Le Cours du Vivant

Cours n°30 : La peur et l’instinct de survie

La peur et l’instinct de survie

Théorie

Dans le cours 19, nous avons déjà abordé la question de la peur, mais en nous concentrant sur son expression et ses manifestations physiologiques, sous la forme du stress. Cette fois-ci, nous allons nous intéresser plus spécifiquement à la fonction de la peur et à ses causes sur le plan psychologique.

La peur est au niveau émotionnel ce que le stress est au niveau physique ; il est la manifestation physique de la peur sur le plan psychique.

Pour rappel, le stress se manifeste par l’activation de la branche orthosympathique du système nerveux autonome, appelée aussi branche « lutte ou fuite ». Ce système biologique animal s’active lorsqu’un danger est identifié, qu’il soit réel ou supposé, présent ou futur ; il est intrinsèquement lié à l’instinct de survie. C’est une fonction naturelle qui est destinée à assurer la sauvegarde des espèces. En cela, ce système participe à l’harmonie, à l’ordre et à l’équilibre au sein du vivant, à condition toutefois que l’exposition aux stimuli à même de l’activer soit suivie d’une phase de repos permettant de contrebalancer les effets physiologiques du stress.

Lorsque l’exposition aux « facteurs de stress » cesse, la branche parasympathique du système nerveux autonome, qui est la branche antagoniste du système « lutte ou fuite », est relancée, et l’organisme peut se régénérer et « recharger ses batteries ». Cette phase de récupération est absolument nécessaire pour rétablir l’équilibre au sein de l’organisme qui a été soumis au stress. Si cette phase de régénération est rendue impossible parce que l’exposition aux facteurs de stress dure trop longtemps ou est trop fréquente, l’organisme épuise ses réserves biologiques et énergétiques et le déséquilibre s’installe, avec son lot de conséquences négatives sur le plan physique et psychique [1].

Le vivant est régi par des Lois universelles et elles sont implacables. Les connaître et vivre en adéquation avec elles est garant de santé, de plénitude et d’abondance. Ne pas y conformer sa vie, par ignorance ou par volonté de transgression, ne peut qu’aboutir au chaos, à la souffrance et à la maladie.

La peur psychologique

Contrairement aux espèces du règne animal, l’être humain est doté d’un mental [2] très développé (trop même…), lui permettant de raisonner, de penser, d’analyser, de comparer, de discriminer, de se remémorer le passé ou de se projeter dans le futur.

Cette spécificité lui a permis de faire de grandes découvertes et d’inventer des technologies qui ont considérablement amélioré ses conditions de vie, mais elle est aussi responsable d’une grande partie des problèmes qu’il rencontre dans son existence. Plus justement dit, ce n’est pas le mental qui pose problème, mais l’identification de l’être aux pensées que ce même mental est susceptible de produire à partir d’une vision purement « égocentrée » que l’être a de lui-même, déterminant de ce fait des actions dont le but est de servir des intérêts avant tout personnels, égotiques.

À la différence du mental, l’organisme ne fait pas la différence entre le passé, le présent et le futur. Pour lui, seul le présent existe. Cela signifie que lorsqu’un individu se remémore le passé ou se projette dans le futur par l’intermédiaire de l’identification au mental, les pensées sont autant de stimuli perçus par l’organisme comme s’ils provenaient de la réalité. Par exemple, si l’être se projette dans le futur en pensant à un événement durant lequel il devra s’exprimer face à un public, l’organisme assimile l’imagination mentale à la réalité. Si cette imagination mentale est anxiogène pour l’ego, l’organisme déclenche alors les mécanismes physiologiques du stress. L’individu peut ainsi être confortablement installé dans son canapé au moment où il se projette dans cette situation future, mais son corps vit un stress comme s’il vivait réellement cette situation ici et maintenant. Dans cet exemple, il n’y a pas d’exposition à un danger réel et immédiat, mais le subconscient n’est pas capable de faire ce constat, et sa réponse physiologique est la même que si le danger était bien réel et bien présent.

Lorsque les peurs vécues dans l’instant présent ne permettent pas d’assurer la survie face à un danger présent, elles sont inutiles. Dans ces conditions, les peurs peuvent être qualifiées de « psychologiques ».

