Le Cours du Vivant

Cours n°29 : Le hara, centre vital de l’être
Le hara, centre vital de l’être
Théorie
Dans le précédent cours, nous avons vu que la structure mentale fonctionne sur la base de l’instinct de survie, soit les impulsions d’attraction et de répulsion à l’œuvre au niveau psychique, pour défendre le sentiment de soi créé par identification de l’esprit à la personnalité, c’est-à-dire au corps et à l’âme (identification rendue possible par l’intermédiaire du mental).
Chez la plupart des espèces du règne animal, les mécanismes du stress s’enclenchent exclusivement pour lutter ou fuir face au danger immédiat. Il n’y a que chez l’être humain et certains mammifères comme les singes par exemple, que le système orthosympathique – appelé également système « lutte ou fuite [1] » – s’active pour protéger le sentiment de soi, cette identité personnelle qui n’existe que sur le plan mental et qui est donc de ce fait illusoire par rapport à la véritable essence de l’être, l’esprit.
Lorsque cette identité égotique, mentale, est menacée, l’être qui y est identifié ressent de la peur psychologique. Sur le plan physiologique, la réponse de l’organisme est la même que face à un danger menaçant l’intégrité physique. Par cette réponse que l’on appelle « stress », l’organisme déploie de l’énergie pour que l’être identifié puisse protéger son sentiment de « moi ».
Ce dont l’être a peur, c’est que ses ombres soient révélées et qu’il ait à en souffrir sur le plan psychologique. Il a peur d’être rejeté, abandonné, humilié, trahi, et qu’en conséquence son image de lui-même soit mise à mal. Il a peur de se sentir dévalorisé, honteux, coupable. Il a peur de mourir, non pas sur le plan physique, mais sur le plan psychologique. Il a peur de vivre cette mort psychologique qui s’apparente à un vide, un gouffre existentiel.
Pour éviter de mourir sur le plan psychologique, et aussi pour échapper à la peur psychologique qui est un état désagréable en lui-même, l’individu s’est construit une structure mentale, psychique, qui peut être, comme nous l’avons vu dans le précédent cours, à dominante névrotique, perverse ou psychotique.
Cette structure mentale va faire office de voile destiné à maintenir cachés, les aspects ombrageux que l’individu refuse de révéler. À chaque fois qu’il existera une possibilité que ses ombres intérieures soient vues, dévoilées, l’individu ressentira la peur psychologique, et vivra un stress. En réaction, il s’identifiera à sa structure mentale et usera de certains comportements pour échapper à son inconfort et protéger son ego.
En vérité, l’individu a peur de ses propres ombres. Cela revient à dire que l’individu n’est pas capable d’aimer inconditionnellement tous les aspects de lui-même, car s’il s’aimait de cette manière, il n’aurait pas peur que certains d’entre eux soient vus par les autres. L’amour de soi-même dont il est question ne relève évidemment pas du narcissisme, mais de la capacité à accueillir, avec bienveillance, tout ce que l’on porte en soi-même.
Refus d’incarnation
J’ai souvent affirmé que la structure mentale s’apparente, symboliquement, au diable des traditions. Lorsque l’individu s’identifie à sa structure mentale, il devient diabolique, au sens étymologique du terme, puisqu’il se coupe de certains aspects (ombrageux) de lui-même. En effet, ce voile mental auquel il s’identifie sépare, divise, coupe son être en deux : il y a d’un côté ce qui est considéré comme étant « bien » et, de l’autre, ce qui est considéré comme étant « mal » ; il y a d’un côté les aspects lumineux, et de l’autre, les aspects ombrageux.
Cette division dans la psyché est la cause des conflits internes et des blocages d’énergie et, par-là, de l’ensemble des maladies dites psychosomatiques. Cette division fait que l’individu est mal dans sa peau, en contrôle, sous tension, névrosé.
Dans le cours 2, je me suis appuyé sur le récit de la chute d’Adam et Ève pour expliquer comment cette dualité prend naissance dans la conscience de l’être humain. Rappelons que c’est au moment où ils acquièrent la « connaissance du bien et du mal » que la division s’opère en eux. À partir de là, ils ont honte de leur nudité, symbole de la vérité du vivant. Ils décrètent que cette nudité est mauvaise et qu’elle doit par conséquent être cachée. Alors qu’ils vivaient en unité et en harmonie dans leur état édénique, voilà qu’ils vivent désormais la dualité et l’impression de séparation, avec la peur et la souffrance qui en découle.
