Le Cours du Vivant

Cours n°46 - Écologie intérieure et extérieure

Écologie intérieure et extérieure

Théorie

Selon la définition du dictionnaire, l’écologie est « l’étude des milieux où vivent les êtres vivants, ainsi que des rapports de ces êtres avec le milieu [1] ». Dans le langage courant, le mot « écologie » a cependant pris un autre sens avec le temps, pour finir par désigner d’une manière générale le domaine ainsi que les mesures qui ont trait à la protection de l’environnement et des espèces vivantes.

L’écologie considérée à partir de cette seconde définition est aujourd’hui un thème de société omniprésent. Il occupe une place prépondérante dans les médias et plusieurs organisations politiques et non-gouvernementales en ont fait leur cheval de bataille.

Cela, à juste titre, car l’intérêt pour l’écologie n’est pas uniquement le fruit d’un opportunisme politique et les médias n’en parlent pas seulement pour captiver l’attention en martelant des messages anxiogènes sur l’avenir de la planète et de ses habitants. Elle est devenue est une préoccupation qui a tout-à-fait sa place dans le débat public car il est évident que la nature souffre de plus en plus à cause de l’activité humaine. Rendez-vous compte : bien que l’humanité ne représente que 0,01 % de la biomasse de la planète, elle est responsable de la destruction de 83 % de la faune et de 50 % de la flore présente sur Terre [2]. Aucune personne saine d’esprit ne saurait donc contester les effets délétères de notre mode de vie sur la nature et ses différentes espèces. La dégradation de l’état des milieux naturels ainsi que la perte de la biodiversité est tout-à-fait symptomatique de cette pollution à grande échelle de notre chère Terre-Mère Gaïa, qu’il ne faudrait pas considérer comme une masse de matière inerte, mais comme un être vivant à part entière [3].

Il serait faux de croire que les progrès réalisés dans les domaines de la technologie, de la science, de l’économie ou encore de l’organisation sociale, permettront à l’humanité de pallier les conséquences funestes de son mode de vie.

Le modèle capitaliste néolibéral a besoin de la croissance pour prospérer et il continuera de piller les ressources naturelles à cette fin, perturbant les équilibres avec bien entendu toute la pollution qui est engendrée pour « faire tourner le système » et produire [4] les objets que les gens consomment, même si ces objets seront demain moins gourmands en énergie à l’usage qu’ils le sont aujourd’hui.

Brandir le dérèglement climatique comme un épouvantail n’y changera rien ; ce n’est pas parce qu’on cessera de produire des gaz à effet de serre que l’on arrêtera de faire du mal à la planète et à ses habitants. Le problème est bien plus profond que cela : il prend racine dans la mentalité de l’homme moderne, formatée par un paradigme anthropologique [5] qui fait abstraction de la dimension spirituelle de l’être humain et qui l’incite donc à satisfaire toute sorte de désirs pour donner un sens à sa vie, dans une fuite en avant qui se révèle destructrice lorsqu’elle n’est pas stoppée par une prise de conscience salutaire qui pousse l’individu à se remettre en question et à adopter un mode de vie qui privilégie l’être à l’avoir.

Mise en cause du progressisme

Selon Klaus Schwab, président fondateur du forum économique de Davos, nous serions à l’aube de la quatrième révolution industrielle [6], laquelle doit son avènement aux évolutions technologiques réalisées dans le domaine du numérique et notamment celui de l’intelligence artificielle.

Il est intéressant de faire remarquer que les évolutions technologiques et l’amplification de la pollution sur terre sont étroitement corrélées ; elles suivent le tracé de courbes croissantes quasiment parallèles depuis la fin du XVIIIe siècle. À en croire certains scientifiques, nous serions en passe de voir cette tendance s’infléchir grâce aux innovations à l’origine de cette quatrième révolution industrielle. Qu’il soit permis d’en douter, très sérieusement !… 

Comme l’a très justement fait remarquer Thibaut de Saint-Maurice dans une émission radio au titre particulièrement bien choisi, « la pollution, la face obscure du progrès technique » : « au fond, quand nous parlons de progrès techniques, de grandes avancées technologiques ou de révolutions industrielles, en fait on emploie des expressions trompeuses parce qu’elles ne disent pas que toute grande innovation a aussi son côté obscur ou sa dimension négative. La pollution dont nous parlons aujourd’hui et qui doit devenir l’une de nos priorités absolues, c’est exactement ça : c’est l’envers d’une culture du progrès dans laquelle le progrès lui-même n’est pas assez interrogé. […] Le progrès avance toujours sur deux jambes : l’innovation d’une nouvelle possibilité et l’innovation d’un risque.  Voilà le paradoxe : plus nous innovons et plus nous nous faisons courir de risques [7]. »

Il existe d’innombrables cas permettant de se convaincre de la véracité de ces paroles. Prenons en exemple celui des data centers. Selon une statistique datant de l’année 2020, ces centres de traitement des données des entreprises du secteur numérique polluent une fois et demie plus que toute l’aviation civile [8]. Affirmer que l’ère de la digitalisation de l’information et du « tout numérique » va permettre de « décarboner » et dépolluer la planète est une mystification, néanmoins présentée opportunément comme la solution « miracle » tant par les industries que par les gouvernements [9].

