Le Cours du Vivant

Cours n°9 - Le précieux corps charnel

Le précieux corps charnel

Théorie

Précédemment, je vous ai présenté l’être humain sur la base du ternaire « corps-âme-esprit ». Dans ce cours-ci, nous allons nous pencher plus spécifiquement sur la dimension la plus dense de l’être humain, le corps charnel, afin de voir quelle est sa place dans la quête spirituelle.

Le corps constitue en quelque sorte la fondation sans laquelle l’âme ne peut s’élever et s’épanouir. Si l’on considère les choses de ce point de vue, il est évident que cette fondation doit être saine, solide et stable pour que l’âme puisse s’éveiller et que l’être puisse ainsi servir le bien commun dans la voie qui est la sienne. Or, aujourd’hui, les illusions et les dérives de la mentalité moderne, ainsi que l’esprit religieux perverti, ont grandement mis à mal la dimension corporelle de l’être, en la désacralisant et en l’intoxiquant gravement avec des sources de pollutions issues notamment de l’alimentation, de l’allopathie et de l’atmosphère.

Non seulement l’homme moderne a perdu la conscience de son corps, mais il a également oublié l’absolue nécessité d’en prendre soin en adéquation avec les Lois universelles. Malheureusement, lorsque le corps fait l’objet de toutes les attentions de la part de l’esprit (dont il est le « temple », selon l’expression de saint Paul), le plus souvent ce n’est pas pour atteindre la santé, l’harmonie et l’équilibre, mais pour servir de « faire-valoir » à ce même esprit qui s’y identifie et qui compte sur lui pour obtenir une image valorisante. À cette fin, le corps est excessivement maquillé, tatoué, transformé chirurgicalement et désormais même « augmenté » par la technologie, dans le mépris le plus total de son caractère sacré.

C’est ainsi qu’on mise tout sur l’apparence du corps pour paraître beau, jeune et en forme, selon des critères établis par la société du paraître, mais ce n’est là qu’une façade bien friable, car à l’intérieur, le corps est en piteux état, fragilisé, carencé, entravé, encrassé, énervé (au sens physiologique du terme), etc.

L’important est de paraître et on oublie que la véritable beauté est celle d’un corps nourri de manière naturelle et équilibrée, au sein duquel l’énergie vitale circule librement grâce à la présence d’un esprit sain, pur, équilibré, cultivant l’art de vivre en adéquation avec les aspirations de l’âme vivante, qui peut dès lors s’épanouir à l’intérieur de ce corps et le faire vibrer sur la fréquence de l’harmonie. La véritable beauté est alors la conséquence de cette harmonie naturelle du corps en unité et en équilibre avec l’âme et l’esprit.

Mens sana in corpore sano

Cette formule latine bien connue, généralement traduite par « un esprit sain dans un corps sain », fut écrite par le poète Juvénal au Ier siècle de notre ère. Elle décrivait le lien étroit entre l’esprit et le corps, ainsi que leur influence réciproque.

Mais, en vérité, l’esprit est ici confondu avec le mental et celui-ci appartient à la dimension psychique, celle de l’âme. C’est donc l’esprit identifié à l’activité mentale qu’il faut considérer dans cette formule et non l’esprit en tant que tel puisque, en tant qu’essence spirituelle, il demeure éternellement sain(t) et pur et ne peut par conséquent être affecté par le corps, si mal-en-point que puisse être ce dernier.

En revanche, l’esprit peut s’identifier à la structure mentale par l’intermédiaire des réactions conditionnées et c’est cette identification qui peut en quelque sorte le corrompre et empêcher l’essence spirituelle dont il est le vecteur d’infuser l’âme vivante ainsi que le corps pour y établir les conditions d’ordre, d’harmonie et d’équilibre, qui sont celles de la santé holistique.

Comme nous l’avons vu dans le cours 4, lorsqu’un stimulus entre en contact avec l’un des sens physiques liés au corps, un contact est établi avec le système nerveux. Selon l’état du système nerveux, ce contact se manifeste par une sensation plus ou moins forte et plus ou moins agréable, face à laquelle l’esprit identifié à la structure mentale va réagir automatiquement, soit par le désir, soit par l’aversion. Si le fonctionnement du système nerveux est perturbé et si l’être n’est pas maître de lui-même, il y a de fortes chances pour que cette réaction psychique soit de nature névrotique.

