Le Cours du Vivant

Cours n°34 - Amour magnétique et Amour spirituel

Amour magnétique et Amour spirituel

Théorie

Il existe deux dimensions différentes au travers desquelles il est possible d’appréhender l’amour. D’un côté, il y a l’amour dans sa dimension « horizontale », dirais-je (n’y voyez aucune allusion à la sexualité…), sentiment agréable qui libère, rassure, apaise, guérit, euphorise et exalte même parfois, et qui, tant qu’il n’est pas sublimé, est indissociablement lié à son opposé… la haine (mais aussi la rancœur, la jalousie, la peur, etc.), tout comme les deux revers d’une même pièce s’opposent l’un à l’autre.

Dans cette dimension-là de l’amour, on désire ce que l’on aime, et on repousse ce que l’on n’aime pas. C’est l’amour en tant que force magnétique, émotionnelle, régi par les impulsions contraires d’attraction et de répulsion, qui appartient par conséquent à la dimension psychique de l’être. Cette forme d’amour est dépendante de choses sur lesquelles on n’a pas un contrôle absolu, et il est donc inévitablement cause de souffrance.

L’amour dans sa dimension « verticale » est très différent. C’est l’amour avec un grand « A ». Cet Amour est spirituel (relatif à l’Esprit). Il n’attache pas et ne rend pas dépendant. À l’instar de l’amour conditionnel, il se manifeste sous une forme émotionnelle, mais à la différence qu’il n’est pas conditionné par les circonstances ni même par l’imagination d’ailleurs, raison pour laquelle on dit qu’il est « inconditionnel ». Il est le reflet direct, dans la psyché, du rayonnement de la lumière de l’Esprit. Trouvant sa source au cœur même de l’être, il est potentiellement intarissable, c’est pourquoi il se donner gracieusement, sans rien attendre en retour. Cet Amour est donc fondamentalement désintéressé, et la joie qui l’accompagne est liée exclusivement au fait que cet Amour se suffit à lui-même et que, naturellement, l’éprouver est quelque chose de très agréable.

L’amour magnétique, émotionnel

À la dimension horizontale de l’amour appartiennent les sentiments que l’on ressent à l’égard d’une personne à laquelle on est émotionnellement attaché. On aime l’élu·e de son cœur (on parle alors de sentiments amoureux), son enfant ou ses parents, ou même son animal de compagnie. Dans cette même dimension se trouve également le désir sexuel, où ce n’est plus l’attachement émotionnel qui nous lie à l’autre, mais l’attraction magnétique et le plaisir que « faire l’amour » procure. De manière plus générale, on dira que l’on aime magnétiquement, émotionnellement, tout ce qui est agréable, plaisant, et qui apporte de la satisfaction, du réconfort, de la paix, de la sécurité, etc.

Ces formes d’amour magnétique sont réduites à la dimension psychique de l’être et sont par conséquent régies par les impulsions d’attraction et de répulsion. On attire à soi ce que l’on aime parce que cela procure quelque chose d’agréable et on rejette ce que l’on n’aime pas parce que cela procure quelque chose de désagréable. Cela fait que l’amour magnétique est totalement conditionnel. C’est l’amour tel qu’on le conçoit habituellement, et tel que la majorité des êtres le vivent.

C’est l’amour que l’on ressent et qui permet de se positionner par rapport à ce qui participe à l’épanouissement de l’âme − incluant son éveil, son bien-être, sa paix, sa joie, sa santé, la réalisation de ses rêves et de sa mission de vie, etc. −, et par rapport à ce qui entrave ce même épanouissement. Prenons un exemple : lorsque l’on a soif, on aime l’eau que l’on boit, mais dès que la soif est étanchée, cette même eau devient désagréable et on ne l’aime plus ; l’impulsion de rejet a succédé à l’impulsion d’attraction, parce que le besoin a été satisfait. Le mécanisme est le même au niveau de la dimension amoureuse : on tombe amoureux d’un être parce que l’on voit en lui la possibilité d’être comblé dans nos besoins et donc de nous épanouir grâce à lui. Il en va de même également pour le désir sexuel : on ressent de l’appétence sexuelle tant et aussi longtemps que le désir n’a pu être assouvi, et dès qu’il a pu l’être, l’attirance fait place à la répulsion. Même lorsque la sexualité n’est pas uniquement utilisée pour le plaisir qu’elle procure, mais pour la procréation, elle procède de l’amour magnétique, car la procréation peut être un besoin vital qui contribue à l’épanouissement de l’âme.