La croyance en le fait que les innovations de la technoscience finiront par pallier la pollution que les innovations passées ont engendrées, est donc une pure et simple illusion. Un autre exemple particulièrement représentatif est celui des déchets nucléaires. Malgré les prouesses dont la science matérialiste est capable, elle n’a pas trouvé d’autres solutions que d’enfuir les déchets profondément dans les entrailles de la terre, sans être certaine que cette méthode ne soit pas une « bombe à retardement » qui pourrait avoir à terme des conséquences néfastes sur les écosystèmes.

Ceci étant dit, même si nous étions assurés que les futures découvertes scientifiques pourront gommer les effets délétères des innovations passées, il faut considérer qu’un point de non-retour a été atteint. En effet, plusieurs lignes rouges [10] ont été franchies dans différents domaines. Toute la question est donc de savoir comment l’être humain peut maintenant « limiter la casse » pour ce qui est déjà condamné, et sauvé ce qui peut encore l’être.

Il serait intéressant de se demander s’il est dans l’ordre des choses que l’évolution de l’être humain doive obligatoirement passer par les progrès technologiques et par les révolutions industrielles successives, et donc si la pollution serait en quelque sorte un « mal nécessaire » dont on aurait à payer le prix pour permettre l’amélioration des conditions de vie comme l’évolution de la nature humaine. En d’autres termes, est-ce que l’idéologie progressiste est l’unique voie par laquelle l’humanité doit passer pour évoluer et réaliser les plus belles virtualités qu’elle porte en elle ?

Pour répondre à cette question, il faudrait tout d’abord déterminer ce que l’on entend par « progrès ». S’il est indéniable que la civilisation humaine a pu évoluer dans de nombreux domaines grâce aux découvertes scientifiques, cette progression se limite à la dimension matérielle de l’existence. Sur ce plan-là, il est possible d’avancer dans une certaine direction et d’atteindre des niveaux supérieurs en termes de productivité, de performance, d’organisation sociale, de traitement de la douleur et des maladies, mais sans que cette progression participe véritablement à l’épanouissement et au bonheur de l’être humain.

En effet, il est légitime de se demander si le « progrès », déterminé par les avancées de la science et de la technologie notamment, permet à l’être humain d’être plus heureux, épanoui et accompli. Tout le bien-fondé d’un paradigme civilisationnel devrait en fin de compte ne reposer que sur cette simple et banale question…

Certes, l’homme moderne vit plus longtemps que ses ancêtres qui étaient soumis à des conditions de vie beaucoup plus difficiles, mais est-il pour autant plus heureux qu’ils ne l’étaient à leur époque ? À en juger par l’explosion des cas de cancers, des dépressions et des suicides au cours des dernières décennies, il est permis là encore d’en douter, sérieusement.

L’accroissement du bien-être et de la joie de vivre ne seraient-ils donc pas dépendant des progrès du domaine technoscientifique, comme on aime à nous le faire croire ? Si le « progrès » au sens littéral évoque l’idée d’une progression, d’un avancement, encore faudrait-il pouvoir déterminer la direction dans laquelle cette « avancée » a lieu. Si le progrès ne permet pas à l’être de s’épanouir, alors à quoi et à qui sert-il véritablement ? Et ontologiquement, y a-t-il encore un sens à ce que le progrès soit poursuivi s’il n’est pas utile à l’accomplissement de l’être ?

Toutes ces questions devraient être débattues en priorité par les intellectuels et les philosophes de notre époque, mais force est de constater que leurs réflexions convergent plutôt vers des sujets de société qui peuvent certes être dignes d’intérêt pour améliorer le Système en place, ou tout au moins pour pallier ses effets néfastes, mais qui au fond ne remettent jamais en question son paradigme anthropologique fondamental. Or, mettre un emplâtre sur une jambe de bois n’a pas grande utilité, comme chacun le sait. Et ce pourrait même être pire que cela : sans résoudre les problèmes de fond, on ne fait que prolonger l’état d’agonie de la planète et des différents règnes qui la peuplent, règne humain compris.

Les sociétés pré-matérialistes

S’il est indéniable que le progressisme a eu des effets bénéfiques sur le niveau de vie de l’être humain, ses effets néfastes ne peuvent plus être contestés aujourd’hui, tant pour l’être humain que pour son environnement.

Les anciennes civilisations n’étaient certainement pas parfaites mais il est certain qu’elles n’ont pas détruit leur milieu naturel comme le fait notre civilisation actuelle depuis plus de deux siècles, avec une ampleur phénoménale. On pourrait rétorquer à cela que c’est normal dans la mesure où elles n’avaient pas les connaissances leur permettant de croître sur le plan scientifique et technologique. En vérité, elles auraient pu les acquérir bien avant nous mais elles ne l’ont pas fait, sans doute parce qu’elles étaient conscientes de l’impasse vers laquelle une telle voie pouvait les mener.

