Le Cours du Vivant

Cours n°38 - Gnose et ésotérisme chrétiens
Gnose et ésotérisme chrétiens
Théorie
Les faits historiques qui entourent la vie de Jésus, comme son existence même, font encore aujourd’hui débat. Malheureusement, ces questions à mon sens secondaires, ont pour effet de détourner les consciences de ce qui pourtant devrait être au cœur de toutes les attentions : son enseignement, dans sa dimension ésotérique tout particulièrement.
L’enseignement de Jésus, tel qu’il nous a été rapporté dans les Évangiles notamment, constitue une synthèse magistrale des doctrines sacrées qu’il étudia et dont il acquit la parfaite connaissance, non seulement du point de vue intellectuel, mais aussi et surtout du point de vue spirituel, par la réalisation de la Connaissance transcendante, métaphysique, qui représente la Gnose véritable (voir le cours suivant).
À l’instar de tous les grands Instructeurs spirituels qui l’ont précédé et qui lui ont succédé dans l’histoire de l’humanité, Jésus éleva sa propre conscience au niveau de la réalisation métaphysique de la Vérité ultime et absolue qui est Dieu, et indiqua à ses semblables la voie à emprunter pour y parvenir eux aussi.
Bien qu’il fût détonant à maints égards dans le contexte culturel et social de l’époque et de la zone géographique où il fut délivré, l’enseignement de Jésus ne fut pas vraiment novateur dans la mesure où on pouvait en retrouver la plupart des éléments dans d’autres traditions et chez d’autres Instructeurs spirituels.
En revanche, ce qui fut véritablement révolutionnaire, c’est qu’il présenta le Dieu créateur comme un Dieu d’Amour, un Dieu bienveillant envers Sa Création, ce qui offrit un contraste saisissant avec les doctrines gnostiques préexistantes ou avec le Dieu vengeur et jaloux de la tradition hébraïque. Par rapport à cette dernière, il apporta une véritable réforme en condamnant la loi du talion connue à travers l’expression « œil pour œil, dent pour dent », en la remplaçant pas le renoncement à toute forme de vengeance et bien entendu par l’amour de son prochain comme de soi-même :
« Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force. […] Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là. » Marc 12:30-31
Mais le caractère novateur et révolutionnaire de son enseignement relativement aux aspects que je viens de citer ne suffit pas à expliquer à lui seul l’influence que son message eut sur les consciences de son temps.
Ce qui permit à l’enseignement de Jésus de bouleverser les mentalités au point de devenir la fondation d’une nouvelle religion – le christianisme –, c’est le rayonnement charismatique de la personnalité de Jésus. Grâce à l’énergie particulière liée à sa mission conjuguée à un talent d’orateur hors du commun et aux pouvoirs thaumaturgiques dont il se servit exclusivement pour rendre compte de la puissance créatrice du Père et de Son incommensurable amour pour Sa Création, il put en effet marquer profondément les consciences de son époque, et rassembler autour de lui de nombreux adeptes.
Gnose chrétienne et gnosticisme
L’enseignement de Jésus-Christ se rapporte à la révélation de la Connaissance sacrée, universelle, qui peut être considérée de deux manières différentes.
Premièrement, cette Connaissance ou Gnose peut être comprise comme l’ensemble des connaissances et des doctrines pouvant potentiellement aider chaque être humain à se libérer de l’ignorance et à incarner pleinement (dans toutes les dimensions de son être) l’Esprit qui anime son âme afin de devenir lui-même un être… christique, doté d’un authentique « Corps de gloire ».
Deuxièmement, la Connaissance sacrée peut être vue comme la Connaissance de l’Esprit universel ou, ce qui revient au même, la Connaissance de la Réalité ultime de l’existence ou de la Vie éternelle, qui devient dès lors « connue » non pas comme un objet de connaissance, mais comme le fait d’être et d’incarner cette Connaissance métaphysique et transcendante, faisant de l’être un authentique « Fils de Dieu ».
En grec ancien, cette Connaissance est nommée gnôsis, ce qui a donné « gnose » en français. Elle a pour équivalant jnāna [1] en sanskrit. Dans l’hindouisme, elle peut d’ailleurs être considérée de la même manière que le Yoga, qui concerne autant les voies ou techniques qui permettent de réaliser l’Esprit universel que l’union entre l’être et ce même Esprit universel.
La Gnose chrétienne fait donc ici référence à la Gnose universelle telle qu’elle fut enseignée par Jésus Christ et transmise après lui par ses proches, formés pour cette mission. Or, s’il y a une véritable Gnose chrétienne qui a traversé les âges et qui est parvenue jusqu’à nous de manière intacte, comme nous allons le voir en profondeur dans les prochains cours, il faut également préciser qu’il existe d’autres formes de gnoses, qui constituent à proprement parler ce qu’on nomme le « gnosticisme ».
Saint Irénée de Lyon, qui vécut au IIe siècle apr. J.-C., prétendit que le gnosticisme sous ses différentes formes représentait une perversion de la Gnose chrétienne, comme en témoigne le titre d’un de ses ouvrages les plus connus : Contre les hérésies. Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur. À sa suite, l’Église catholique défendit la « vraie gnose » contre la « fausse gnose » des hérétiques, qui se développa sous diverses formes très tôt dans l’histoire de la chrétienté en y puisant certains éléments doctrinaux, mais qui existait déjà sous d’autres expressions bien avant la venue du Christ.