Lorsque le système nerveux est affaibli et rendu vulnérable par l’épuisement ou l’ingestion de certaines substances devenant toxiques pour le corps par leur surabondance, par exemple l’alcool, les médicaments ou le sucre raffiné, les comportements névrotiques augmentent chez le sujet. Il en va de même en cas d’infection, d’intoxication alimentaire ou de trouble de la fonction digestive (dérèglement du microbiote, porosité intestinale, par exemple). De même, lorsque le terrain biologique est saturé d’énergies émotionnelles bloquées, le système nerveux en est forcément affecté.

Ainsi, étant donné que le système nerveux est indissociablement lié à l’activité du mental, il est facile d’établir une corrélation entre l’état de santé du corps et l’état de conscience. De ce point de vue, Juvénal a donc entièrement raison…

Si un esprit maître de lui-même peut rester parfaitement équanime face aux sensations et neutraliser de ce fait la tendance à réagir sous l’influence des réflexes névrotiques, un tel degré de maîtrise de soi ne se rencontre évidemment pas fréquemment chez nos semblables.

Dans l’histoire, il existe des exemples de sages qui n’étaient pas connus pour être particulièrement respectueux de leur corps de chair – je pense notamment à saint Bernard de Clairvaux, saint François d’Assise [1] ou Rāmana Maharshi [2] – mais qui malgré cela parvenaient à garder un esprit pur, doux et paisible [3]. Ce sont là toutefois des exceptions, car la plupart des Sages se sont toujours souciés de la santé du corps et en ont enseigné les grands principes.

Assainir, juste ce qu’il faut

Chez la très grande majorité des individus, un corps malade et intoxiqué va considérablement affecter la psyché en la rendant très névrosée. Il est donc logique qu’en entreprenant des démarches destinées à assainir le corps, l’emprise de la structure mentale en soit amoindrie et que l’esprit ait d’autant plus de facilité à rester centré sur l’essentiel, à savoir l’épanouissement de l’âme dans la voie qui est la sienne.

L’individu qui estime suivre une voie spirituelle et dont le corps est une « épave laissée à l’abandon », négligé sous prétexte que la spiritualité est un domaine séparé de la matière, jugée comme un obstacle ou quelque chose d’impur, n’a donc strictement rien compris. Cet individu-là, en croyant bien faire, se fait beaucoup de mal et approfondit la dualité en lui-même, réduisant d’autant ses chances d’atteindre un jour la Libération spirituelle à laquelle il aspire.

Cela étant dit, à un autre extrême, je dois également mettre en garde contre les démarches hygiénistes exclusivement vouées à la purification du corps, fondées sur la croyance que cette purification permettrait à elle seule l’éveil de l’âme. Il s’agit d’une illusion, car vivre avec un corps cent pour cent pur est impossible étant donné qu’une certaine quantité de déchets et de toxines est toujours naturellement présente à cause des processus métaboliques qui se déroulent en permanence.

Cela dit, même si l’on parvenait à purifier totalement le corps pour quelques instants, l’éveil de l’âme ne se produirait pas pour autant, car cette pureté corporelle absolue ne garantirait en rien la libération des blocages d’énergie dont souffre l’âme dans d’autres dimensions. Ainsi, un individu qui miserait tout sur l’assainissement du corps sans travailler sur les autres dimensions de son être, ne pourrait donc que se leurrer et perdre du temps.

Idéalement, le corps doit être libéré autant que possible des encrassements qui ont été accumulés à cause d’une mauvaise hygiène de vie et doit être restauré dans le fonctionnement optimal de ses organes et de ses fonctions vitales par un apport adapté de souffle vital [4] et de nutriments.

En parallèle à ces démarches utiles, il est indispensable d’œuvrer à la purification du subconscient et d’entraîner la maîtrise de l’esprit par la culture du juste positionnement intérieur comme nous l’avons vu dans les précédents cours.

Une influence réciproque

Les effets placebo et nocebo sont la preuve flagrante que le psychisme agit sur le corps. L’activité mentale et émotionnelle se reflète par exemple aussi dans la posture du corps et dans l’état de tension musculaire. Les émotions plus particulièrement influencent très fortement la constitution du sang et le rythme de la respiration. Aussi, les pensées auxquelles l’esprit s’identifie peuvent carrément modifier certaines fonctions végétatives liées au système nerveux autonome supposées échapper au contrôle mental et à la volonté, comme le rythme cardiaque par exemple. Il y a également l’influence évidente de la psyché sur le corps dans le cas des maladies dites psychosomatiques, maladies qui se manifestent en tant que conséquences, sur le plan physique, de causes situées sur le plan psychique, plus précisément dans la dimension émotionnelle (les émotions ayant un impact sur le système nerveux, lui-même intimement lié au système immunitaire).