L’amour dans sa dimension psychique, magnétique, est naturel, et il participe à l’épanouissement du vivant. Si l’on ne ressentait pas une forte attraction pour l’eau lorsqu’on est assoiffé, on pourrait mourir de soif, et l’on pourrait également mourir d’avoir trop bu si l’on continuait de boire sans ressentir l’impulsion de repousser l’eau une fois la soif étanchée. De même, si en son âme l’être humain ne ressentait pas une forte impulsion à « donner la vie » en attirant à lui un partenaire et en s’unissant à lui au travers de l’acte sexuel, il ne pourrait pas s’épanouir et assurer la survie de son espèce.

L’amour magnétique déviant

Tant que les impulsions magnétiques d’attraction et de répulsion permettent de satisfaire des besoins naturels qui participent à l’épanouissement de l’âme, l’amour magnétique joue parfaitement son rôle. Par contre, lorsque ces mêmes impulsions sont mises au service de la satisfaction de stratégies compensatoires de l’ego, alors elles sont en quelque sorte « perverties », et deviennent nuisibles pour l’être lui-même et ceux qui sont à son contact (ce sont elles qui font que les relations deviennent « toxiques »).

Cet amour magnétique « dévoyé » prend racine dans la structure mentale. Lorsqu’on est sous son influence, on ressent de l’attraction pour tout ce qui permet de satisfaire le sentiment de soi, au détriment de l’épanouissement de l’âme elle-même (la nôtre comme celle des autres). On croit aimer l’autre, mais on aime l’idée que l’on se fait de lui, et surtout l’idée qu’il puisse nous aider à combler les désirs compensatoires de notre ego. C’est un amour construit autour de projections, de fantasmes. On n’aime pas l’autre pour ce qu’il est intrinsèquement, mais pour ce qu’on le croit capable de nous apporter, à tort ou à raison. Cette forme d’amour est « névrotique », car l’attraction que l’on ressent a pour but, en finalité, de nous permettre d’échapper à un mal-être, à un vide, à une angoisse, etc. Cet amour-là est égoïste, car l’individu qui est sous son emprise se sert de l’autre qu’il croit aimer, pour ses propres intérêts. C’est un amour qui attache et emprisonne, car la peur de faire face au manque si l’être aimé devait nous « échapper » nous rend dépendants de lui, ce qu’il va vivre comme une forme de possessivité et d’emprisonnement lui aussi, dans un sentiment d’impuissance et de privation de liberté pouvant conduire à la dépression et à la maladie. Cet amour, que l’on devrait plutôt appeler de l’attachement émotionnel, se rencontre également dans d’autres types de relations, comme celles qui lient les membres d’une même famille.

Les mêmes observations peuvent être faites concernant la sexualité. Lorsque les impulsions d’attraction qui poussent à l’acte sexuel ne servent pas l’épanouissement de l’âme au travers de la procréation ou de l’éveil de ses énergies (comme c’est le cas avec les pratiques tantriques, par exemple), elles servent alors forcément la nature inférieure, et il ne s’agit alors plus de « faire l’amour », mais de « tirer son coup », dans une indifférence quasi-totale à l’égard de l’autre, qui n’est plus qu’un objet de plaisir. Là aussi, on se sert de l’autre pour obtenir un plaisir qui permet d’échapper à un mal-être, à une tension, à un stress, ou pour se valoriser, se rassurer, se sentir désiré, aimé, etc.