Au sujet du gnosticisme, la question est complexe car les différentes formes prises par les mouvements gnostiques à travers le temps ne se ressemblent pas. Certaines d’entre-elles ont puisé leur connaissance dans le christianisme, mais également dans le judaïsme et le mazdéisme, voire dans plusieurs traditions en même temps, y compris philosophiques. Par exemple, les Cathares et les Ophites furent considérés comme des gnostiques, mais leurs doctrines et leurs pratiques présentaient de profondes divergences.
En revanche, il existe un élément fondamental qui constitue le dénominateur commun des différentes formes de gnosticisme, qui les différencie radicalement de l’enseignement de Jésus Christ et donc aussi de la Gnose chrétienne. Cet élément doctrinal est le suivant : elles considèrent le Dieu créateur comme un Démiurge mauvais, voyant sa création comme imparfaite, impure. Pour elles, seul l’Esprit ou le Dieu suprême (donc supérieur au Démiurge) serait pur, considérant en conséquence le corps charnel comme un fardeau, une entrave, responsable de la souffrance de l’âme, estimée pure également.
En cela, les gnostiques avaient une vision essentiellement dualiste de l’existence, avec d’un côté la dimension matérielle impure, imparfaite, mortelle, et de l’autre, l’âme et l’esprit, considérés comme immortels, purs et parfaits. De ce point de vue, on comprend que les gnostiques ne pouvaient pas admettre que le Dieu créateur était un Dieu aimant et bienveillant comme l’enseigna Jésus puisque cela n’était pas cohérent avec leur vision du monde. En effet, comment un Dieu bon et aimant aurait-il pu créer un monde matériel source de souffrance pour l’âme vivante, considéré comme une prison pour elle ?
Certains gnostiques ont donc rejeté cet aspect fondamental de l’enseignement du Christ, tout comme l’axiome selon lequel le royaume de Dieu n’est pas séparé de cette dimension matérielle. Cette vision gnostique pour le moins négative et déprimante de l’existence matérielle, a pu engendrer des déviances graves dans certaines communautés gnostiques, avec d’un côté la voie ascétique prônant la mortifications du corps et, à l’extrême opposée, un mode de vie libertaire tolérant toutes les pratiques occultes et magiques, tous les plaisirs de la chair, toutes les horreurs, toutes les immoralités, justifiées par le fait que puisque la matière est déjà souillée et impure, on peut se livrer sans complexe à toutes les débauches, notamment sexuelles. Malheureusement, de telles dépravations se rencontrent encore aujourd’hui au sein de certaines sociétés secrètes, adeptes du satanisme.
Le cas du satanisme
Cette dernière tendance, diamétralement opposée à l’enseignement du Christ, mérite qu’on y consacre quelques explications, car elle a joué et joue encore un rôle prépondérant dans l’« abomination de la désolation [2] » que connaît aujourd’hui notre monde moderne.
Le satanisme puise très probablement ses racines chez les Ophites, une communauté de sectes gnostiques adoratrices du Serpent de la Genèse, parmi lesquelles on trouvait les Caïnites et les Naasséniens, entre autres. Leur idéologie commune est basée sur la croyance que seule la connaissance libère et sauve, et que cette connaissance est apportée par Satan. Ces gnostiques considéraient également que la création était un lieu impur, dégradé, qui était l’œuvre d’un Démiurge mauvais, dont l’intention était d’emprisonner l’âme humaine dans une forme d’ignorance et d’esclavagisme liberticide. Mais alors que les Cathares considéraient Satan et ce Démiurge mauvais comme une seule et même entité, les Ophites distinguaient les deux et voyaient en Satan une entité exclusivement bonne, un sauveur, un rédempteur, ayant apporté aux premiers hommes la connaissance du bien et du mal pour leur permettre de se libérer de l’empire du Démiurge mauvais et de devenir eux-mêmes comme des dieux.
Il s’agit-là d’une fausse gnose, car la véritable connaissance qui libère l’être humain n’est pas la connaissance du bien et du mal (connaissance qui ne saurait dépasser le cadre de l’intelligence humaine, mentale, rationnelle), mais la Connaissance métaphysique – la vraie gnose –, qui ne peut être « insufflée » que par l’Esprit à une conscience individuelle parvenue à réunir en elle les conditions lui permettant de s’ouvrir à ce don du Ciel, cette grâce de l’Esprit.
C’est du moins le point de vue des Pères de l’Église, selon lesquels « la matière est créée par Dieu, et que comme telle, elle n’est pas mauvaise. Ils soutiennent en outre que la grâce, dont la source est toujours l’Esprit Saint, n’est pas un bien propre de l’âme, mais doit être implorée de Dieu comme un don [3]. »
Ces sectes gnostiques satanistes ont eu une influence extrêmement néfaste précisément du fait que leur doctrine considère que l’homme peut devenir semblable à un dieu, lui faisant croire qu’il est capable de se libérer et de s’épanouir par lui-même grâce à l’intelligence purement humaine, rationnelle, avec tout ce qui peut en découler en termes de contrôle, de manipulation et de stratagème.
