Bénir, c’est « appeler la bénédiction sur un être », en précisant que cette bénédiction est une grâce accordée par Dieu et non un bienfait que l’être humain à lui seul pourrait produire.
Selon cette définition, bénir quelqu’un, c’est vouloir le « Bien suprême de Dieu » pour elle, c’est-à-dire tout ce qui peut lui arriver de meilleur pour éveiller sa conscience et lui permettre ainsi de se libérer de la souffrance et de réaliser son unité avec Dieu et toute vie.
Associer la bénédiction au Bien suprême de Dieu a son importance car ce n’est pas à la personne qui appelle à la bénédiction de décider comment ce qui est « bien » doit se manifester dans la vie de celui ou celle qui doit en bénéficier.
Par exemple, si le bénéficiaire de la bénédiction est malade ou qu’il traverse une période difficile (dépression, rupture, perte, etc.), nous pourrions être tentés de le bénir pour qu’il soit libéré de la souffrance qu’il endure, mais sans savoir si sa souffrance n’est pas ce dont il a le plus besoin pour tirer des leçons de sa vie, comprendre et évoluer. Si tel est le cas, vouloir que la bénédiction lui permette d’échapper à sa souffrance équivaudrait à lui retirer ce dont il a peut-être le plus besoin pour apprendre et grandir.
Autre exemple : si une personne adopte un comportement malveillant envers nous, nous pourrions être tentés de la bénir pour qu’elle évolue et qu’elle adopte un comportement bienveillant et agréable, ce qui rendrait la bénédiction « intéressée » et nous placerait potentiellement en porte-à-faux avec la Volonté divine, qui seule sait ce qui est juste et bon pour le devenir de cette personne.
À l’inverse, nous pourrions avoir la volonté de bénir quelqu’un à qui tout réussi pour qu’il puisse continuer à « surfer sur la vague », sans savoir qu’au fond, il est en train de s’attacher à son succès et à sa réussite, créant le lit d’une souffrance à venir quand les choses commenceront à tourner en sa défaveur.
Comme le dit l’expression, « les voies du Seigneur sont impénétrables », ce qui veut dire que, à moins d’être extralucides au point de connaître les causes profondes qui déterminent la vie des gens et leurs conséquences à court, moyen et long terme, nous ne pouvons pas déterminer ce qui est bon (ou mal) pour eux.
Cela me rappelle ce conte taoïste qui met en scène un sage vivant de nombreuses expériences, expériences que les gens qu’ils rencontrent assimilent tantôt à de bonnes choses, tantôt à de mauvaises choses, et face auxquelles il n’a de cesse de répondre : « bien ou mal, qui peut le dire ? »
Cette manière de voir les choses permet de relativiser grandement le « bien » et le « mal », car ce que nous pensons être le « bien » pour une personne peut être un « mal » pour elle, et inversement. Et cela vaut aussi pour nous, bien évidemment.
Ainsi, bénir avec justesse implique la volonté que la personne puisse vivre ce dont elle a le plus besoin pour évoluer et grandir en conscience, autrement dit pour « s’éveiller », que cela passe par le bien ou le mal sur le plan relatif.
« Dans le relatif, ce qui est cause de souffrance est mal, ce qui soulage est bien. Dans l’absolu, ce qui vous ramène à la Réalité est bien et ce qui l’obscurcit est mal. »
Nisargadatta Maharaj X (twitter)
Bénir dans l’intention de soulager l’autre de sa souffrance ou de le rendre plus aimable, nous maintient dans la connaissance du bien et du mal, propre à la logique binaire, qui nous fait considérer le « mal » comme un problème auquel il faut échapper, perdant de vue qu’il est parfois « un mal pour un bien », dont la présence dans notre vie est par conséquent indispensable pour évoluer sur le plan de la conscience.
Si je devais formuler une bénédiction qui tient compte des remarques ci-dessus, je pourrais le faire ainsi : « Puisse cette personne (ou cet animal, ce végétal, ce minéral, ce groupe, ce peuple, etc.) être divinement bénie, afin qu’elle puisse vivre en paix, libre et heureuse, quelles que soient les circonstances ou les épreuves par lesquelles elle devra passer pour y parvenir. »
Cette approche de la bénédiction a le mérite de nous apaiser et de nous éviter d’avoir des attentes par rapport au « chemin » emprunté par la personne pour évoluer et, in fine, pour vivre le « Bien suprême » dans sa propre conscience, sous la forme d’un sentiment de paix, de liberté et de félicité.
Aussi, pour que la bénédiction soit juste et donc efficace, elle doit être désintéressée, ce qui veut dire que, personnellement, je dois être détaché des fruits potentiels de la bénédiction que je formule.