C’est l’avis de beaucoup d’auteurs, à commencer par Arnaud Desjardins : « Pourquoi certains peuples – les Européens – se sont-ils engagés dans la voie de la science moderne et des inventions techniques qui a conduit à la tragédie écologique actuelle et qui, depuis des millénaires, avait été négligée ou même consciemment refusée par d’autres civilisations évoluées ? L’Inde d’Ashoka et des souverains Guptas, la Chine médiévale qui découvrit la poudre, le monde arabe à l’époque où il transmettait d’Est en Ouest des connaissances dont nous lui sommes encore redevables, l’Egypte antique et d’autres civilisations disparues étaient aussi évoluées que l’Angleterre du XVIIe siècle. Ces sociétés avaient aussi leurs élites et leurs savants. Ceux-ci se détournaient résolument de cette voie de recherche qui était ouverte devant eux autant qu’elle le fut devant les Européens : car leur vision cosmique, leur vision du destin de l’homme différait radicalement de celle qui a pris naissance avec l’“humanisme” et la “Renaissance” [11]. »

Erik Sablé a également tenu des propos similaires : « On s’est beaucoup demandé pourquoi ces anciennes civilisations n’ont pas développé la technologie moderne. La Chine ancienne, par exemple, en avait certainement la capacité. Les Chinois n’ont jamais vraiment exploité les nombreuses découvertes qu’ils ont faites comme la poudre à canon, la boussole, le papier, l’encre noire, l’imprimerie, la fabrication de l’acier, des socs de charrue en fer, etc. La réponse est simple : ce n’était pas le centre d’intérêt privilégié des Chinois. Les sciences comme les mathématiques étaient pour eux un aimable “passe-temps”. Ils préféraient de beaucoup cultiver et développer les arts, la contemplation de la nature, une vie calme, paisible, consacrée au bonheur [12]. »

Les élites du monde antique et du Moyen Âge avaient certainement la sagesse nécessaire pour reconnaître que l’exploitation de certaines connaissances n’était pas souhaitable pour l’être humain. Selon René Guénon, le basculement qui devait marquer le début du déclin des sociétés traditionnelles et l’avènement de la modernité portée par l’idéologie matérialiste, a eu lieu à la fin du Moyen Âge :

« Le vrai Moyen Âge, pour nous, s’étend du règne de Charlemagne au début du XIVe siècle ; à cette dernière date commence une nouvelle décadence qui, à travers des étapes diverses, ira en s’accentuant jusqu’à nous. C’est là qu’est le véritable point de départ de la crise moderne. […]

Nous n’entreprendrons pas de rechercher ici les facteurs, certainement fort complexes, qui concoururent à ce changement, si radical qu’il semble difficile d’admettre qu’il ait pu s’opérer spontanément et sans l’intervention d’une volonté directrice dont la nature exacte demeure forcément assez énigmatique ; il y a, à cet égard, des circonstances bien étranges, comme la vulgarisation, à un moment déterminé, et en les présentant comme des découvertes nouvelles, de choses qui étaient connues en réalité depuis fort longtemps, mais dont la connaissance, en raison de certains inconvénients qui risquaient d’en dépasser les avantages, n’avait pas été répandue jusque-là dans le domaine public [13]. […]

Ce qui, selon la tradition, caractérise l’ultime phase du cycle, c’est, pourrait-on dire, l’exploitation de tout ce qui a été négligé ou rejeté au cours des phases précédentes ; et, effectivement, c’est bien là ce que nous pouvons constater dans la civilisation moderne, qui ne vit en quelque sorte que de ce dont les civilisations antérieures n’avaient pas voulu [14]. »

À en croire les auteurs cités ci-dessus, notre monde moderne fonctionnerait sur la base d’un paradigme anthropologique bien différent de celui de nos ancêtres. Ceux-ci négligeaient les innovations matérielles, scientifiques et technologiques, pour privilégier la recherche du bonheur à travers la spiritualité, la philosophie, la poésie, l’imaginaire, la contemplation, le domaine artistique, etc.

L’impasse du matérialisme

Aujourd’hui, notre paradigme anthropologique est très clairement matérialiste. Il accorde une place prépondérante au domaine scientifique, le seul qui puisse satisfaire aux critères du rationalisme établi par René Descartes, dont l’influence a été absolument déterminante dans l’élaboration de ce paradigme. 

Sans remettre en question les apports de la science matérialiste, la pertinence du paradigme anthropologique qui fait de la dimension biologique de l’être humain la seule réalité à considérer, doit être remise en question au vu de l’évolution globale du monde depuis qu’il a supplanté les anciens paradigmes en vigueur au sein des sociétés traditionnelles, qui accordaient une place prépondérante à la spiritualité.

Si la science matérialiste a eu l’avantage d’amener de la rationalité là où l’obscurantisme de certaines croyances et superstitions pouvaient également s’avérer nuisible, elle a commis l’erreur d’amalgamer la spiritualité à cet obscurantisme. Dans sa volonté de rétablir un meilleur équilibre entre rationalité et intuition, il semblerait que le développement du matérialisme se soit poursuivi au-delà de ce qui était nécessaire et qu’un basculement dans l’extrême opposée se soit produit, pour établir la supériorité absolue du rationalisme au travers du matérialisme scientifique, où la connaissance est considérée comme valable à la seule condition qu’elle soit validée par une méthodologie fondée sur la mesure exclusive.

Là est l’erreur fondamentale qu’a commise le matérialisme scientifique : nier la spiritualité au seul motif qu’il n’est pas capable de l’appréhender à partir de sa méthode. En effet, un paradigme ne se justifie pas uniquement parce qu’il mise tout sur la mesure ; il est fondé parce qu’il permet à l’être humain de s’épanouir, de donner un sens à sa vie, en somme de trouver le bonheur tout en respectant ses semblables ainsi que l’environnement dans lequel il évolue. Or, le paradigme qui fait de la matière la seule réalité et par conséquent la seule « dimension » à considérer pour l’évolution de la nature humaine, a clairement montré ses limites, comme nous l’avons vu plus haut.