Lorsqu’il existe un conflit entre l’âme et l’esprit, le corps l’exprime sous la forme d’un déséquilibre : la maladie. Selon la « langue des oiseaux [5] », maladie c’est « mal a dit », c’est-à-dire l’expression du « mal » (au sens du conflit, de la division) au sein de la psyché et du corps.

Lorsque l’esprit s’identifie à la structure mentale et que les pensées et les actions qui en résultent empêchent l’épanouissement de l’âme, il y a répression ou refoulement, et les énergies qui doivent normalement pouvoir se mouvoir librement dans les différentes dimensions psychiques et physiques, se bloquent ou se raréfient. En conséquence, les cellules du corps ne sont plus suffisamment alimentées en énergie vitale et leur capacité à maintenir l’homéostasie est mise à mal (l’énergie vitale étant le principe ordonnateur et régulateur dont les cellules ont besoin pour fonctionner harmonieusement). C’est ainsi que le chaos et le désordre s’installent et, avec eux, la maladie, en tant que conséquence du conflit entre l’esprit et l’âme.

Si le mot « psychosomatique » traduit l’influence de la psyché (psycho en grec) sur le corps (soma, en grec), cette influence joue également dans l’autre sens. On parle alors du lien « somatopsychique ».

Comme nous l’avons vu, lorsque le système nerveux est perturbé par des émotions bloquées et un milieu biologique enflammé ou pollué par des substances toxiques, la psyché présente une disposition plus grande à la névrose.

Aujourd’hui, il est prouvé scientifiquement que le système nerveux est également sous l’influence directe des microbiotes qui peuplent les différents organes du corps. Des expériences faites sur des souris ont démontré que celles qui disposent d’un milieu intestinal stérile, donc dépourvu de bactéries, adoptent des comportements beaucoup plus imprudents que celles qui disposent d’un microbiote naturellement diversifié, sain et équilibré.

Si, pour l’heure, les observations faites sur les souris ne peuvent être systématiquement transposées à l’être humain, elles contribuent toutefois à stimuler la curiosité des scientifiques, qui effectuent de plus en plus de recherches dans ce domaine. D’ailleurs, des spécialistes explorant cette voie ont identifié un lien de causalité probable entre le dérèglement du microbiote intestinal de l’être humain et certains troubles tels que l’autisme, l’hyperactivité, la schizophrénie et la dépression.

Il est désormais établi que la sérotonine, l’« hormone de la sérénité », qui régule à la fois l’humeur et certains comportements, est fabriquée à hauteur de 95 % par les quelques 500 millions de cellules du système nerveux entérique, lesquelles sont en interaction avec les trillions de bactéries formant le microbiote intestinal.

On peut donc conclure de tout cela que si l’esprit influence le corps, le corps influence également l’esprit, du moins la partie de ce dernier qui interagit avec le monde sensible par l’intermédiaire de la conscience de l’âme. D’ailleurs, l’interrelation entre le corps et l’esprit (tant au niveau conscient qu’inconscient) est si parfaite qu’il serait plus juste de parler de simultanéité que d’influence réciproque.

La métaphore de la graine et de la plante

Trouver une terre fertile est la première chose à faire si l’on veut faire pousser une graine. Ensuite, naturellement, la graine doit recevoir de l’eau et de la lumière en quantité suffisante, et bénéficier d’un tuteur pour s’élever dans les bonnes conditions. Ainsi, seulement, le potentiel de croissance que la graine renferme peut se développer harmonieusement, conformément sa nature.

Cette graine est à l’image de la conscience de l’âme. Pour qu’elle puisse se développer et s’épanouir, il lui faut un milieu naturel fertile, soit un corps en bonne santé et aussi de l’eau et de la lumière, c’est-à-dire l’énergie vitale de l’âme et l’attention de l’esprit. Le tuteur, quant à lui, correspond à la moralité, non pas la « connaissance du bien et du mal » puisque celle-ci relève au contraire de l’amoralité, mais d’une conduite juste relative à la connaissance du Bien suprême, en adéquation avec les Lois universelles, le Dharma, connaissance ou discernement spirituel grâce auquel l’être peut cadrer les pulsions de sa nature inférieure, afin de les orienter dans une direction qui favorise l’épanouissement de l’âme comme celui des autres êtres vivants, autant que possible.