L’amour magnétique est donc sujet à perversion, et peut devenir nuisible pour soi-même comme pour les autres. Pour qu’il soit uniquement mis au service de l’épanouissement du vivant, et ainsi restauré dans sa fonction naturelle et primordiale, il convient de transmuter, rectifier, l’ensemble des conditionnements qui existent au niveau de la structure mentale.

L’Amour spirituel, inconditionnel

Intéressons-nous maintenant à l’amour dans sa dimension « verticale ». C’est l’Amour spirituel, inconditionnel, celui dont parlent les Écritures saintes, en tant que vecteur d’ordre, d’équilibre et d’harmonie.

Cet Amour n’est autre que l’Esprit de Dieu, que les êtres spirituellement accomplis, incarnent et rayonnent à travers leurs pensées, leurs paroles et leurs actes désintéressés. Il ne s’agit donc pas de l’amour sentimental, émotionnel, que l’on ressent quand on est « amoureux » ou que l’on ressent à l’égard d’un être ou d’une chose à laquelle on est attaché parce qu’elle satisfait nos besoins, tant vitaux que compensatoires ; c’est l’Amour que l’on incarne en tant que force, perfection, par lequel on est porté pour agir avec justesse c’est à dire de manière utile, et non parce que cela plaît à l’ego qui peut en tirer un avantage quelconque pour lui-même, égoïstement.

L’Amour spirituel se manifeste parfois chez le parent vis-à-vis de son enfant, par des paroles ou des actes qui peuvent certes déplaire à l’enfant, mais dont le parent sait qu’ils sont nécessaires pour lui éviter d’aller au-devant d’expérience qui pourraient s’avérer dangereuses pour lui. Le parent n’impose pas une limite à l’enfant parce qu’il l’exaspère et qu’il peut ainsi retrouver un peu de sérénité, mais parce qu’il sait au fond de lui que l’enfant a besoin d’être « cadré » avec fermeté.

Le philosophe Oskar Ernst Bernhardt, de son nom de plume Abd-ru-shin, ose même parler de « sévérité » lorsqu’il définit l’Amour spirituel, qu’il appelle l’« amour véritable » :

« La notion d’amour a été déformée et altérée de multiples façons. En effet, l’amour véritable est en grande partie sévérité ! Ce que l’on qualifie actuellement d’amour est tout sauf de l’amour. Si l’on examine à fond et sans complaisance ce que l’on prétend être de l’amour, on ne trouve rien d’autre qu’égoïsme, vanité, faiblesse, indolence, présomption ou instincts. Le véritable amour ne prendra pas en considération ce qui plaît à l’autre, ce qui lui est agréable et lui apporte de la joie, mais il agira uniquement en fonction de ce qui lui est utile, peu importe que cela lui apporte ou non de la joie ! Telle est la vraie façon d’aimer et de servir [1]. »

Pour Michel Fromaget, l’Amour spirituel est indissociable de l’Esprit, et c’est la raison pour laquelle il nous dit que « la naissance à l’esprit, la naissance à la totalité de soi-même, autrement dit “la seconde naissance”, n’est autre que la naissance à l’Amour. Ce n’est bien sûr pas des amours physique ou psychique, charnel ou sentimental qu’il s’agit. Mais d’un amour qui, sans exclure les précédents, leur donne leur véritable sens. C’est d’amour spirituel qu’il s’agit. Non pas d’éros, ni de philia, mais d’agape. Non pas de cupido, d’amor, mais de caritas [2]. »

L’Amour selon Jésus Christ

Abd-ru-shin, déjà cité plus haut, s’est référé à l’enseignement de Jésus Christ définir l’Amour spirituel :

« Si donc il est écrit “Aimez vos ennemis !”, cela signifie : “Faites ce qui leur est utile ! Châtiez-les donc s’il n’est pas d’autre moyen de leur faire reconnaître leur erreur !” Cela équivaut à les servir, à condition toutefois de faire régner la justice ; car l’amour ne saurait être séparé de la justice : ils sont ! Faire preuve d’indulgence reviendrait à encourager les défauts de l’ennemi et à le laisser ainsi glisser davantage encore sur la pente abrupte. Serait-ce là l’amour ? Ce serait au contraire se charger d’une faute [3] ! »