Partir du principe que seule la matière existe, c’est donc aussi rejeter la spiritualité et la possibilité qui va avec de tendre vers un absolu, vers une transcendance. En conséquence, l’être humain n’a plus d’autre choix que d’obtenir son salut par la voie horizontale, c’est-à-dire par l’intermédiaire de la matière, ou plus précisément par le jeu des impulsions contraires qui déterminent la survie de l’individualité dans le monde sensible, matériel, ce que résume parfaitement l’expression anglaise to struggle for life (lutter pour la vie [15]).

Si le sens de l’éternité auquel donne accès la dimension spirituelle de l’être humain – comme en témoigne les êtres spirituellement réalisés – ne lui est plus accessible parce que nié par la science matérialiste, il ne lui reste en effet plus que les progrès de la science et les prouesses techniques pour accéder au bonheur et à l’immortalité. D’où la folie du transhumanisme [16], dont le mot est fort mal choisi au demeurant puisque cette idéologie ne propose aucune transcendance de l’être humain, mais une régression à l’état de machine et de robot, qui ne pourra fatalement que déshumaniser l’humain [17].

On voit donc très bien dans quelle impasse nous mène actuellement le paradigme matérialiste. Malgré les résistances colossales qui s’opposent à un changement de paradigme, ce changement est absolument inévitable si l’on veut sauver la nature humaine et la nature tout court.

Selon l’encyclopédie en ligne Wikipédia, « le matérialisme est un système philosophique qui soutient non seulement que toute chose est composée de matière mais que, fondamentalement, tout phénomène résulte d’interactions matérielles [18]. »

Selon cette doctrine, seule la matière existe et partant de là, toute forme de spiritualité doit être reléguée au rang des croyances et des superstitions. Si aucune dimension immatérielle n’existe, alors la possibilité d’une transcendance de l’humain auquel l’être s’identifie, n’existe pas non plus. Toujours selon cette même doctrine, le cerveau produit la conscience ; elle ne peut exister en dehors du cerveau. Par conséquent, elle n’est qu’un phénomène sans cesse changeant, sous l’effet des influx nerveux observables dans le cerveau. Les phénomènes qui composent la matière étant constamment en train d’apparaître et de disparaître, dans un mouvement perpétuel, il ne saurait y avoir de permanence (seul le changement serait en réalité… permanent). Donc, rien ne saurait être éternel, absolu ou immuable.

Du point de vue du matérialisme, au diable donc les notions transcendantes de « Sens de l’éternité », de « Dieu », de « pur Esprit », de « Conscience universelle », de « Vacuité », et même d’ « Illumination » ou de « Libération spirituelle ». Partant de là, si un être affirme avoir réalisé son essence éternelle, transcendante et immuable, cela ne peut être qu’une hallucination produite par son cerveau. En fin de compte, s’il n’y a plus aucune possibilité de réaliser un absolu, alors tout est forcément relatif et l’on bascule paradoxalement dans un relativisme absolu où même la morale n’a plus de raison d’être.

Pour mieux saisir le sens de tout ceci et les conséquences que cela implique, je me servirai une nouvelle fois du récit de la « chute », telle qu’elle est narrée dans le récit de la Genèse. Cette chute est celle de l’être humain, qui bascule dans une vision purement matérialiste de la réalité, après avoir goûté au fruit défendu de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Le diable étant le singe de Dieu, cette « connaissance du bien et du mal » ne se réfère pas à un absolu où le mal serait déterminé par tout ce qui s’éloigne peu ou prou d’un Bien suprême ou d’une Vérité absolue et qui permettrait de définir la morale, mais à tout ce qui participe à la survie et au développement de l’individu, de manière strictement intéressée, égotique. À partir de cette vision exclusivement matérialiste des choses, l’individu détermine ce qui est « bien » en fonction de ce qui lui procure du plaisir, et ce qui est « mal » en fonction de ce qui lui procure du déplaisir. En d’autres termes, son fonctionnement est déterminé par les impulsions contraires de désir et d’aversion (ou attraction versus répulsion, attachement versus rejet). Il s’agit par conséquent d’une connaissance relative, puisqu’elle concerne l’être humain pris individuellement, et non une connaissance absolue applicable à tous sans exception.

Naturellement, un individu qui fonctionne uniquement sur cette base-là est foncièrement égoïste ; il pense, parle et agit uniquement en fonction de ce qui sert ses intérêts à lui, ou alors à ceux de son entreprise, de sa communauté ou de sa nation si sa survie autant que sa croissance personnelle en dépendent. Pourquoi ? Parce que « la raison du plus fort est toujours la meilleure » dans une vision du monde qui fait de la survie et du développement personnel le centre de toutes les préoccupations.

C’est bien là où mène le matérialisme puisque, s’il n’y a aucune possibilité d’accéder à un bonheur permanent par la transcendance du « moi », alors c’est le « moi » qui doit prendre les choses en main et faire tout ce qui est en son pouvoir pour maximiser ses chances d’être heureux le plus souvent possible. Mais sachant que tout est impermanent dans la matière, il n’aura de cesse de chercher à attirer à lui ce qui satisfait ses désirs et lui procure du plaisir, et à repousser tout ce qui s’y oppose.