Si j’appelle à la bénédiction dans l’espoir que l’évolution de l’autre me soulage de ma propre souffrance, mon action est intéressée et je suis dans le mental davantage que dans le cœur.
Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est aussi de manière désintéressée que l’appel à la bénédiction doit être formulé pour soi-même. Car si je souhaite être béni par Dieu (ou par la « Vie » pour les athées) pour échapper au mal ou à la souffrance, c’est parce que je rejette l’un et l’autre, et avec eux, les leçons de vie qu’ils me permettent d’apprendre pour comprendre et grandir.
Ainsi, si je souhaite appeler à la bénédiction pour moi-même, je peux formuler les choses de cette manière : « puissé-je être divinement béni, en vivant ce qui est le plus utile à l’éveil de ma conscience. »
La question que l’on peut se poser est de savoir si cela fonctionne. En effet, cette manière de bénir favorise-t-elle vraiment l’évolution des êtres tout comme ma propre évolution ?
À vrai dire, et la réponse va peut-être vous étonner, le simple fait de vivre est en soi une bénédiction, que l’on appelle à soi en permanence sans même en avoir conscience. Comme l’a dit Edgar Cayce : « tout ce qu’on attire à soi à chaque instant est ce dont on a le plus besoin. »
Bénir ne peut pas amener des circonstances plus favorables qu’elles ne le sont déjà, car tout ce qui nous arrive est TOUJOURS exactement ce dont on a le plus besoin pour grandir en conscience. Même s’il nous semble parfois que nous régressons, des graines sont plantées et elles porteront leurs fruits, tôt ou tard.
Bénir n’est donc pas une formule magique qui aurait le pouvoir de nous libérer, autant soi-même que les autres, du mal et de la souffrance. En revanche, le fait de bénir dans l’état d’esprit que je viens de décrire est extrêmement bénéfique en soi car cela nous place dans une forme d’acceptation qui aligne notre conscience sur le Souverain Bien qui est Dieu, identique à la Volonté divine.
En effet, vouloir le Bien suprême pour les êtres, c’est faire la Volonté divine, et cette Volonté se manifeste à chaque instant en présentant à chaque « créature » ce dont elle a le plus besoin pour évoluer en conscience.
Même si cette créature fait un mauvais usage de son libre-arbitre face aux circonstances de son existence, celles-ci n’en demeurent pas moins parfaites pour lui permettre de grandir en conscience et donc pour s’éveiller.
En d’autres termes, en prenant l’habitude de bénir, nous alignons notre conscience sur l’Ordre naturel des choses, qui est la Perfection absolue inhérente à ce qui est. En prenant l’habitude de bénir, nous « syntonisons » notre conscience sur le flux d’énergie cosmique qui imprègne tout le vivant, en chaque lieu et en chaque instant.
En concentrant ainsi notre attention dans le « juste milieu », nous entrons dans la logique ternaire, et nous libérons notre conscience de tous les conditionnements mentaux issus de la logique binaire de l’ego « formaté » (attentes, attachements, rejets, refus, jugements, etc.).
Comme l’a écrit Pierre Pradervand : « Nombre de grands enseignements spirituels soulignent que l’on ne peut pas grandir spirituellement tant qu’on est alourdi mentalement par l’habitude de juger les autres. […] Vous serez le premier bénéficiaire [de l’esprit de bénédiction, N.d.A.]. Personne ne peut se sentir bien, en paix avec lui-même, tout en jugeant. C’est impossible. Mais un cœur plein de bénédictions est comme le jardin intérieur des mystiques soufis. Chacun voudrait y résider en permanence. Or c’est possible. Il suffit de persévérer en y mettant tout son être. »[1]
C’est pourquoi nous devrions nous entraîner à bénir, bénir, encore bénir, les autres comme soi-même, y compris les animaux, les végétaux, les minéraux, car tout est doté de conscience et tout peut potentiellement évoluer vers davantage de paix, de liberté et de joie d’être.
Si, grâce à l’esprit de bénédiction, les choses devaient changer dans notre vie, c’est parce qu’il nous aligne sur l’Intelligence du cœur et que le rayonnement d’Amour pur et inconditionnel qui émane alors de nous a le pouvoir de modifier la réalité, tant à l’intérieur de soi qu’à l’extérieur.
C’est là que la magie peut opérer, une « Magie divine », ni blanche ni noire, une « Magie du milieu »…
« Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. »
Matthieu 5:44-45 X (twitter)
[1] Vivre sa spiritualité au quotidien, Éditions Jouvence, 2002, p. 28.