Naturellement, un tel système de croyance donne à l’homme la conviction qu’il est tout puissant et libre d’agir à sa guise, encouragé même à se révolter contre la Volonté divine, jugée aliénante selon ce paradigme. C’est évidemment une inversion pure et simple de la réalité, puisque c’est l’ouverture à l’Esprit de Dieu qui seule peut véritablement rendre l’être humain libre de ses propres chaînes (c’est-à-dire de ses illusions, de ses conditionnements karmiques).
Bien qu’ils crussent sincèrement que le Serpent de la Genèse était une figure du Rédempteur venu leur apporter la connaissance libératrice et émancipatrice, les juifs et les premiers chrétiens convertis à cette forme de gnosticisme devinrent donc des satanistes, c’est-à-dire des adorateurs de Satan.
Même si leur intention ne fut pas mauvaise au départ, leur idéologie ne pouvait que les placer dans une position de révolte face à la véritable Gnose chrétienne et, partant de là, ce mouvement ne pouvait que dégénérer en pratiques déviantes.
Au fil des siècles, les sectes gnostiques proliférèrent et aujourd’hui plus que jamais, l’impact de leur idéologie sur la civilisation est immense, car leurs membres ont infiltré et corrompu à peu près tous les milieux, tant politiques, économiques, médiatiques, philosophiques, initiatiques [4] que religieux.
Certains d’entre eux n’ont d’ailleurs même pas honte d’afficher publiquement l’adoration qu’ils vouent à Satan (ou à Lucifer), à l’instar d’un philosophe français bien connu qui, dans une émission télévisée datant de quelques décennies déjà, parlait de la connaissance apportée par Satan/Lucifer en des termes très élogieux.
Même si ces individus sont sincères et croient réellement en la supériorité de leur idéologie, à savoir que Satan/Lucifer est le Rédempteur qui sauve l’être humain d’un Dieu mauvais, cela ne les empêche pas de vivre dans une forme d’illusion et de se placer en permanence dans un état de subversion, de rébellion, face à la Volonté divine, donc de péché. À l’extrême de la perversion se trouvent ces individus qui s’estiment au-dessus de toute règle morale et dont le credo pourrait être résumé ainsi : « je fais ce que je veux et je vous emmerde ! ». Telle est précisément le noyau dur de l’idéologie sataniste : le culte du « moi » ou l’égoïsme poussé à son paroxysme de manière totalement décomplexée.
Pour le sataniste, il n’y a pas de morale universelle dans le sens où ce qui constitue le « bien » à ses yeux est ce qui lui procure du plaisir alors que le « mal » est ce qui, à l’inverse, est pour lui déplaisant, désagréable ou source de souffrance. C’est une propension à fonctionner uniquement au travers de la « connaissance du bien et du mal » telle qu’elle est promue par Satan. Le sataniste ne cherche donc pas l’éveil spirituel mais son exacte opposée : la toute-puissance du « moi », c’est-à-dire de l’ego.
S’estimant libre de faire ce qu’il veut au motif que ce qui compte est d’obtenir du plaisir par la satisfaction de ses désirs et d’éviter la souffrance – ce en quoi le satanisme et l’hédonisme ont beaucoup plus en commun qu’on pourrait le penser à première vue – il est pourtant esclave de ses pulsions, sous l’emprise permanente de sa structure mentale à laquelle il est totalement identifié. Les impulsions contraires le dominent, sa nature inférieure le domine, la bête en lui le domine, et c’est pour lui gage d’évolution et de préservation dans un monde où, d’après lui, ce sont la « sélection naturelle » et la « la loi du plus fort » qui prévalent.
Il est évident que celles et ceux qui épousent l’idéologie sataniste, que ce soit en toute connaissance de cause ou inconsciemment de par leur nature propre, sont totalement dépendants de la dimension horizontale de l’existence – la matière – pour éprouver du plaisir, raison pour laquelle leurs efforts sont exclusivement orientés en vue de contrôler le vivant.
En cela, le satanisme est bien à l’opposé de la quête spirituelle, qui vise au contraire à renverser les rapports pour se libérer autant de l’égocentrisme que de la dépendance à la matière, pour accéder à l’unité, à la liberté et au bonheur par la dimension verticale de l’existence : la spiritualité.
L’Évangile, ou la Bonne Nouvelle
Ce dernier point fut d’ailleurs à l’origine de ce qui allait devenir la « Bonne Nouvelle » de Jésus-Christ, à savoir l’annonce que le royaume de Dieu est au-dedans de chacun, et que cette dimension spirituelle de l’existence est à chercher en priorité, comme l’exprime cette parole clé de son enseignement : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît [5]. »
Contrairement à ce que beaucoup de chrétiens pensent, le royaume de Dieu n’est pas seulement une réalité matérielle tangible qui se manifestera un jour sur terre, il est d’abord une réalité spirituelle immanente, omniprésente, mais dont la porte est en quelque sorte fermée à ceux qui ne font pas l’effort de le chercher. Si le Christ nous a invité à chercher d’abord le royaume de Dieu, c’est parce qu’il existe ici et maintenant et qu’il est possible le trouver, cela grâce à la dynamique conférée par cet effort, une dynamique de l’effort juste sur soi-même.