En tant que maître spirituel accompli, Jésus Christ était l’incarnation parfaite de cette force d’amour synonyme de justice, au sens de « justesse » et d’« utilité ». C’est cet « Amour-force » qu’il incarnait lorsqu’il se positionnait avec sévérité et de manière intraitable face à ce qu’il considérait comme des injustices, des inégalités, des corruptions et des erreurs doctrinales commises par certains individus, indépendamment de leur statut social. L’Amour spirituel n’a donc rien à voir avec la mollesse, la passivité et la mièvrerie dont on l’affuble parfois en s’appuyant sur une interprétation erronée du fameux « tendre l’autre joue [4] ».

Si l’on peut dire que l’Amour spirituel est également « Bien suprême », ce n’est pas au sens de la bienveillance doucereuse qui fait plaisir et qui maintient les illusions de l’ego bien en place, mais des actes qui sont inspirés par la sagesse du cœur, là où est transcendée la dimension « horizontale » de l’amour et donc aussi son opposé, la haine.

De par sa verticalité, l’Amour spirituel n’a pas d’opposé ; il est l’amour « du milieu », aligné sur la Volonté divine, et non celle de l’ego comme c’est par contre le cas avec l’amour magnétique, émotionnel. Si l’Amour spirituel se manifeste par une forme de violence dans le ton et dans les actes, à l’exemple de la « sainte colère » de Jésus face aux marchands dans le temple, cette colère est fondamentalement juste, absolument dépourvue de haine et de peur, car elle n’est pas conditionnée par l’ego qui s’en servirait pour défendre ses intérêts et protéger son sentiment de soi.

L’Amour spirituel est « perfection » et « justesse » parce qu’il contribue à l’éveil de l’âme, c’est-à-dire à son épanouissement mais aussi à sa guérison. Il est la force de transmutation, de rectification, grâce à laquelle l’ordre est créé à partir du chaos. En cela, l’Amour spirituel est une force d’harmonisation.

L’Amour spirituel est le plus souvent perçu comme une menace par l’ego, parce qu’il l’empêche de rester dans sa zone de confort et le met face à ses illusions, son ignorance, ses contradictions et ses fautes, mettant en lumière ce qu’il refuse de voir en lui-même, parce qu’il en a honte, parce qu’il en a peur.

En empêchant l’ego de céder à ses mauvais penchants ainsi qu’à ses mécanismes de défense et d’évitement, l’Amour spirituel lève le voile sur des « ombres » et provoque des sensations désagréables, déclenchant le réflexe de répulsion au niveau de la structure mentale. L’Amour spirituel est l’antithèse du péché ; il est « action juste », inscrite dans la dynamique de la perfection spirituelle.

Lorsque Jésus dit « Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés [5] », c’est à l’Amour spirituel qu’il fait référence. Ayant atteint l’état de Réalisation spirituelle, Jésus était en unité avec le Père, Dieu, soumis à Sa Volonté, à Sa Lumière, à Son Amour. En cela, il était parfait comme le Père est parfait, et s’il nous a demandé à nous aussi d’être « parfaits comme le Père est parfait [6] », c’est pour que nous aussi nous soyons alignés sur l’Amour spirituel, en acceptant de faire ce qui est juste et utile à l’éveil de notre âme et celle des autres, afin qu’elles puissent ainsi être à leur tour un vecteur d’Amour spirituel dans le monde, en faisant un don désintéressé du « fruit de l’Esprit ».