Certains auteurs avancent que ces peurs irrationnelles et infondées représentent 99,9 % de l’ensemble de nos peurs [3], ce qui signifie que seul 0,01 % de nos peurs surviennent face à un danger réel et immédiat.

Si nous ne vivions pas dans la forêt amazonienne ou dans une région en guerre, nous pouvons remarquer que les instants de l’existence durant lesquels nous sommes en situation de danger réel et immédiat, sont en effet extrêmement rares, et que le stress vécu par notre organisme devrait donc l’être également.

La grande majorité de nos peurs n’ont pas lieu d’être. Elles ne sont pas utiles et, par conséquent, elles nous nuisent. Il convient donc de nous en libérer.

Les peurs psychologiques se manifestent donc sans qu’il y ait un rapport direct avec un danger réel et immédiat. Et ces peurs se subdivisent en deux catégories : les peurs liées à la prévision d’un danger qui pourrait menacer l’intégrité du corps physique et énergétique, et celles liées à la possibilité que les blessures de l’âme soient ravivées et que l’image que l’on se fait de soi-même (en tant qu’ego) soit mise à mal.

Ces peurs psychologiques sont très handicapantes, car elles nous maintiennent dans un état de tension quasi-permanent, qui dilapide vainement notre énergie tant par le mécanisme du stress en lui-même que par les comportements névrotiques adoptés pour atténuer l’état d’anxiété.

Lorsqu’un individu est soumis à une peur psychologique, il est anxieux, angoissé, sans que cet état soit justifié par les circonstances présentes. N’étant pas exposé à un danger réel et immédiat, rien ne justifie, en effet, l’activation du stress. Et pourtant, ce dernier est présent dans son corps, en réponse aux facteurs de stress produits par les pensées anxiogènes auxquelles l’individu s’identifie, le plus souvent dans un état de totale inconscience. Ce sont des conditionnements, des « rails automatiques », que l’individu emprunte parfois depuis des années, à la manière d’un robot préprogrammé (souvenez-vous de la notion d’« homme-machine »).

Le système nerveux autonome étant sous l’influence du néocortex (par l’intermédiaire de l’amygdale, dans le cerveau limbique), la nature des pensées peut activer ou non la réponse du stress dans l’organisme. Cela signifie que le stress d’origine psychologique n’a pas à être subi et que l’individu peut à tout moment reprendre la maîtrise de lui-même.

L’observation détachée des pensées « négatives » et le choix de l’identification consciente à des pensées « positives » permettent avec efficacité d’endiguer la spirale négative du stress. Ceci dit, il arrive que les conditionnements mentaux soient si profondément ancrés dans la psyché que l’état d’anxiété devienne généralisé (on parle alors de « trouble anxieux généralisé »). Dans ces cas-là, des thérapies peuvent s’avérer nécessaires pour aller déraciner les « programmations » subconscientes qui induisent les pensées parasites anxiogènes.

La cause de la peur psychologique

Si, par le passé, nous avons vécu un traumatisme, qu’il soit d’ordre psychologique (abandon, trahison, humiliation) ou physique (accident, maladie grave), nous allons naturellement tout faire pour éviter d’avoir à le revivre. Nous cherchons à assurer notre survie, tant psychologique que physique. Ainsi, une personne qui a été humiliée en public aura peur de parler à nouveau en public. Une personne qui a failli se noyer aura peur de l’eau. Une personne qui a chuté à cheval aura peur d’y remonter. Une personne qui a eu un accident de voiture aura peur de reprendre le volant. En fait, tout ce qui sera identifié comme ressemblant aux circonstances au cours desquelles le traumatisme a été vécu dans le passé, sera perçu comme un danger par le subconscient, qui va donc activer le phénomène physiologique du stress. La peur n’est donc rien d’autre qu’un signal d’alarme nous avertissant d’un danger, et déclenchant les réponses biologiques pour lutter ou fuir (d’où le qualificatif de « lutte ou fuite » donné à la branche orthosympathique, sachant qu’il existe également le phénomène de l’inhibition face à un danger réel ou supposé).

Seulement, dans la majorité des cas, si les circonstances redoutées peuvent présenter des similitudes avec celles qui ont occasionnées le traumatisme dans le passé, rien ne prouve que le déroulement des événements sera le même et que nous aurons à revivre le même traumatisme.