Jésus a été on ne peut plus clair à ce niveau, comme en témoigne ces trois versets : « Les pharisiens demandèrent à Jésus quand viendrait le royaume de Dieu. Il leur répondit : Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards. On ne dira point : “Il est ici, ou : Il est là”. Car voici, le royaume de Dieu est au milieu de vous.” Et il dit aux disciples : Des jours viendront où vous désirerez voir l’un des jours du Fils de l’homme, et vous ne le verrez point… »
En dépit de ces paroles qui lève toute ambigüité, beaucoup de chrétiens pourraient s’indigner dans la mesure où ils considèrent que l’« Évangile [6] » concerne la venue du royaume de Dieu sur terre, que Jésus aurait annoncée proche. Cette vision des choses, si elle peut certes donner de l’espoir, est à mon sens erronée dans la mesure où elle replace la matière aux centres de toutes les préoccupations, ce qui va à l’encontre de l’enseignement du Christ.
Pour exprimer les choses simplement, c’est comme si cette vision des choses nous maintenait dans l’attente que les choses changent à l’extérieur pour que nous soyons enfin en paix, libre et heureux, alors que le message de Jésus vise au contraire à nous libérer de cette attente pour que l’on puisse trouver la paix et la joie indépendamment des circonstances, par l’intermédiaire de l’Esprit, ce qui est d’ailleurs la définition on ne plus claire et précise du royaume de Dieu donnée par Saint Paul : « Le royaume de Dieu n’est pas à manger et à boire, c’est la joie, la paix et la justice dans l’Esprit Saint [7]. »
« L’ego dit : “Une fois que tout sera en place, je trouverai la paix…” ; L’Esprit dit : “Trouvez la paix et tout se mettra en place.” » Padma Bhadra
Si l’on prenait malgré tout pour vrai l’interprétation selon laquelle la bonne nouvelle est que le royaume de Dieu est proche, et que l’on voulait bien admettre qu’elle ait pu apporter de l’espoir aux contemporains de Jésus, il faudrait alors considérer que ce fut de faux espoirs puisque le royaume de Dieu ne s’est pas manifesté de leur vivant.
Or, si l’on part du principe que Jésus était ce qu’il était, on ne peut pas légitimement penser qu’il ait pu avoir un quelconque intérêt à jouer sur l’espoir pour séduire les foules et faire des adeptes. À en juger par son enseignement, axé sur l’adhésion totale à la réalité telle qu’elle est, cela ne fait absolument aucun sens. Il est beaucoup plus cohérent de penser qu’à travers son enseignement il ait voulu que chacun puisse comprendre que le royaume de Dieu, dont il faisait lui-même l’expérience, est accessible également à toute personne qui croit en son message, pour peu qu’elle se donne les moyens d’y « entrer », par ses propres efforts sur elle-même, encore une fois. Car même si le royaume de Dieu ne s’est pas (encore) manifesté sur terre, il est possible à chacun d’en faire l’expérience en tant qu’état de conscience, expérience que d’innombrables sages et éveillés ont pu vivre à travers les siècles grâce à leur ouverture totale à l’Esprit, alors même que les circonstances de leur vie furent parfois très difficiles sur le plan matériel.
D’ailleurs, si l’on veut que le royaume de Dieu puisse « descendre ici-bas » et devenir une réalité matérielle tangible, il fait sens de penser qu’il faut d’abord qu’il soit « vécu » intérieurement par un nombre suffisamment grand d’êtres humains. En en vertu de l’analogie entre les causes et leurs effets, on ne peut en effet envisager de vivre l’harmonie à l’extérieur si celle-ci fait défaut à l’intérieur.
Historiquement, la première transmission écrite connue de l’enseignement de Jésus s’est faite par l’intermédiaire des Épîtres de Paul, dont l’écriture remonterait à l’an 50 de notre ère [8]. Paul lui-même qualifia cette transmission d’« Évangile », comme en témoignent ses propos : « Je vous déclare, frères, que l’Évangile qui a été annoncé par moi n’est pas de l’homme ; car je ne l’ai ni reçu ni appris d’un homme, mais par une révélation de Jésus-Christ [9]. » Il va même jusqu’à dire que cet Évangile est celui de la paix [10], ce qui indique clairement que la Bonne Nouvelle que le Christ en Gloire lui a révélée sous la forme de « visions » doit permettre à l’être humain d’atteindre la paix, non pas dans le contexte de sa vie extérieure [11], mais à l’intérieur de lui-même, dans sa propre âme, comme nous l’avons vu. Vint ensuite l’Évangile de Marc, vers l’an 70, puis les Évangiles de Matthieu et Luc, entre 80 et 90 (comme les Actes des Apôtres), et enfin celui de Jean – le plus mystique et le plus historique des Évangiles –, autour de l’an 100. Au regard de ces informations, il est très probable que les auteurs auxquels sont attribués les textes sacrés qui composent aujourd’hui le Nouveau Testament n’aient pas pu connaître personnellement Jésus de son vivant. Par conséquent, leurs écrits seraient des retranscriptions d’anciennes notes perdues ou cachées, ou d’enseignements oraux transmis par les premiers disciples de Jésus.