En goûtant au fruit défendu de l’arbre de la « connaissance du bien et du mal », Adam et Ève passent de l’amour inconditionnel à l’amour conditionnel, de l’unité à la dualité. Avant cette « chute », tout, en eux, est l’expression d’un Bien suprême, absolu. Leur esprit est constamment aligné sur la réalité du corps et de l’âme, qu’ils accueillent et considèrent avec bienveillance.
Cette pureté d’esprit est comme un rayon lumineux faisant office d’axe vertical, autour duquel peut s’élever harmonieusement l’énergie vitale. Celle-ci peut ainsi circuler sans entrave, sans tension, sans répression et, en retour, prodiguer bien-être, inspiration, santé, confiance et paix intérieure.
Mais à partir du moment où ils répriment tout un pan de leur personnalité, à cause de l’identification à la croyance que certains de leurs élans de vie sont mauvais, ils répriment également l’énergie vitale qui, en conséquence, se bloque, se fige, et devient « ombre ». Cette répression d’une partie des élans de vie revient à refuser l’incarnation, du moins partiellement. C’est le sens du « péché ».
« Où que nous regardions, le péché d’Éden se confirme être un refus d’incarnation [2]. » Annick de Souzenelle
Élans de vie et rédemption
Par « élans de vie », je veux parler des besoins, désirs, aspirations créatrices et autres « rêves » qui appartiennent au domaine de l’âme, le domaine psychique. En font également partie la sexualité naturelle et tous les besoins vitaux du corps. Ceux-ci doivent également être reconnus et satisfaits pour que l’âme puisse s’épanouir et être en santé.
Les élans de vie n’ont rien en rapport avec les stratégies inhérentes à la structure mentale. Les désirs, de même que toutes les pulsions (y compris sexuelles) qui se manifestent sur ce plan-là, sont de nature compensatoire et doivent impérativement être transmutés si l’on aspire à la maîtrise de soi ainsi qu’à l’Éveil spirituel.
La négation du corps, au même titre que la diabolisation des plaisirs charnels telles qu’elles ont été martelées dans la conscience des gens par les religions, a considérablement amplifié la tendance au refus de l’incarnation depuis des siècles, ce qui relève de la perversion puisque le fondement même de la religion est de permettre aux individus d’opérer un mouvement inverse à celui de la chute, soit un redressement, qui doit donc obligatoirement aboutir à une fusion intégrale de l’esprit avec la matière ou, ce qui revient au même, de l’esprit avec l’âme et le corps. C’est ce que signifie très précisément l’« incarnation [3] ».
Si l’être humain veut reconquérir son état édénique, c’est-à-dire d’unité intérieure, il doit donc opérer un mouvement inverse à celui de la chute. Ce mouvement inverse est celui de la rédemption, qui implique une acceptation [4] totale et inconditionnelle de l’incarnation, avec le discernement spirituel nécessaire pour honorer les élans de vie et abandonner les stratégies compensatoires qui les inhibent.
Rédemption veut dire « rachat des péchés », et les péchés sont ici les pensées, les paroles et actes (soit l’ensemble du karma individuel) accomplis à partir de l’identification à la structure mentale et qui ont généré des conséquences karmiques disharmonieuses (soit des déséquilibres), au niveau du vivant.
La rédemption consiste donc à « payer la dette karmique » en rétablissant l’équilibre, l’ordre et l’harmonie au niveau de l’âme vivante, ce qu’est proprement la rectification alchimique, soit la transmutation des énergies de l’âme, la matière psychique.
La porte des Hommes
Lorsque le thème de l’Alchimie spirituelle a été traité, j’ai évoqué le labyrinthe crétois. En m’appuyant sur son symbolisme, j’avais affirmé que le parcours sinueux qui se dessine tout autour du centre représente l’étape de l’errance de l’être, soit son état d’identification au jeu des impulsions contraires dans sa structure mentale, alimentant au sein de sa propre conscience l’illusion de l’ego séparé, avec pour effet de maintenir tout un pan de sa personnalité dans l’ombre.