Cela nous amène à identifier très clairement la cause de la peur : l’ignorance ! En effet, si nous savions à l’avance de quelle façon va se dérouler un évènement redouté à venir, soit nous saurions que les circonstances seront les mêmes que celles précédemment vécues et nous pourrions décider consciemment de ne pas revivre la situation en question, soit nous saurions que l’objet de notre crainte ne se présentera pas et nous pourrions alors envisager de vivre la situation tout à fait sereinement. Dans les deux cas, le fait d’avoir la connaissance de ce qui va se passer, nous libèrerait de la peur. De plus, même dans le cas de figure où nous n’aurions pas d’autre choix que de faire face à une situation difficile à vivre, le fait d’en connaître le déroulement exact à l’avance serait de nature à atténuer la peur dans la mesure où nous saurions à quoi nous attendre et pourrions nous y préparer en conséquence. C’est donc bien le fait d’ignorer à l’avance le déroulement des événements à venir et leurs conséquences, qui engendre la peur au niveau émotionnel, et donc le stress au niveau physique.

La corde prise pour un serpent

Pour comprendre en quoi la peur trouve sa cause dans l’ignorance, servons-nous de l’exemple traditionnel de la corde prise pour un serpent.

Imaginons un homme se promener dans les ruelles du Vieux Dehli à la tombée de la nuit. Soudainement, une peur le saisit au moment où il aperçoit, à quelques mètres de lui, dans la pénombre, la présence d’un serpent enroulé plusieurs fois sur lui-même. Il redoute la morsure mortelle de ce qu’il apparente à un cobra, et fait un bon en arrière. Les lampadaires s’allument et la pénombre disparaît. Notre homme prend alors conscience qu’il s’agissait en réalité d’une corde, et non d’un cobra.

Si l’homme avait eu dès le départ connaissance qu’il s’agissait d’une corde, il n’aurait bien sûr pas eu peur d’être mordu et de mourir des suites de cette morsure. Il aurait marché à côté de cette corde, sereinement. C’est grâce à la lumière – symbole de la connaissance – qu’il a pu voir la réalité telle qu’elle est vraiment, et que cette connaissance l’a libéré instantanément de la peur. La connaissance libère de la peur, parce qu’elle libère de l’ignorance à l’origine de la peur.

Admettons cependant que notre homme fasse réellement face à un cobra dans cette ruelle sombre. S’il sait que sa morsure est mortelle, mais qu’il sait également comment l’esquiver en étant sûr de ses capacités à le faire sans risquer aucune conséquence négative, la peur ne l’habiterait pas non plus. Allons même jusqu’à imaginer un scénario funeste : l’homme sait qu’il ne peut éviter la morsure du serpent et qu’il va en mourir. Mais il sait également que la mort n’est qu’un changement d’état d’existence et que l’Esprit est éternel, car notre homme est un sage spirituellement réalisé ; il vit l’instant présent, dans la conscience des sensations vécues dans le corps, mais dans la conscience également d’être infiniment plus que ce corps et l’âme qui l’anime. Dans un cas comme dans l’autre, la peur est absente de l’expérience.

La sagesse issue des textes sacrés hindous appelés Védas, nous enseigne expressément que la peur est due au sentiment de la dualité, c’est-à-dire à l’impression de séparation vécue par l’être identifié au corps et à l’âme qui l’anime.

Cette identification produit une image de soi, un « je » qui se sent séparé des autres, du monde extérieur et de la réalité qui est pourtant « une sans second » (c’est donc bien l’identification de l’être à un « je » conceptuel plutôt qu’à sa propre essence éternelle et omniprésente, qui génère l’impression, illusoire, de la séparation).

Partant de ce constat, il est possible de réduire l’emprise de la peur dans la psyché en atténuant l’impression de séparation (dualité), ce qui se fait naturellement en développant la conscience de l’instant présent, par l’observation détachée de « soi-même » (en tant qu’ego) autant que des phénomènes qui apparaissent et disparaissent constamment en l’instant présent.

Dans un tel état de présence à l’instant présent, l’identification à l’ego induite par le mental, est rompue, et le sentiment de la dualité disparaît (progressivement bien sûr, à mesure que l’être s’efforce de renforcer sa capacité à être présent et que l’équanimité se développe dans sa propre conscience).