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Ce n’est pas le jardinier qui fait pousser la graine, mais c’est l’intelligence qu’elle contient qui la fait germer et croître, du moment où les conditions sont réunies. Le rôle du jardinier se limite à offrir un sol de qualité à la graine, un tuteur ainsi que de l’eau et de la lumière en quantité suffisante.

L’être est semblable à ce jardinier. Il doit veiller à ce que les conditions soient réunies pour que la graine (la conscience individuelle) puisse croître et exprimer ses plus belles qualités : ses fruits, son parfum, sa beauté, etc. (la créativité, l’amour, la compassion, la bienveillance, la joie, la paix, la générosité, etc.). Il faut pour cela un terrain sain, riche et stable (le corps), un tuteur (la moralité), ainsi que de l’eau (l’énergie vitale) et du soleil (la lumière spirituelle). Lorsque ces conditions sont réunies et entretenues sur la durée, la graine peut pousser de manière autonome et s’épanouir dans l’expression pleine et entière de sa nature.

Cette métaphore permet de comprendre que l’éveil ou l’épanouissement de l’âme dans ses plus belles qualités et vertus, dépendent de l’esprit autant que du corps. L’éveil est une question d’équilibre et d’harmonie entre toutes les dimensions de l’être.

Quelques citations à méditer

« Spiritus sanctus, in mente sana, in corpore sano. » Michel Fromaget

« Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ? » 1 Corinthiens 6:19

« L’être humain constitue une unité psychosomatique » Jean Benjamin Stora

« Un corps débile affaiblit l’âme. » Jean-Jacques Rousseau

« L’homme doit harmoniser l’esprit et le corps. » Hippocrate

« Nous habitons notre corps bien avant de le penser. » Albert Camus

« Ne crois pas que parce que tu es un Initié de haut rang, tu peux te passer de phosphore, de calcium et de magnésium ! » Hamsananda

« Toute maladie est une confession par le corps. » Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz

Pratique

Le corps est un don sacré, d’une valeur inestimable, car il vous permet de vivre dans la dimension la plus dense de la Création et de faire l’expérience de l’existence sur tous les plans. Il est donc impératif d’aimer le corps, le tabernacle de l’âme, en prenant soin de lui. Dans une démarche spirituelle authentique, fondée sur l’amour du vivant, il convient bien évidemment d’apprendre à aimer le corps en tant que support même de la vie, et à lui rendre grâce pour l’expérience qu’il vous permet de vivre.

Si vous n’aimez pas le corps, c’est peut-être parce qu’il ne fait pas bon y vivre. Dans ce cas, il est peut-être nécessaire d’entamer des actions pour le rendre plus sain. Si vous ne l’aimez pas, c’est peut-être également parce que vous vous identifiez à lui et que l’image qu’il vous renvoie ne vous plaît pas. Si tel est le cas, rassurez-vous, car vous n’êtes pas ce corps ; vous êtes l’essence même de l’amour et de la volonté, et il est en votre pouvoir de faire ce qui est juste et bon pour restaurer le corps et lui permettre ainsi de jouer pleinement son rôle.

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Chapitres supplémentaires :

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[1] Saint François d’Assise, devenu presque aveugle à la fin de sa vie et se rendant compte de sa dualité, demanda pardon à son corps de l’avoir traité comme une bête de somme (il l’appelait d’ailleurs « frère âne »).

[2] Ce grand sage indien, méditait si longuement en position du lotus (padmâsana) que ses jambes étaient rongées par les insectes.

[3] Allusion à 1 Pierre 3:4.

[4] Par « souffle vital », je fais référence à l’essence très subtile liée à l’élément air, que nous absorbons lors de l’inspiration et que les hindous appellent prāna. Cette essence est d’une importance fondamentale pour l’éveil de l’âme. Pour de plus amples informations à ce sujet, voir le cours 11.

[5] La langue des oiseaux consiste à donner un ou plusieurs sens différents à un même mot en jouant sur les sonorités. Exemples : apprentissage à apprenti sage ; équilibre à qui est libre ; la magie à l’âme agit.