L’Amour dans le bouddhisme

Dans le bouddhisme, l’Amour spirituel est appelé maitri [7]. Le sage Thich Nhat Hanh abonde dans le même sens, en précisant que l’Amour spirituel est utile et juste parce qu’il comprend et satisfait les vrais besoins de l’âme qui peut ainsi en bénéficier pour son épanouissement :

« Si vous offrez à votre bien-aimée quelque chose dont elle n’a pas besoin, ce n’est pas maitri. Vous devez prendre en compte sa situation réelle, sans quoi vous risquez de lui faire plus de mal que de bien. […] Sans compréhension, l’amour n’est pas le véritable amour. Vous devez regarder profondément pour voir et comprendre les besoins, les aspirations et la souffrance de ceux que vous aimez. Nous avons tous besoin d’amour. L’amour nous apporte joie et bien-être. Il est naturel comme l’air. Nous sommes aimés par l’air ; nous avons besoin d’air frais pour être heureux. Nous sommes aimés par les arbres. Nous avons besoin d’arbres pour être forts. Pour être aimé, il faut pouvoir aimer, c’est-à-dire comprendre. Si nous voulons que notre amour continue, nous devons faire ce qu’il faut et nous garder de ce qu’il ne faut pas faire pour protéger l’air, les arbres et ceux que nous aimons.

Maitri peut être traduit par “amour” ou “bonté”. Certains maîtres bouddhistes préfèrent l’expression “bonté”, estimant que le mot amour est trop dangereux. Personnellement, je préfère le mot “amour”. Les mots tombent parfois malades et il faut les soigner. Nous avons trop tendance à utiliser le mot amour pour dire “envie” ou “désir”, comme dans l’expression “j’aime les hamburgers”. Soyons plus attentifs aux mots que nous employons. L’amour est un très beau mot ; nous devons en restaurer le sens. Maitri a ses racines dans le mot mitra, qui signifie “ami”. Dans le bouddhisme, le premier sens du mot amour est amitié.

Nous avons tous des graines d’amour en nous. Et nous pouvons développer cette source d’énergie merveilleuse en nourrissant un amour inconditionnel qui n’attend rien en retour. Dès l’instant où l’on comprend profondément quelqu’un, même s’il nous fait du mal, on ne peut s’empêcher de l’aimer [8]. »

Se purifier pour aimer vraiment

Pour développer cette capacité à comprendre les besoins de l’âme (la nôtre comme celle des autres) et faire ce qui est utile à son épanouissement, son éveil, il est nécessaire de purifier la psyché de l’ensemble des conditionnements inhérents à la structure mentale. Tant que nous agissons en étant identifiés à ces conditionnements, ce que l’on considère comme étant bon pour soi-même ou pour l’autre ne peut être que le fruit de nos propres programmations, croyances, désirs, projections, fantasmes, etc. Pour comprendre vraiment, et donc pour aimer vraiment, il faut être capable de voir sans le filtre structurel mental. 

En ce qui concerne plus spécifiquement l’Amour spirituel de soi, il est très difficile de le vivre, c’est-à-dire de faire ce qui est vraiment utile pour notre éveil, si notre conscience est sous l’emprise d’une structure mentale saturée de conditionnements, nous faisant constamment réagir à partir d’impulsions d’attraction et de répulsion non maîtrisées.

Si la conscience était alignée constamment sur l’Amour spirituel, toutes nos actions permettraient de satisfaire les besoins vitaux de l’âme en vue de son éveil, sa guérison, son émancipation, son rayonnement, etc. Seulement, comme je l’avais expliqué dans les tous premiers cours, des croyances irrationnelles, erronées, sont venues s’attacher aux élans de vie de l’âme et n’ont eu, depuis lors, de cesse de les brimer et de les occulter à chaque fois qu’ils cherchent à se déployer conformément à leur nature. Ces croyances qui existent au niveau de la structure mentale sont tenaces et demandent à être validées par l’expérience, tant et si bien que tant que nous y sommes identifiés, nous réprimons nos élans de vie et adoptons des stratégies élaborées pour obtenir des plaisirs compensatoires, utilisant pour cela l’amour dans sa dimension horizontale.