Ainsi, lorsque la mentalité d’un être est totalement « matérialiste » au sens premier du terme, c’est la « loi du plus fort » qui prévaut et cela justifie à ses yeux le fait qu’il puisse manipuler ou écraser les autres, tirer la couverture à lui, en somme privilégier ses seuls intérêts (ou ceux des autres à condition qu’il y trouve son intérêt également). En cela, le matérialisme exclusif est une philosophie dangereuse, qui emporte l’individu dans une ivresse de toute-puissance où en fin de compte seule sa petite personne a de l’importance, philosophie que résume parfaitement l’expression : « après moi le déluge ».

Bien entendu, il s’agit-là du cas de figure extrême où toute trace de spiritualité et donc de sens moral fait défaut dans la psyché de l’individu, qui est de ce fait enfermé dans une vision du monde entièrement « égocentrée ». C’est le profil psychologique caractéristique de cette pathologie mentale qu’on appelle « psychopathie », où l’individu qui en souffre est totalement dépourvu de toute empathie, comme de toute capacité à éprouver de la culpabilité ou des regrets. Pour lui, les autres, comme les circonstances, ne sont que des moyens en vue de parvenir à ses fins. Toutes ses pensées et ses actions sont motivées par la possibilité de ressentir du plaisir et d’éviter toute forme de souffrance. Naturellement, une telle mentalité le pousse à utiliser son énergie et son intelligence pour obtenir du pouvoir sur les autres, ce que ses relations et bien sûr l’argent lui permettent de réaliser le plus souvent. 

Dans un système où le paradigme anthropologique est matérialiste, donc où la spiritualité authentique fait défaut, il n’est pas étonnant que « la raison du plus fort soit toujours la meilleure » et que ceux qui parviennent à se « faire une place au soleil » soient les individus atteints de psychopathie. Comme ceux-ci considèrent qu’il est tout-à-fait naturel de faire passer leurs intérêts avant ceux des autres dans un monde où c’est la « loi du plus fort » qui prévaut, ils n’ont aucun scrupule à exploiter, licencier, manipuler, (faire) assassiner, etc. Dans un tel système, celles et ceux qui en revanche possèdent encore une spiritualité (même s’ils se considèrent comme athée puisque l’un n’empêche pas l’autre [19]) et donc un sens moral, auront beaucoup de difficulté à atteindre les sommets de la pyramide sociale. Formatés par l’hédonisme auquel mène naturellement le matérialisme, ils chercheront eux aussi à maximiser leur plaisir et à éviter la souffrance, mais seront inhibés dans leurs élans par de nombreux interdits moraux qu’ils ne pourront dépasser, créant des conflits internes [20] à même de les rendre colériques, tristes et malheureux, voire malades.

Nous voyons donc que la philosophie matérialiste n’est pas pérenne pour la nature humaine comme pour la planète qui l’héberge. Étant donné que le drogué finit toujours par s’habituer à sa dose, il doit l’augmenter ou trouver une drogue plus puissante pour continuer à se satisfaire. De même, l’être qui dépend de la satisfaction de ses désirs pour se sentir bien doit sans cesse trouver des moyens plus puissants pour être stimulé. S’il ne le peut pas, il ressent une insatisfaction donc du déplaisir, et doit trouver des palliatifs ou prendre des médicaments pour anesthésier son mal-être.

Dans ces conditions, on pourrait imaginer que la solution pourrait venir des progrès de la science, qui un jour finira par trouver le moyen de fournir des substances ou des stimuli qui sauront produire du plaisir en toutes circonstances, sans créer d’effets secondaires ni polluer la planète. Mais trouver le bonheur par cette voie-là est une impasse, car l’être humain finirait par devenir esclave de ses pulsions et passerait son temps à chercher la stimulation pour échapper à toute forme d’inconfort. Il finirait par conséquent par devenir complètement névrosé et perdrait le sens des réalités, allant jusqu’à négliger complètement ses besoins fondamentaux [21].

La solution ne peut donc venir du matérialisme, dusse-t-il être « scientifique ». En comptant seulement sur les seules impulsions contraires de désir et d’aversion pour chercher le plaisir et éviter toute souffrance, l’être humain entre dans une spirale infernale qui le détruit en même temps qu’il détruit son environnement. Il faut donc intégrer une autre composante à l’équation, qui fera toute la différence, je veux bien sûr parler de la… spiritualité.

Être la fois serpent et colombe

Si l’être humain incluait la spiritualité à son paradigme anthropologique actuelle en le rendant tripartite (corps-âme-esprit) plutôt que seulement dualiste (corps-âme [22]), il s’ouvrirait à la possibilité de trouver le bonheur non pas uniquement en cherchant le plaisir et en évitant la souffrance, mais en transcendant les impulsions contraires qui déterminent cette dynamique perpétuelle, soit le désir et l’aversion, à l’œuvre dans sa psyché. Comment ? Eh bien simplement parce que son attention ne serait plus exclusivement rivée sur la « matière » en quête de satisfaction. Une partie de son attention serait également tournée vers sa dimension spirituelle, l’Esprit.

L’Esprit étant la véritable essence de l’être, informelle, immuable et éternelle, il n’est pas soumis au changement inhérent au monde des formes. Il est le « refuge » que l’être peut trouver en lui-même lorsqu’il s’efforce de rendre sa conscience équanime. Grâce à cet état d’équilibre parfait, il s’ouvre à la possibilité de ressentir la paix et la félicité, sans que ses désirs aient dû être satisfaits et sans qu’il ait dû rejeter la souffrance pour autant. Bien que cela paraisse très surprenant, c’est une possibilité en effet, comme en témoignent les nombreux êtres spirituellement éveillés qui ont réussi, par la grâce ou par les fruits de leurs ascèses, à atteindre cet « invariable milieu » synonyme de béatitude. Le Bouddha en parlait d’ailleurs en les termes de « voie du juste milieu » ; une voie qui permet à l’être de dépasser les impulsions contraires de désir et d’aversion, qui selon lui sont les véritables causes de la souffrance.