Dans ces conditions, l’individu est déconnecté de son centre et erre en périphérie de lui-même, dans le dédale de ses conditionnements mentaux, karmiques. Il « chute », il commet le péché, il « manque la cible », représentée par le centre du labyrinthe qui en est aussi la sortie, donc qui marque également le terme de l’errance et l’entrée dans la quête spirituelle à proprement parler, où commence le long processus alchimique de transmutation de l’âme individuelle.
La sortie du labyrinthe s’effectue par ce que certaines traditions nomment la « porte des Hommes [5] ». Pour passer cette porte, l’être doit affronter son « gardien du seuil », c’est-à-dire son double ombrageux. Il doit renoncer à la tentation de réagir à partir des stratégies d’évitement et des mécanismes de défense de la structure mentale, et donc affronter la peur psychologique sous-jacente.
Ce renoncement, qui est une « mort initiatique », est un passage obligé si l’individu veut sortir de la dualité et retrouver l’unité. Il doit en effet trancher ou plutôt transmuter le voile de la peur pour réaliser l’ouverture au sein de sa conscience, par laquelle la lumière spirituelle pourra atteindre le vivant et en transmuter la matière psychique.

L’une des figures les plus connues du labyrinthe crétois est celle de la Cathédrale Notre-Dame de Chartres (voir image ci-dessus à droite). Sa particularité est d’être « unicursal », ce qui signifie que son parcours, de son entrée à sa sortie, ne comporte aucune impasse, et qu’il est par conséquent impossible de ne pas en sortir, pour autant bien sûr que l’on fasse l’effort d’avancer le long de son tracé (confirmant par là que le but est bien le chemin lui-même).
Il est intéressant de faire remarquer qu’au centre de ce labyrinthe figurait jadis une plaque de cuivre [6] sur laquelle figurait le combat entre Thésée et le Minotaure. Ce dernier, par la dualité symbolisée par les cornes de sa tête de taureau, représente bien le gardien du seuil, soit cette nature inférieure que l’individu se doit d’intégrer en lui-même s’il entend pouvoir passer la « porte des Hommes » et accéder à des états de conscience supérieurs. Le passage de cette porte marque le début de cette œuvre alchimique d’illumination ou de transmutation intérieure.
Un processus d’individuation
Avant d’avoir accepté de vivre sa mort initiatique, on peut donc dire que l’être humain erre en périphérie de lui-même, dans les dédales de sa structure mentale.
La « chute » hors de l’état d’unité édénique est un éloignement du centre, centre qui représente symboliquement ce même état d’unité, vers lequel l’être humain se doit de tendre dans un mouvement de redressement inverse à celui de la chute.
Ce mouvement de retour au centre est un processus graduel d’individuation ou, ce qui revient au même, d’incarnation de l’esprit et de restauration de l’âme vivante dans son état naturel, édénique.
Avant ce mouvement rédempteur, l’être humain ne peut pas être considéré comme un « individu » à part entière. En effet, le terme « individu » vient du latin individuum : « ce qui est indivisible ». Or, comme cela a déjà été relevé, l’être qui vit la chute est divisé, coupé en deux par sa structure mentale à laquelle il s’identifie le plus souvent, dans un état d’inconscience et d’ignorance, c’est-à-dire d’absence de connaissance de soi.
Au sens où l’entendait le psychanalyste Carl Gustav Jung, l’individu est une « unité organisée » : « J’emploie l’expression d’individuation pour désigner le processus par lequel un être devient un in-dividu psychologique, c’est-à-dire une unité autonome et indivisible, une totalité [7]. »
Pour que l’être humain soit à proprement parler un « individu », il doit donc être en unité, ce qui implique un alignement des dimensions corps-âme-esprit. Cette unité étant déjà réalisée entre le corps et l’âme, c’est au niveau de l’esprit que le travail doit être entrepris pour que cette unité englobe toutes les dimensions de l’être. Pour cela, l’esprit doit se désidentifier de la structure mentale en retournant son attention sur sa véritable nature, formée par le ternaire « corps-âme-esprit ».