Exemple : une personne aspire à entreprendre un projet qui lui tient à cœur. En y pensant, elle ressent de l’enthousiasme. Elle est au contact des élans de vie de son âme. Mais à ces élans de vie sont associées des croyances d’indignité. Dans son enfance, on a fait comprendre à cette personne qu’elle ne valait rien et qu’elle aurait toute sa vie besoin d’être assistée, et qu’elle ne serait donc jamais capable de faire quelque chose de bien par ses propres moyens. Cette personne en est en vérité tout à fait capable, mais pour valider ses croyances erronées à son sujet, elle va tout faire pour se « saboter » et se persuader qu’en effet, elle n’est pas capable d’y arriver. Puisqu’elle ne peut vivre l’épanouissement de son âme et la joie profonde que cet épanouissement procure, elle va mettre en place des stratégies de compensation, pour échapper au mal-être lié à la répression de ses élans de vie auxquels sont associées ces croyances erronées. Les comportements qu’elle va ainsi adopter son autant de mécanismes névrotiques qui la maintiennent dans le désir et l’aversion au niveau de la structure mentale, donc dans la souffrance. Nous retrouvons à ce niveau toutes les pathologies mentales, comme la névrose d’échec, la procrastination, l’inertie, la fuite ou l’évitement, la dévalorisation, la croyance d’indignité ou d’illégitimité, etc.

C’est ainsi que la personne va continuellement se saboter et dévier de la voie du juste milieu, sur laquelle elle serait alignée si elle faisait ce qui est juste et utile pour l’épanouissement de son âme, et celle des autres. Bien entendu, cet alignement sur le juste milieu ne peut s’opérer qu’en renonçant aux conditionnements de la structure mentale, tant en ce qui concerne l’identification de l’être qu’aux actions qui en découlent.

Ce renoncement est très désagréable, dans la mesure où il a pour effet de lever le voile sur les « ombres » qui étaient jusque-là anesthésiées, occultées, par les stratégies d’évitement actives dans la structure mentale. La souffrance de l’âme n’étant plus compensée ou étouffée, le mal-être est ressenti de plein fouet. À ce moment-là, si la personne parvient à se maintenir dans la dynamique de l’Amour spirituel en renonçant à l’impulsion névrotique de rejet qui va inévitablement s’activer en réaction à la souffrance émotionnelle de l’âme, elle se maintient dans le juste milieu et la lumière spirituelle sur laquelle elle est ainsi alignée va pouvoir opérer la transmutation de cette souffrance, qui aura donc été rendue possible uniquement grâce au renoncement, synonyme de lâcher-prise.

Le couple sacré

Ce cours traitant de l’amour dans sa dimension horizontale (amour magnétique) et sa dimension verticale (Amour spirituel) ne serait pas complète sans considérer le cas où ces deux dimensions sont en quelque sorte mêlées, en complément l’une de l’autre, dans le cadre de la vie de couple, dès lors élevé à sa plus haute condition, sacrée.

J’ai cité l’enseignement de Jésus, qui comporte de nombreuses allusions relatives à l’Amour spirituel. Mais cet Amour spirituel qu’il incarnait à la perfection dans son rapport au vivant était-il le même que celui qu’il éprouvait pour sa compagne, Marie-Madeleine, ou est-ce que ce dernier comportait quelque chose de « plus » dans le cadre de cette relation « amoureuse » ? De toute évidence, l’amour magnétique était présent dans cette relation, mais couplé à l’Amour spirituel dans un rapport harmonieusement complémentaire entre ces dimensions de l’amour. Si Jésus aimait inconditionnellement tous les êtres, l’amour qu’il vouait à Marie-Madeleine était en effet porteur de cette dimension magnétique également, sans quoi il n’aurait pas ressenti le désir de s’unir à l’élue de son cœur sur tous les plans de son être (et réciproquement) pour manifester l’amour sur le plan horizontal et vertical en même temps, réalisant grâce à leur complémentarité l’unité parfaite jusque dans la matière.