Il faut en effet noter qu’à l’origine, les quatre Évangiles canoniques n’étaient pas connus sous le nom de leurs auteurs « officiels ». Selon Timothy Freke et Peter Gandy : « ils n’étaient attribués à aucun auteur particulier, chaque Évangile étant considéré comme “l’Évangile” d’un groupe de chrétiens particuliers. Ce n’est que plus tard qu’ils ont acquis le nom d’un auteur supposé. Ce sont en réalité des œuvres anonymes, dans lesquelles tout, sans exception, était écrit en lettres capitales, sans titre, chapitres, ou division en versets, et pratiquement sans ponctuation ni espace entre les mots. Ils ne furent même pas écrits en araméen mais en grec. Les Évangiles ont aussi été “complétés” et “modifiés” avec le temps [12]. »
Selon l’Esprit et non la lettre
Sachant qu’il y a eu d’innombrables traductions et retraductions depuis les toutes premières retranscriptions des enseignements oraux transmis par Jésus et ses premiers disciples, il serait insensé de considérer que les Évangiles, tant canoniques qu’apocryphes, n’aient pu subir aucune altération de certains de leurs passages en ce qui concerne l’écriture d’un point de vue strictement littéral.
Ceci dit, bien que les versions les plus modernes soient, pour cette simple et bonne raison, peu ou prou différentes des enseignements originaux, je suis d’avis qu’elles en ont conservées le sens profond, spirituel, afin qu’elles puissent continuer à servir de véhicule de transmission de l’enseignement de Jésus à toute personne capable de le recevoir.

Pour recevoir la compréhension du sens profond des textes sacrés du Nouveau Testament et, par là même, de l’enseignement de Jésus, il faut les aborder « avec le cœur, selon l’Esprit et non selon la lettre [13] », pour reprendre l’expression de Saint Paul, cela avec l’intention que leur véritable sens soit révélé par la lumière de l’Esprit – l’Esprit Saint, pour les chrétiens –, sans attente ni idées préconçues quant à la forme que cette révélation doit prendre.
La question que l’on peut immédiatement se poser, est pourquoi la connaissance du sens profond des textes sacrés ne peut être donnée que par l’Esprit ? D’après Saint Paul, c’est « Dieu qui donne l’Esprit de sagesse, et de révélation, dans ce qui regarde Sa connaissance [14] [15]. » Appréhender les enseignements « avec le cœur » revient à dire que leur compréhension ne procède pas d’un processus mental, mais bien spirituel, ce qui revient encore à dire qu’il faut être « pauvre en esprit », c’est-à-dire avoir un « esprit simple » qui laisse passer la lumière spirituelle, comme celui des petits enfants.
« Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. » Matthieu 11:25
L’individu qui aspire sincèrement à être ainsi spirituellement instruit recevra au moment opportun les semences de connaissances qu’il lui reviendra de faire grandir par la méditation, dans un processus de « réflexion profonde ». Ce processus rendra possible l’épanouissement des pensées élevées à même d’apporter la compréhension du sens véritable du contenu des textes sacrés, mais pourra cependant être plus ou moins déformé par l’influence du mental. Mais malgré cela, si l’aspiration demeure sincère et qu’elle s’accompagne de l’humilité qui rend possible le renoncement aux croyances auxquelles l’ego peut être attaché par orgueil ainsi que la remise en question des possibles erreurs d’interprétation, cette compréhension s’affinera graduellement avec le temps, permettant d’approcher toujours davantage le véritable enseignement de Jésus, ce qui vaut également pour la compréhension des textes sacrés des autres religions.
À en juger par le grand nombre de divergences dans l’interprétation du contenu des textes donnés par des initiés, des théologiens ou de simples profanes, nous pouvons nous rendre compte de la difficulté de cette démarche. Si elle était aisée, tous les exégètes se seraient entendus sur le sens à donner aux paroles des Évangiles et le christianisme n’aurait pas connu autant de dissensions et de réformes.
Partant de ce constat, prétendre transmettre l’enseignement de Jésus tel qu’il l’a lui-même transmis de son vivant, sans aucune erreur, serait à la fois prétentieux et arrogant. Et ce serait même imprudent dans la mesure où des personnes dépourvues d’esprit critique pourraient prendre des interprétations erronées pour des vérités qui n’en sont pas.
À la Lumière de l’Évangile
Pour corroborer mes propos et pour les compléter aussi, je vous propose quelques passages du livre À la Lumière de l’Évangile, qui porte bien son titre puisque son auteur, Daniel Maurin, interprète les Évangiles canoniques d’une manière tout à fait lumineuse, inspirée.
Dans cet ouvrage qui n’est désormais plus édité et dont je suis chanceux de posséder un des rares exemplaires, l’auteur nous explique également le positionnement intérieur qui seul peut nous aider à saisir le sens profond de l’enseignement de Jésus, ainsi que les déviations et perversions qu’une approche purement « cérébrale » peut engendrer. Je ne peux que saluer le remarquable travail de cet auteur, qui a su admirablement faire ressortir le caractère universel de l’enseignement de Jésus, en relevant notamment sa correspondance avec la Non-dualité hindoue (Advaïta) :
« Il ne s’agit pas d’une savante exégèse mais d’une lecture du texte avec le cœur, en relation avec l’expérience intérieure. […] Cette approche permet, en outre, de saisir plus facilement l’essentiel du message, son sens originel, dans le langage de notre temps.