En se libérant de sa tendance à réagir sur la base de ses seules impulsions, sous la dépendance desquelles il se trouve lorsqu’il cherche le plaisir et évite le déplaisir, il se libère par là même de la souffrance et fait l’expérience du Nirvāna, c’est-à-dire de cet état de félicité permanent. Cela est possible, sans avoir dû exercer une quelconque force de volonté pour changer les circonstances extérieures ou les autres, et c’est pourquoi cette « voie du milieu » est la seule qui rende l’être véritablement libre des autres et des circonstances. Il s’agit du véritable lâcher-prise, que d’aucuns appellent également détachement, abandon, soumission (à la Volonté divine) ou acceptation inconditionnelle.

Ceci dit, si notre paradigme actuel est devenu exclusivement matérialiste, serait-il pour autant judicieux de basculer dans un paradigme exclusivement spiritualiste, c’est-à-dire seulement centré sur l’Esprit ? Certainement pas, pour la simple et bonne raison que l’être qui se détourne complètement de la matière pour maintenir son attention sur l’Esprit seul, ne peut survivre longtemps « ici-bas », cela même si la béatitude est devenue son état d’être permanent. En effet, lorsqu’un être éprouve en permanence l’état de félicité inhérent à la dimension spirituelle, qu’il a par conséquent réalisée, il ne se sent plus concerné par la satisfaction des besoins naturels et fondamentaux de la dimension physique de son être. Il est devenu indifférent à la douleur, à la faim, comme à la maladie. Dans de telles conditions, si personne ne lui vient en aide, il quitte rapidement son corps, en quelques jours voire quelques semaines tout au plus (à moins qu’il soit capable de se passer de nourriture physique, ce qui extrêmement rare). Ce fut le cas de certains grands mystiques ou yogis, tels que Srī Rāmana Maharshi, dont on sait qu’il fut absorbé dans des états méditatifs si profonds qu’il négligea totalement son corps physique pendant trois années. Sans l’aide d’âmes charitables qui vinrent le nourrir et lui prodiguer les soins nécessaires, il n’aurait pas pu vivre très longtemps dans les conditions ascétiques extrêmes qui furent les siennes.

Une telle « polarisation » de l’attention sur l’Esprit n’est pas une solution envisageable pour le nouveau paradigme, à moins bien sûr de considérer que la seule manière de sauver l’environnement soit que l’humanité disparaisse complètement. Aussi, même si cette solution extrême était la seule à même de sauver la planète et l’humanité, il est difficile d’imaginer que la totalité des êtres qui la composent acceptent une si radicale « conversion intérieure ».

En vérité, cette solution n’en serait pas vraiment une car elle ne constitue en rien l’aboutissement de la quête spirituelle. L’expérience de « retrait des sens » telle que Rāmana Maharshi et d’autres ascètes l’ont vécue, ne représente en réalité qu’une étape intermédiaire sur la voie spirituelle, qui par ailleurs n’a pas besoin d’être franchie dans des conditions aussi extrêmes, fort heureusement.

Dans le Grand Œuvre alchimique, cette étape d’introspection très profonde correspond à l’œuvre au blanc, dont le but est la purification des conditionnements égotiques de l’être, soit les vāsanā et samskāra. À cette étape doit normalement succéder celle de l’œuvre au rouge, qui est la phase d’intégration au cours de laquelle l’être réapprend à vivre selon les Lois universelles, l’Ordre naturel des choses, sans ego, c’est-à-dire sans le jeu des impulsions du désir et de l’aversion sur le plan psychologique, où ces impulsions auront été intégralement dissoutes (d’où la dissolution de l’ego puisque ce sont elles qui en alimentent le fonctionnement autant que l’impression illusoire de la séparation qui lui est associé). Le jeu de ces impulsions contraires devra toutefois être pris en considération et maîtrisé sur le plan physique, ce qui implique que la conscience de l’être soit également attentive à la dimension matérielle de son existence, sans que cela soit pour autant au détriment de son état de félicité, qu’il continuera donc à vivre tout-à-fait naturellement, sans effort, dans l’état de fluidité qui caractérise la condition humaine ainsi sublimée, divinisée [23].

Dans l’Évangile, lorsque le Christ demande à ses disciples d’être à la fois « prudents comme le serpent et simples comme la colombe [24] », cela peut faire référence à l’équilibre à trouver entre la polarisation sur l’Esprit et la polarisation sur la matière. Être exclusivement « colombe », ce serait concentrer toute l’attention sur la dimension spirituelle de l’être, dans une totale indifférence accordée aux besoins vitaux de l’âme et du corps qui ne pourraient survivre très longtemps dans de telles conditions comme nous l’avons vu. À l’inverse, être exclusivement « serpent », ce serait fonctionner uniquement d’une manière rationnelle et égocentrique dans le but d’optimiser ses chances de vivre dans le plaisir en évitant toute forme de souffrance, selon le principe de la « loi du plus fort », dont on a vu à quel point elle est perverse.