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Dans une telle relation, qui représente l’idéal du « couple sacré » tel qu’on pourrait se le représenter, l’amour magnétique est en quelque sorte « sublimé » au point d’être dépourvu de toutes les formes de déviance dont nous avons parlées. Le jeu des impulsions d’attraction et de répulsion détermine le rapport magnétique, mais celles-ci ne sont plus dévoyées par les conditionnements de la structure mentale (qui a été purifiée), en vertu de quoi elles sont constamment alignées sur l’Amour spirituel (c’est d’ailleurs ce que symbolise très précisément le caducée d’Hermès).

Dans un tel rapport, l’être ressent l’impulsion de s’unir à son partenaire, porté par le libre écoulement de ses élans de vie, pour la seule et unique satisfaction d’honorer le vivant (en soi-même comme en l’autre) en favorisant son épanouissement sur tous les plans.

Quelques citations à méditer

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes. » Matthieu, 22:35-40

« L’amour est patient, il est plein de bonté ; l’amour n’est pas envieux ; l’amour ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne soupçonne pas le mal. Il ne se réjouit point de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ; il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. » 1 corinthiens 13:4-7

« Je t’aime parce que tout l’univers a conspiré à me faire arriver jusqu’à toi. » Paulo Coelho

« Il n’y a qu’un bonheur dans la vie, c’est d’aimer et d’être aimé. » George Sand

« Aimer, c’est savoir dire je t’aime sans parler. » « Aimer, c’est vivre ; aimer, c’est voir ; aimer, c’est être. » Victor Hugo

« Il y a des êtres qui nous touchent plus que d’autres, sans doute parce que, sans que nous le sachions nous-mêmes, ils portent en eux une partie de ce qui nous manque. » Wajdi Mouawad

Pratique

Il existe de mauvaises raisons pour lesquelles certaines personnes décident de s’engager sur la voie spirituelle, comme par exemple la volonté d’acquérir des facultés extrasensorielles (médiumnité, don de voyance, empathie pure, sortie hors du corps, télépathie, lecture d’aura, etc.) et autres pouvoirs psychiques (télékinésie, lévitation, insensibilité du corps, matérialisations, etc.), la recherche de valorisation narcissique (briller aux yeux des autres et susciter de l’admiration) et le développement de qualités considérées comme telles par le mental influencé par l’idée qu’il se fait de l’Éveil spirituel, mais qui sont sans rapport avec ce que l’âme souhaiterait pouvoir développer pour vivre sa mission de vie.

Ce que vont entreprendre les personnes pour améliorer l’image qu’elles se font d’elles-mêmes – car c’est en finalité ce qui est recherché – aura pour effet d’approfondir l’illusion, la dualité, la division, et de renforcer l’emprise de la structure mentale sur l’âme vivante, qui aura donc d’autant plus de difficulté à faire entendre sa vérité, qu’il faut pourtant impérativement pouvoir écouter et comprendre pour agir de manière « juste » et produire son épanouissement, son éveil.

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Chapitres supplémentaires :

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[1] Dans la Lumière de la Vérité, Tome II, Éditions du Graal, 2012, p. 44.

[2] La Vocation spirituelle de l’Homme, Éditions Entremises, 2020, p. 69.

[3] Dans la Lumière de la Vérité, Tome II, Éditions Du Graal, 2012, p. 44.

[4] Lors de son sermon sur la montagne, Jésus a dit : « Si quelqu’un te frappe sur une joue, présente-lui aussi l’autre. » (Luc 6:29). Lire à ce sujet l’article Faut-il tendre l’autre joue ? : https://cutt.ly/FedPDIIK

[5] Jean 15:9.

[6] Matthieu 5:48.

[7] Maitreya, le Bouddha de la prochaine ère, annoncé par Siddhārtha Gautama, est le Bouddha de l’Amour. Il est un équivalant du Christ, qui existe en potentiel à l’intérieur de chacun. 

[8] Enseignements sur l’Amour, Éditions Albin Michel, 2004, pp. 11-13.