En conséquence, les peurs psychologiques disparaissent et l’individu vit l’état de paix et de félicité qui résulte d’une conscience en phase avec le réel. L’instinct de survie est toujours présent et prêt à déployer la réponse du stress face à un danger, mais dans le cas d’un danger réel et immédiat qui pourrait menacer l’intégrité du corps et de l’âme, et non plus pour protéger et défendre l’illusion de l’ego séparé.

Peur psychologique et besoin de contrôle

Si nous avons la certitude qu’une situation présente ou à venir est absolument sans danger, nous n’éprouvons aucune peur et nous pouvons envisager sereinement de vivre cette situation. Aussi, si nous savons que cette situation doit absolument être évitée parce que la vivre nous exposerait à un danger risquant de mettre en péril notre âme et notre corps, nous refusons de nous y confronter. Et forcément, en évitant d’être confronté à cette situation, la peur n’a pas lieu d’être puisque le danger est maintenu à distance.

Dans un cas comme dans l’autre, le fait d’avoir connaissance du déroulement des événements avant qu’ils ne se produisent, ferait disparaître la peur. C’est ce qui explique pourquoi certaines personnes ont développé un grand besoin de contrôle, allant parfois jusqu’à l’obsession, cherchant à tout savoir sur tout. Ce comportement névrotique leur permet de réduire le risque d’être confronté à des situations trop anxiogènes. Mais ces personnes ne sont pas libres de la peur pour autant, car il suffit qu’elles ne puissent plus satisfaire leur besoin de contrôle ou qu’elles soient obligées de sortir de leur « zone de confort » pour que la peur les submerge à nouveau. En fin de compte, ces personnes redoutent de perdre le contrôle, car cela risquerait de les mettre dans une situation où leurs ombres intérieures, c’est-à-dire les aspects d’elles-mêmes dont elles ont honte et qu’elles redoutent, pourraient être aperçues par le « monde extérieur ». Par le passé, ces parts ombrageuses d’elles-mêmes ont été jugées, rejetées ou ridiculisées, et il leur faut éviter à tout prix que la souffrance qui en a résulté sur le plan émotionnel, soit ravivée. La peur et le besoin de contrôle qu’elle active constituent donc, pour ces personnes, un mécanisme de défense, un « gardien du seuil » qui a pour mission d’éviter la dégradation et la dévalorisation de l’image de soi. Dans un tel cas, l’instinct de survie a donc pour fonction de protéger l’individu de la traumatisante impression de mourir sur le plan psychologique.

Chercher à tout contrôler n’est évidemment pas la solution. C’est une dépense d’énergie aussi vaine qu’inutile qui place l’être dans une prison aux murs étroits et qui l’empêche d’évoluer au travers d’expériences qui certes peuvent être déstabilisantes, mais qui sont autant d’occasions d’apprendre et de grandir lorsqu’elles sont vécues dans la vigilance et l’accueil inconditionnel.

Il s’agit de lâcher le contrôle, en acceptant la possibilité que le « petit moi » se sente totalement vulnérable et que, le cas échéant, tout soit entrepris pour accueillir cette vulnérabilité dans le juste positionnement intérieur.

Les peurs psychologiques se rapportent exclusivement à l’image de soi. Et comme l’image de soi – le « petit moi » ou ego – est une pure illusion qui n’a aucune existence propre, les peurs psychologiques n’ont pas lieu d’être.

L’amour de soi, meilleur antidote à la peur

Nous avons peur d’être perçus comme des êtres faibles, vulnérables, nuls, inintelligents, sans valeur, etc. Nous avons peur d’éprouver de la culpabilité et de la honte si les autres venaient à découvrir ce que nous cherchons à cacher en nous-mêmes, précisément parce que nous en avons honte. Nous avons peur qu’en conséquence, nous soyons rejetés, abandonnés, privés d’amour. Nous avons peur de souffrir et parfois, nous avons même peur d’avoir peur ! Mais si nous acceptons la possibilité de souffrir, dans la confiance que la souffrance émotionnelle peut être transmutée très rapidement si nous l’accueillons dans le juste positionnement intérieur, alors la peur de la souffrance s’évanouit, et nous pouvons appréhender sereinement les situations qui nous feraient peur si nous voulions à tout prix éviter cette même souffrance psychologique.