Cette seconde voie (celle du « serpent ») est celle du matérialisme, qui détermine le devenir de l’humanité depuis quatre siècles et qui la conduit à sa perte. Nous voyons qu’elle est une impasse, comme le serait également le spiritualisme exclusif. Il convient donc à l’humanité de trouver un équilibre entre ces deux dimensions, en cessant dans un premier temps de les considérer scientifiquement comme des opposés inconciliables, puis à réaliser, dans un second temps, leur complémentarité [25] en elle de manière pratique. En cela, l’humanité est amenée à vivre collectivement son Grand Œuvre alchimique, afin de vivre dans un futur pas si éloigné on l’espère, la tête dans les étoiles et les pieds bien ancrés au sol, selon la formule consacrée.

Quelques citations à méditer

« Les grands esprits discutent des idées ; les esprits moyens discutent des événements ; les petits esprits discutent des gens. » Eleanor Roosevelt

« L’humanité tisse la toile où elle se prend. » Hakim Sanaï

« Ne savez-vous pas que l’amour du monde est inimitié contre Dieu ? Celui donc qui veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu. » Jacques 4:4

« L’honnêteté, la sincérité, la simplicité, l’humilité, la générosité, l’absence de vanité, la capacité à servir les autres – qualités à la portée de toutes les âmes – sont les véritables fondations de notre vie spirituelle. » Nelson Mandela 

« La forêt était en train de disparaître, mais les arbres votèrent encore pour la hache, parce que la hache était rusée et elle les avait convaincus que, puisqu’elle avait un manche en bois, elle était l’une d’eux. » Proverbe turc

« C’est la vieille stratégie scientiste […] Le climat se dérègle ? Pas grave, on va inventer des machines qui vont corriger ça. On fait croire que le système qui a provoqué les problèmes est capable de les réparer. Ce n’est pas crédible. » Jacques Testart

« L’éveil ou illumination concerne les gens qui n’ont pas trouvé de satisfaction dans les assouvissements sensoriels. Il est destiné aux personnes qui en ont assez des choses, des objets et des plaisirs qu’elles en retirent. Le désir de liberté, d’éveil, prend naissance quand on commence à comprendre que le bonheur permanent ne peut être trouvé dans les plaisirs des sens. » Papaji

Pratique

Après s’être détourné du ciel pour conquérir la terre pendant près de quatre siècles jusqu’à nos jours, l’être humain ne doit pas commettre l’erreur de se désintéresser de la matière pour tourner exclusivement son regard vers l’Esprit, dans une dynamique inverse. Il doit, pour ains dire, vivre une spiritualité « incarnée ». Pour reprendre cette sage parole du Christ, il convient d’être à la fois colombe et serpent, soit trouver l’équilibre entre l’intuition et la raison, entre la contemplation et la réflexion.

Les apports de la science conjugués aux règles de conduite morales transmises par les traditions religieuses depuis des millénaires, fournissent aujourd’hui à l’être humain un cadre propice à la recherche du bonheur par l’intermédiaire de la dimension spirituelle, du moins pour celles et ceux qui ont la chance de pouvoir vivre dans une région du globe qui n’est pas ravagée par la guerre et qui ne connaît pas de pénuries alimentaires. En effet, grâce au confort et à la sécurité dont ils disposent, la plupart des êtres humains ne doivent pas constamment lutter pour leur survie physique et peuvent par conséquent consacrer une partie de leur temps à des pratiques qui participent au développement de leur conscience spirituelle.

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[1] Source : Le Robert.

[2] Source : https://cutt.ly/ZwBlcLrW

[3] Voir à ce sujet l’ « Hypothèse Gaïa ».

[4] Voir à ce sujet le concept d’ « énergie grise ».

[5] « Un paradigme est – en épistémologie et dans les sciences humaines et sociales – une représentation du monde [au sens de Weltanschauung, N.d.A.], une manière de voir les choses, un modèle cohérent du monde qui repose sur un fondement défini. » Paradigme. 2024, 2 avril. Dans Wikipédia. https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradigme
Lorsqu’il est « anthropologique », le paradigme détermine un modèle spécifique de l’être humain qui est de nature à l’influencer. Comme l’a fait remarquer très justement Michel Fromaget : « un paradigme anthropologique ne décrit pas l’homme tel qu’il est fait, mais il fait l’homme tel qu’il le décrit. […] Aujourd’hui, en Occident, nous nous vivons et concevons suivant un paradigme dualiste verrouillé qui n’authentifie de l’homme que deux dimensions, et deux seulement : soit ses composantes physique et psychique, corporelle et mentale. Nous dirons aussi, parce que c’est la même chose : son corps et son âme. Mais cela ne prouve en rien qu’une troisième composante ontologique, l’esprit (voire d’autres encore) n’existe pas. Cela signifie bien plus sûrement, – comme incite d’ailleurs à le penser l’histoire même des civilisations -, que nous avons opté pour un paradigme anthropologique qui, tout simplement, nous empêche de la concevoir, donc de la voir et de la vivre. Suis-je clair ? Apercevons-nous bien cela ? Si oui, nous commençons à mesure la responsabilité immense qui est la nôtre quand nous accréditons un paradigme anthropologique particulier, plutôt qu’un autre, et optons ainsi pour un regard qui, forcément, verrouillera dans le périmètre de ses propres présupposés tous les hommes qu’il rencontrera. ». Source : La vocation spirituelle de l’Homme, Éditions Entremises, 2020, pp. 19 et 22.