Si les nombreuses connotations, interprétations, commentaires du passé furent souvent l’œuvre d’esprits de génie, nul doute qu’ils furent influencés par les croyances et les tendances de leur époque. D’où l’intérêt de porter sur ces précieux “dits” de Jésus une vision contemporaine qui s’enrichit des acquis récents de nos cultures, en particulier de la rencontre des traditions et de l’influence des métaphysiques orientales. […]
À la lumière de ces nouveaux ponts, il devient possible de purifier le message évangélique de nombreuses projections anthropomorphiques héritées du passé et qui “ne passent plus” aujourd’hui. Certes, la figure terrifiante du Père Tout Puissant sur son trône céleste, poursuivant ses “chers” enfants de ses colères et de ses jalousies fracassantes, jusque dans les rôtissoires de l’enfer éternel, a fait place à un Père aimant et tendre qui ne ferait pas de mal à une mouche : peut-être un autre excès où le sentiment de la “fragilité de Dieu” remplace la crainte servile de jadis.
De même, le corps doctrinal complexe de l’Église, assorti des quelques cinq mille articles du Droit canon, ne motive plus autant les fidèles, dont certains préfèrent le dépouillement du Zen ou la philosophie antique du Bouddhisme.
Quant à la figure de Jésus, elle fascine de plus en plus de chercheurs spirituels. Combien de fois entendons-nous cette parole : “Jésus oui, l’Église non !” Trop de blessures semblent associées à un message culpabilisant et doloriste. Pour les personnes en quête de vérité, quelle relation existe-t-il entre l’enseignement si simple et limpide de Jésus et le professeur de doctrine que l’on présente habituellement ? Lui-même reviendrait-il jeter un coup d’œil sur les interprétations de ses zélés commentateurs qu’il se demanderait parfois de qui l’on parle : serait-il certain de passer avec succès ses examens de théologie ?
Pourquoi bâtir sur la figure simple et immaculée du Christ une telle montagne de systèmes, de lois et d’interdits de toutes sortes ? Les projections mentales des “intelligents [16] ” n’ont-elles pas créé différentes théologies qui ne cessent de se combattre depuis des siècles ?
Seuls les spécialistes peuvent saisir, après de nombreuses années d’étude, les méandres de la scolastique et digérer les énormes traités de nos grands théologiens. Après avoir écrit le plus imposant et peut-être le plus génial d’entre eux, la fameuse Somme théologique, saint Thomas d’Aquin lui-même, à la suite d’une expérience contemplative profonde, ne déclara-t-il pas : “Tout ceci n’est que de la paille” ? Loin de déprécier la valeur de ces monuments de l’intelligence humain ni de dénigrer leur utilité sur le chemin, force est de constater que l’expérience mystique les dépasse tous.
Par ailleurs, les théologies sont fondées sur l’état de conscience des théologiens. Celui qui vit dans la seconde Demeure ne voit pas du tout la réalité de la même manière que celui qui vit dans la septième ! Pour le premier, tout est perçu en termes de souffrance, tandis que pour le deuxième, la vie est béatitude. Alors que dans les premières Demeures [17] dominent la dualité et les conflits, les dernières sont vécues sous le signe de l’harmonie, de la paix, de la joie sereine. La théologie dépend donc de la couleur des lunettes des commentateurs, ce qui explique la grande disparité de points de vue.
Quel fut donc l’enseignement de Jésus ? Nous ne le savons pas de première main (nous n’avons encore retrouvé aucun écrit de lui) mais disposons des rapports très succincts de certains disciples, consignés plusieurs dizaines d’années après son départ. Ces textes peuvent se lire en un après-midi alors que Jésus enseigna presque tous les jours pendant trois ans, ce qui remplirait des bibliothèques entières !
À partir des bribes qui nous restent, nous pouvons cependant déduire que son enseignement couvrait tous les niveaux de conscience, depuis les plus primaires jusqu’aux plus élevés. Aux foules il dispensait des conseils de morale et de bonne conduite, des pratiques dévotionnelles simples ; par contre, les paraboles et certaines petites phrases laissent entendre une théologie qui dépasse le point de vue dualiste et touche la non-dualité. Ne pouvant s’adresser qu’à une minorité de chercheurs avancés, ce message n’est pas développé par les évangélistes mais transparaît seulement de manière allusive, symbolique ou parabolique. C’est peut-être le moment aujourd’hui de se pencher sur cet aspect peu connu de l’Évangile. […]
Ainsi, pendant que les théologiens doctrinaux se battent pour comprendre la nature de l’eau, les mystiques, eux, boivent tranquillement à la source. Précisément, si les dires de Jésus coulent de source, n’est-ce point parce qu’ils nous ramènent à la grande Origine où nous allons et d’où nous sommes issus ? […]
Dans nos obscurités et nos angoisses, la vie et les paroles de Jésus peuvent nous tracer un sentier de lumière vers ce qui est le plus proche de nous : nous-mêmes ! N’est-ce point la voie qui nous ouvre au mystère de l’omniprésente Divinité ? Non seulement pour la comprendre mais pour la réaliser en plénitude dans la chair de nos vies [18]. »
« Pour suivre Jésus dans la fine pointe de son enseignement, nous devons résolument quitter le monde sécurisant de nos catégories mentales pour affronter le grand Silence du dedans, la grotte du cœur, où s’accomplit la divine Naissance, qui ne se réalise pas suivant la chair mais suivant l’Esprit. Les épisodes évangéliques n’ont plus alors seulement une valeur anecdotique et historique – sans que ces dimensions ne soient en rien minimisées –, mais recèlent en outre d’autres niveaux d’interprétation, qui nous introduisent au centre du mystère. […]
L’Évangile devient un enseignement vivant qui nous transforme intérieurement et nous permet de renouer progressivement avec notre Moi profond, notre Christ intérieur, trop souvent englouti sous le décombre des idéologies et des conditionnements. Grâce à ce décapage salutaire, nous nous libérons de nos prisons intérieures et renaissons à notre véritable identité où s’expriment la joie et la liberté des enfants de Dieu ; notre vie quotidienne sort alors de la morosité pour devenir une icône vivante de la Divinité. En intériorisant chaque passage de l’Évangile, le Christ devient de plus en plus présent et vivant dans nos cœurs [19]. »
Manifester le fruit de l’Esprit
L’enseignement de Jésus vise ce but bien précis : permettre à l’être humain de réaliser sa véritable essence ou nature spirituelle et vivre ainsi en permanence dans la paix, la joie et l’émerveillement, en unité avec l’Esprit Saint et toute la Création. Faire l’expérience du royaume de Dieu n’est pas autre chose que cela. En vertu de cette réalisation, l’être fait l’expérience de sa véritable nature et est élevé sa plus haute condition, celle du « Verbe fait chair », car il ne s’agit pas seulement de concevoir théoriquement que l’Esprit est l’essence spirituelle qui unit tout ce qui est en ce monde, mais de le réaliser et de l’incarner pleinement.