Être serein face à la possibilité de souffrir sur le plan émotionnel, sachant qu’elle peut en effet être dépassée très rapidement si elle est accueillie avec bienveillance, libère de la peur, et change considérablement la vie. Si la peur de souffrir disparaît, le besoin de contrôle disparaît également, et la vie peut être vécue avec légèreté, insouciance, quiétude. La conscience est moins focalisée sur les circonstances à venir, et davantage centrée sur l’ici et maintenant, cette dimension où la peur psychologique n’a aucune raison d’être.

Ceci nous amène à considérer que le meilleur antidote à la peur est l’amour. Plus on apprend à aimer nos parts d’ombre, moins nous avons peur qu’elles soient vues par le monde extérieur. Et cela vaut aussi pour la peur elle-même, que nous devons apprendre à aimer, à accueillir, car dans l’illusion qui est la nôtre au départ de toute démarche spirituelle ou de développement personnel, nous serions tentés de vouloir nous débarrasser de la peur, celle-ci étant également associée, dans la conscience collective, à de la faiblesse, de la vulnérabilité et de la fragilité.

Rappelons-nous ici que toute volonté de voir disparaître ce que nous n’aimons pas en nous-mêmes, nous maintient dans le contrôle et va à l’encontre du but recherché. Seul le renoncement à la volonté d’être parfait selon l’image que le mental se fait de la perfection, peut paradoxalement nous rendre parfait, spirituellement parlant, car cette perfection-là ne se situe pas dans l’absence de peurs, de défauts ou de vulnérabilité, mais dans leur accueil inconditionnel. 

Si nous aimons nos zones d’ombre, inconditionnellement, nous n’en avons plus honte, et nous ne ressentons plus le besoin compulsif de les cacher derrière des faux-semblants, des stratégies d’évitement, des comportements névrotiques. En conséquence, les tensions corporelles induites par l’identification à l’ego et à son besoin de contrôle se relâchent, et l’état de stress diminue.

Là où la peur d’être vu dans les aspects mal-aimés de soi-même nous maintenait dans la fermeture, l’amour de soi crée une grande ouverture, laissant passer la lumière spirituelle qui peut ainsi pénétrer notre réalité et y produire une vibration d’unité, d’harmonie et d’équilibre, qui constitue une protection bien plus puissante et efficace que tous les mécanismes de défense fondés sur la peur.

Le courage de s’exposer

Dans « s’exposer », il y a « oser ». Or, les gens ont peur d’avoir peur et ont peur de la souffrance psychologique, ce qui est en soi très limitant puisque cette peur les inhibe et les empêche d’aller au-devant d’expériences qui leur donneraient la possibilité de lâcher prise et de vivre une plongée salutaire en eux-mêmes. En effet, la peur les empêche de vivre l’expérience qui leur permettrait de se confronter à leurs ombres intérieures et d’être ainsi en mesure de les accueillir pour en produire la transmutation, donc aussi la guérison.

Accepter d’avoir peur et de souffrir émotionnellement est indispensable, car l’apprentissage qu’offre l’expérience est le seul moyen d’évoluer et de grandir dans la maîtrise et la connaissance de soi-même. Il faut donc trouver le courage en soi de sortir de sa zone de confort et de lâcher du lest par rapport au besoin de contrôle, en y allant progressivement, bien entendu. Ainsi, en relevant de petits défis, une désensibilisation des peurs s’opère et la confiance ainsi que l’estime de soi grandissent. En conséquence, on peut s’exposer à des situations toujours plus anxiogènes, dans l’assurance que nous avons les capacités d’y faire face et d’en sortir plus forts encore.

Pour rappel, la peur psychologique est inutile, car elle prend racine au niveau de la structure mentale, cette forteresse bâtie pour défendre une illusion, celle de l’ego séparé. Elle se dresse lorsqu’il y a un risque que les ombres soient révélées et qu’en conséquence, l’image de soi soit menacée.

L’individu redoute la souffrance émotionnelle liée à ses ombres, auxquelles sont associées la croyance d’être indigne d’amour, d’être insignifiant, d’être nul, inintelligent, inexistant, sans valeur, etc.