[6] Source : https://cutt.ly/7wBlnDTN

[7] Source : https://cutt.ly/FwBlmb3H

[8] Source : https://cutt.ly/zwBlQl76

[9] Cela se comprend facilement si l’on considère l’intérêt qu’ils peuvent respectivement en tirer : augmentation des profits pour les industries, et contrôle des populations pour les gouvernements.

[10] Voir Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Limites_planétaires

[11] Monde moderne et ancienne sagesse, Éditions de la Table Ronde, 1986.

[12] Éloge de la sainte Paresse, Éditions Almora, 2021, p. 69.

[13] « Nous ne citerons que deux exemples, parmi les faits de ce genre qui devaient avoir les plus graves conséquences : la prétendue invention de l’imprimerie, que les Chinois connaissaient antérieurement à l’ère chrétienne, et la découverte “officielle” de l’Amérique, avec laquelle des communications beaucoup plus suivies qu’on ne le pense avaient existé durant tout le Moyen Âge. »

[14] La crise du monde moderne, Éditions Gallimard, 2012, pp. 34, 36 et 41.

[15] Même des personnes croyantes ont pu épouser l’idéologie matérialiste. Leurs croyances religieuses relèvent alors de la religiosité et non de la religion ou de la spiritualité authentique qui visent à libérer l’individu de l’égoïsme pour qu’il puisse se mettre au service de Dieu et faire Sa Volonté. Nous avons l’exemple de certains clans familiaux, dans la mafia par exemple, qui pouvaient se montrer très pieux d’un côté et, de l’autre, se comporter comme des criminels sans scrupule pour asseoir leur domination sans partage, ce qui n’a évidemment rien de très… chrétien.

[16] Il se pourrait que le mot « transhumanisme » provienne de La Divine Comédie de Dante Alighieri, où l’expression exacte est trasumanar (voir Paradis I 70-72), qui signifie « outrepasser l’humain ». Pour le grand Initié italien du XIVe siècle, il ne s’agissait évidemment pas de créer un « surhomme » à l’aide de la technologie, mais de véritablement transcender la nature humaine, animale, pour permettre « à ceux à qui la grâce réserve l’expérience », de réaliser la dimension spirituelle de leur être, le pur Esprit. Mais comme toujours, fidèle à lui-même, le Diable prend les choses à rebours, et ceci nous permet de mieux nous rendre compte de quel « esprit » procède l’idéologie transhumaniste. Voir le cours 16, chapitre « Le salut par le matérialisme ».

[17] En effet, ce qui fait de l’humain ce qu’il est, c’est la capacité d’éprouver des sentiments, de faire preuve d’empathie, d’avoir une conscience morale qui lui permet de prendre en compte les conséquences de ses actes sur ses semblables et son environnement, comme le résume bien l’expression « faire preuve d’humanité ».

[18] Matérialisme. (2024, 7 septembre). Dans Wikipédia. https://fr.wikipedia.org/wiki/Matérialisme

[19] Voir la définition de l’athéisme spirituel : https://cutt.ly/SwBlW7ZV

[20] Cet état de conflit est tout à fait « normal » au sein d’une civilisation matérialiste. Toute la question est de parvenir à concilier les désirs et la morale afin que l’énergie puisse être libérée et orientée de manière constructive, utile à la société. En termes alchimiques, c’est un processus de transmutation et de sublimation qui doit avoir lieu à l’intérieur même de l’être, qui aura ainsi l’opportunité de faire de l’or avec du plomb. Ainsi, au lieu d’assouvir horizontalement (matériellement) ses pulsions de manière perverse, nuisible, en s’en prenant aux autres ou à lui-même (lorsque les pulsions sont autodestructrices), il aura rectifié sa nature psychique et se sera élevé verticalement (spirituellement), apportant quelque chose d’utile au collectif.

[21] Voir à ce sujet la découverte de James Olds et de Peter Milner sur les circuits du plaisir : https://cutt.ly/awBlE9Gi

[22] L’âme fait référence ici à la « psyché », soit à la dimension psychique ou psychologique de l’être.

[23] Dans la tradition hindouiste, c’est l’état naturel appelé Sahaja-samādhi. L’être est conscient des phénomènes qui surviennent tant à l’intérieur du corps qu’à l’extérieur de celui-ci, mais il ne perd toutefois pas de vue qu’il est le pur Esprit. Pour utiliser une métaphore, c’est comme s’il était conscient d’être l’océan dans sa totalité tout en étant conscient des vagues à sa surface, alors que les autres êtres sont identifiés à ces mêmes vagues, emportés par leur mouvement perpétuel, ne voyant qu’elles, et perdant par conséquent de vue qu’ils ne sont pas séparés de l’océan qui les porte et dont la nature est en tout point identique à la leur.

[24] Matthieu 10:16.

[25] Plutôt que de parler de complémentarité, il serait plus juste de dire que l’Esprit inclut en lui la matière. Le dualisme qui voudrait qu’on considère l’Esprit d’un côté et la matière de l’autre, l’un opposé à l’autre, est une vision purement mentale de la réalité. En vérité, la matière est la manifestation de l’Esprit, qui existe également à l’état de non-manifestation. Pour utiliser une métaphore, on pourrait dire que l’Esprit est semblable à l’espace, le vide intersidéral que les planètes occupent, et qui sont elles-mêmes imprégnées par ce même espace.