Dans ces conditions, l’identification illusoire à la personnalité est définitivement abandonnée, et la conscience de l’être, en « synthonie » avec l’Esprit, se laisse « infuser » par la lumière spirituelle en permanence. En conséquence, l’Esprit s’incarne et illumine entièrement la personnalité, faisant de celle-ci un… Christ. S’étant détaché de l’identification illusoire à tout ce qu’il n’est pas, l’être s’est éveillé à sa véritable essence spirituelle, avec laquelle il ne fait plus qu’un, en effet. Il est le Christ intérieur, ou Double lumineux.
À ce titre, l’enseignement de Jésus vise le même but que celui des grands Instructeurs spirituels de toutes les autres traditions. Ce but n’est pas différent du fameux « connais-toi toi-même » qui était inscrit sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes. Il ne s’agit pas de « figer » l’être dans cette connaissance métaphysique de sa propre essence spirituelle – l’Esprit –, mais faire de sa personnalité un parfait véhicule de cette essence dans le monde, à l’image d’un astre qui rayonne sa lumière et qui éclaire le monde. L’être devient ainsi une force agissante dans le monde, lui offrant le « fruit de l’Esprit » sous la forme de qualités et vertus divines de l’âme élevée à sa plus haute condition : « l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance [20]. »
Le chrétien sincère, qui a compris l’enseignement de Jésus, s’engage dans la voie de l’amour de Dieu et des hommes. Il travaille sur lui-même dans le but de manifester toujours davantage cette condition christique, ce fruit de l’Esprit qui se manifeste par une impulsion jaillissant de son cœur, prenant la forme des qualités et vertus précitées. Ce noble idéal, il aspire à le réaliser, de même d’ailleurs que le croyant sincère des autres religions qui a compris où mène tout enseignement spirituel authentique, car la condition christique est potentiellement en lui, tout comme l’Esprit lui-même.
« Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » 1 Corinthiens 3:16
Il y a ici un point fondamental à comprendre : le fruit de l’Esprit ne peut pas être produit par la volonté de l’ego. L’amour, la charité, le don de soi, la patience, la paix, la bienveillance, etc., ne peuvent se manifester que de manière naturelle, comme autant d’élans de vie que l’être laisse s’écouler et s’épanouir librement à travers lui, de manière désintéressée, dans un état de grâce et de fluidité qui s’apparente à l’action « non-agissante » dont parle la doctrine taoïste.
Si l’être cherche à aimer son prochain et à donner de lui l’image d’un « bon chrétien » pour faire bonne figure ou se donner bonne conscience, l’effort produit procède du mental, donc de croyances, de la morale, de conditionnements, etc. et si louables que puissent paraître les actes accomplis dans un tel état d’esprit, ils ne sont en rien christiques.
Seul l’Esprit sait quelle est l’action juste. Vouloir agir à partir de la « connaissance du bien et du mal », connaissance toute mentale, ne peut que s’opposer à la Volonté divine de l’Esprit et faire ainsi « manquer la cible », c’est-à-dire commettre le péché, cela même si l’être se persuade que ce qu’il fait est « bien » sur la base de son idéologie. Dans de telles conditions, même le fait de se contraindre à aimer ou à pardonner ne portera aucun fruit. Le fruit de l’Esprit n’est réel que lorsqu’il est spontané et sincère.
De cela, il faut conclure que le seul effort que l’être doit accomplir s’il entend pouvoir incarner la condition christique et devenir un fruit vivant de l’Esprit, est celui qui lui permet de se placer dans le juste positionnement intérieur, qui implique de renoncer à réagir à partir des impulsions de l’ego conditionnées par le passé, les croyances, les préférences, les désirs, etc.
