemment par un mode de pensée qu’il croit sien mais qu’il n’a pas véritablement choisi, parce qu’il lui a été imposé par le contexte culturel dans lequel il évolue depuis son enfance, l’éducation reçue des adultes, les connaissances transmises par le milieu scolaire, les valeurs de la société de consommation, et les idées des autres qu’il s’est appropriées, dussent-elles être celles d’éminents penseurs, de révolutionnaires ou de Prophètes, liste d’influences à laquelle je pourrais encore ajouter toutes les mémoires héritées des ancêtres, qui influencent et déterminent forcément sa manière de penser et ses actes à un niveau ou à un autre.
Peut-on honnêtement se considérer libre d’agir comme on le veut vraiment en son cœur, quand on est sous l’emprise de toutes ces influences ?
Apprendre à désapprendre, et admettre l’idée qu’en vérité nous ne savons rien, est l’étape initiale qui permet de partir à la reconquête de notre véritable liberté d’Être. Cela implique donc de renoncer à tout ce que l’on croyait être jusqu’ici et de réaliser que ce que nous avons fait jusqu’ici n’était peut-être pas si conforme que cela avec notre véritable nature, et que au contraire nos choix ont été en grande partie déterminés par des influences qui n’étaient pas en adéquation avec les aspirations évolutives de notre âme, que seul l’Être peut connaître et réaliser.
Le rappel de l’Être que nous sommes
Il s’agit donc pour l’être humain de se rappeler de l’Être qu’il a toujours été en son cœur, son Identité suprême au-delà des illusions mentales auxquelles il s’identifie et auxquelles il donne le pouvoir de réagir sa vie, se croyant libre de déterminer le sens qu’il lui donne, alors qu’il est prisonnier de ses propres conditionnements, qui le mènent dans des impasses existentielles, du moins relativement à l’épanouissement de son âme qui devrait être sa première préoccupation, en tant que voie d’émancipation et d’éveil qui lui permettrait d’accomplir le fabuleux potentiel qu’il porte en lui et d’offrir ainsi en retour le meilleur de ce dont il est capable, pour l’émancipation et l’éveil des autres âmes, et ce de manière désintéressée puisque en étant comblé par son propre épanouissement, il n’attendra plus pour lui-même quoi que ce soit en retour de ce qu’il offre aux autres.
Il est donc impératif aujourd’hui que l’individu qui aspire à recouvrer sa liberté d’être pleinement lui-même, se pose cette fatidique question : Être ou ne pas être… et qu’il regarde avec sincérité en lui-même, pour déterminer s’il est vraiment celui qu’il aspire à être, ou s’il ne fait que suivre les sentiers tracés par d’autres avant lui, se contentant de s’aligner sur le prêt-à-penser ambiant sans savoir vraiment qui il est et ce qu’il pense vraiment au fond de lui, s’empêchant de ce fait de suivre sa voie propre et d’apporter ainsi sa pierre à l’édification d’un nouveau monde.
Si l’on admet que le but n’est pas seulement le but en soi, mais le chemin qui y mène, comment peut-on dès lors admettre que ce but en tant que résultat puisse être harmonieux si le pas que l’on fait pour y tendre, lui, ne l’est pas ? J’ai écrit ce texte à partir d’un certain esprit de révolte, car je remarque que combattre le système en se maintenant dans le même mode de pensée que ce qui l’a généré, ne peut que le renforcer au final. La solution n’est pourtant pas dans l’inaction, mais dans l’action consciente, accomplie à partir d’une conscience d’Être, que l’on fera croître, encore et encore, par la culture du « sur-effort », celui de l’observation attentive et vigilante de soi-même en l’instant présent, condition sine qua non pour une reprise possible des commandes de notre existence, qui étaient jusque-là confiées à nos seuls modes de pensée automatiques.
Si ce texte résonne en votre cœur, je vous invite à découvrir cet autre article en complément : « Incarner l’Être ».
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