Revivre la charge émotionnelle associée à ses ombres est, pour lui, comme une épreuve initiatique. Pour éviter de vivre l’impression de mourir sur le plan de l’identité psychologique qu’il s’est forgée, la peur s’active et, avec elle, les mécanismes de défense pour maintenir les ombres cachées, étouffées.

Si l’individu veut entrer sur la voie spirituelle et alchimiser sa personnalité, il doit accepter cette mort sur le plan psychologique. En d’autres termes, il doit accepter de dépasser ses peurs et de faire face à ses ombres intérieures. Cette mort initiatique est le passage obligé pour renaître à sa véritable nature et reconquérir ainsi l’unité perdue.

Quelques citations à méditer

« Lorsqu’un archer tire pour le plaisir, il a toutes ses capacités ; lorsqu’il tire pour un bracelet de bronze, il devient nerveux ; lorsqu’il tire pour un prix en or, il se met à voir deux cibles. » Tchouang Tseu

« Vos névroses ne sont que des interdictions et des obligations qui protègent des mensonges et des illusions. » André Charbonnier

« J’ai appris que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre. » Nelson Mandela

« La peur psychologique n’a rien à voir avec la peur ressentie face à un danger concret, réel et immédiat. La peur psychologique se présente sous une multitude de formes : un malaise, une inquiétude, de l’anxiété, de la nervosité, une tension, de l’appréhension, une phobie, etc. Ce type de peur concerne toujours quelque chose qui pourrait survenir et non pas ce qui est en train d’arriver. Vous êtes dans l’ici-maintenant, tandis que votre mental est dans le futur. » Eckhart Tolle

« Le courage croît en osant et la peur en hésitant. » Proverbe romain

« La peur bloque la compréhension intelligente de la vie. » Jiddu Krishnamurti

Pratique

Dans la partie théorique de ce cours, nous avons vu que la peur n’est problématique que lorsqu’elle concerne la souffrance psychologique. Par conséquent, c’est de cette « peur psychologique » qu’il faut apprendre à se libérer si l’on entend pouvoir vivre une vie pleine et épanouissante. Si l’on entend vivre sans peur psychologique, donc vivre en étant libre d’être pleinement soi-même et de créer la vie à laquelle nous aspirons vraiment, il convient d’être parfaitement au clair sur le fait qu’on ne doit pas lutter contre nos peurs, quelle qu’en soit la nature. Nos peurs psychologiques, bien que fondées sur des illusions, font partie de notre réalité intérieure. Chercher à s’en débarrasser ne peut que nous maintenir dans la même dynamique de contrôle de l’ego qui veut être libéré de ce qu’il n’aime pas. Pour être véritablement libres de nos peurs psychologiques, il convient donc premièrement d’apprendre à les aimer, telles qu’elles sont.

C’est en se concentrant sur la sensation de la peur, en acceptant et en encourageant même sa présence en soi avec le regard de la bienveillante neutralité, qu’elle peut se transmuter en énergie positive. À condition bien sûr de ne pas chercher ce juste positionnement de la conscience pour en être débarrassé, puisque cela signifierait que l’acceptation n’est pas inconditionnelle. Cela implique de ne pas considérer la peur comme une ennemie ou quelque chose de mauvais en soi, mais comme une manifestation symptomatique de la nature inférieure, qui a sa raison d’être dans le sens où elle nous permet de maintenir une forme d’équilibre intérieur, même si elle nous fait souffrir. C’est pourquoi elle doit être considérée avec respect, amour et bienveillance.

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[1] C’est notamment ce qui explique le burn out, par lequel de plus en plus de gens passent dans le monde moderne. Soit dit en passant, cet état de fait démontre bien que le paradigme civilisationnel en vigueur au sein des sociétés dites « civilisées », très axé sur la satisfaction des désirs de l’ego, ne favorise pas l’épanouissement de l’âme et encore moins son éveil spirituel, bien au contraire puisque cet éveil est la seule et unique manière pour l’être de faire l’expérience de la béatitude et donc aussi de se libérer de la peur et de la souffrance qu’elle engendre sur le plan de l’individualité.

[2] Certains animaux ont aussi développé un mental, comme chez les singes par exemple, mais l’usage de la pensée est beaucoup plus rudimentaire que chez l’être humain, et beaucoup moins « problématique »…

[3] Voir texte d’Eckhart Tolle au chapitre « Se libérer de la peur psychologique ».