Quelques citations à méditer
« Le plus grand désordre de l’esprit est de vouloir que les choses soient non ce qu’elles sont, mais ce que nous voudrions qu’elles soient. » Jacques-Bénigne Bossuet
« Chaque homme a la possibilité de marcher dans les traces de Dieu et de mettre Sa magie en œuvre s’il veut bien se discipliner lui-même pour laisser à Dieu la pleine maîtrise de son corps, de son intelligence, de son âme et de son esprit. » Eugene E. Whitworth
« L’essence de la sainteté est l’acceptation totale de l’instant présent, l’harmonie avec les choses, telles qu’elles arrivent. Un saint ne désire pas que les choses soient autres que ce qu’elles sont ; il sait que, compte tenu de tous les facteurs, elles sont inévitables. Il est en harmonie avec l’inévitable, il n’en souffre donc pas. Il peut connaître la douleur, mais elle ne le brise pas. S’il le peut, il fera ce qui est nécessaire à la restauration de l’équilibre – ou il laissera les choses suivre leur cours. » Srī Nisargadatta Maharaj
« Lorsque vous lâchez prise face à ce qui est et que vous devenez donc totalement présent, le passé perd tout son pouvoir. Le royaume de l’Être, qui était masqué par le mental, se révèle. Tout d’un coup, un grand calme naît en vous, une insondable sensation de paix. Et au cœur de cette paix, il y a une grande joie. Et au cœur de cette joie, il y a l’amour. » Eckhart Tolle
« Vide-toi de toi-même, et je t’emplirai. » Parole attribuée à Jésus Christ, par Swāmi Sivānanda Sarasvati
Pratique
Si l’être n’est pas capable d’aimer de manière inconditionnelle, il peut en revanche produire en lui-même l’ouverture par laquelle la lumière spirituelle, l’Amour du Père, va pouvoir pénétrer sa personnalité et ouvrir son cœur, ce qui se fait progressivement à mesure qu’il renonce à réagir à partir du mental et de tous ses conditionnements réflexes fondés sur l’avidité et l’aversion.
Si Jésus utilise l’exemple du petit enfant, tout comme il se sert d’ailleurs également de l’expression « pauvre en esprit », c’est pour décrire cet état de parfait équilibre et de simplicité, synonyme de pureté et d’innocence également, dans lequel se trouve la conscience de l’être lorsqu’elle est désidentifiée de la structure mentale et des impulsions contraires qui s’y manifestent. Cette conscience « pauvre » et « simple », pure, équilibrée, équanime, pleinement consciente, qui se traduit donc par cette faculté d’observer avec détachement ce qui est, y compris « soi-même » en tant que conscience d’être (êtreté), est le moyen le plus efficace de rendre l’âme vivante perméable à l’influence salutaire de l’Esprit.

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Chapitres supplémentaires :
- Vivre le royaume de Dieu
- Le royaume de Dieu est en nous
- Le Royaume et son reflet en soi
- Convertissez-vous
- Renaître d’eau et d’Esprit
- Exercice : le Sauveur intérieur
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[1] Dans l’hindouisme, elle constitue une voie de réalisation à part entière appelée Jnana Yoga (voie de la connaissance), par laquelle le pratiquant ne cherche pas l’acquisition d’un savoir, mais à devenir lui-même, par la transformation de son état de conscience, la Connaissance absolue qui est Dieu, ce qu’on appelle aussi souvent la Libération spirituelle ou la Réalisation du Soi.
[2] Expression tirée de l’Évangile de Marc (13:14).
[3] Source : https://cutt.ly/KwSTmTn5
[4] Je pense notamment aux sociétés et organisations initiatiques telles que la franc-maçonnerie.
[5] Matthieu 6:33.
[6] Du grec euangélion, qui a donné « bonne nouvelle » en français.
[7] Romains 14:17.
[8] Certaines Épîtres seraient plus tardives (177-220 apr. J.-C.), mais il n’est pas certain que Paul en soit l’auteur.
[9] Galates 1:11-12.
[10] Éphésiens 6:15.
[11] L’enseignement de Jésus n’avait en effet pas pour but d’apporter la paix sur terre, comme en témoigne ses propres paroles dans Matthieu 10:34 : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. »
[12] Les Mystères de Jésus – Tome I, Éditions Aléthèia, 2007, pp. 154-155.
[13] Romains 2:29.
[14] La connaissance dont il s’agit ici est la Gnose, la connaissance divine, métaphysique, de l’Esprit transcendant, et non celle du mental (connaissance du bien et du mal… la fausse gnose qui agit comme un voile empêchant d’accéder à la véritable Gnose).
[15] Éphésiens 1:17.
[16] L’auteur fait sans doute référence aux « intelligents » du verset 25 du chapitre 11 de Matthieu, cité plus haut. À plusieurs reprises, Jésus a mis en garde contre le risque d’être induit (et d’induire) en erreur en interprétant les textes sacrés en ayant exclusivement recours à l’intelligence humaine, mentale, dans la mesure où elle ne permet pas à ceux qui s’y limitent, d’entrer dans le Royaume de Dieu. Voir par exemple Luc 11:46, Luc 11:52 et Matthieu 23:13.
[17] Du point de vue ésotérique, les « Demeures » ne sont rien d’autre que des états ou des niveaux de conscience.
[18] À la lumière de l’Évangile, Tome 1, Éditions Chemins de vérité, 2000, pp. 10-13.
[19] Ibid, p. 23 et 4e de couverture.
[20] Selon saint Paul, dans Galates 5:22-23.
- Dernière mise à jour : 25 janvier 2025
- 15:19
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