Cette thérapie qui rend l’individuation possible fait passer l’être par l’étape désagréable de la mise en lumière des parts d’ombres de l’âme, qu’il s’était jusque-là évertué à maintenir occultées en s’identifiant au voile structurel mental.
Lorsque l’être s’engage sur cette voie difficile et effrayante, il devient véritablement spirituel. Avant d’avoir vécu sa mort initiatique, la spiritualité que l’être croit vivre n’est que mentale, théorique, faite de beaux discours et de croyances plaisantes pour l’ego, dont il se sert pour se valoriser et compenser. Je rappellerai à ce titre, une fois encore, la célèbre citation de Carl Gustav Jung : « Ce n’est pas en regardant la lumière qu’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. Mais ce travail est souvent désagréable, donc impopulaire. »
Hara et énergie vitale
L’être qui est présent au hara est aligné sur l’âme et sur le corps, obligatoirement. Symboliquement parlant, l’être franchit la « porte des Hommes » et se trouve au centre du labyrinthe. Cela ne signifie toutefois pas que tout ce qui est vécu dans l’incarnation soit pour autant agréable, mais en étant consciemment connecté au hara, l’être fait implicitement passer le message à l’âme qu’il accepte d’en faire l’expérience, telle qu’elle se manifeste à lui. Se sentant accueillie, aimée inconditionnellement, et non plus réprimée directement ou indirectement par l’identification à la structure mentale, elle peut alors se déployer et vivre l’éveil de sa nature.
Être présent au hara, c’est donc être présent à l’âme et au corps, soit à l’incarnation. Sur le plan des polarités complémentaires, il y a de ce fait union entre l’esprit et la matière, entre le yang et le yin, entre l’essence et la substance, entre le masculin et le féminin.
Dans la tradition japonaise, le hara est aussi appelé ki-kai, ce qui signifie littéralement « océan d’énergie ». Cette énergie est la substance vitale, de polarité yin-féminine, à l’état de non-manifestation.
Lorsque l’esprit, de polarité yang-masculine, projette son attention, sa lumière, sur cet « océan d’énergie », il la met en mouvement, il en actualise le potentiel.
Ressentir le hara permet donc une actualisation du potentiel d’énergie contenu à l’intérieur de l’être. Cette énergie vitale ainsi mise en mouvement peut être vue comme le fruit de l’union entre les deux pôles complémentaires de l’être, l’esprit et la matière, cette dernière étant constituée du binôme corps-âme.
Dans la tradition taoïste, cette énergie vitale, qui résulte de la rencontre entre le Ciel et la Terre, est aussi appelée wu, un mot qui peut revêtir plusieurs significations telles que substance, force interne ou force spirituelle.
Ainsi unifiés, les deux pôles complémentaires de l’être forment une unité énergétique, qui se manifeste sous la forme du wu.
Concrètement, la présence de cette énergie vitale densifie la présence de l’être à un point tel que l’une et l’autre finissent par se confondre, dans un mouvement fluide et conscient. Dans ces conditions, tel que nous l’enseigne la doctrine taoïste, l’être ne fait plus qu’un avec wu et entre alors dans le « non agir », wu wei, en phase avec le Tao.
« L’esprit et le corps s’intègrent mutuellement pour unifier le Soi et son environnement. C’est par cette forme, qui dans la Chine ancienne était nommée “symbiose” – un processus par lequel l’esprit et le corps se confondent avec le Dao – qu’un champ infini de possibilités s’ouvre à nous dans le traitement et la prévention des maladies, ainsi que dans le développement de notre potentiel latent [8]. » Yu Yongnian
L’état christique
Lorsque l’être est animé par cette énergie et qu’il l’oriente selon la Volonté divine, il est individué ; il ne fait plus qu’un avec son Double lumineux ; il a réintégré son état primordial édénique ; il est « parfait comme le Père est parfait » ; il est véritablement lui-même ; il est… christique !
« Celui qui croit [9] en moi, selon ce que dit l’Ecriture, des fleuves d’eau vive découleront de son ventre. » Jean 7:38
Le Christ n’est évidemment pas réduit au personnage de Jésus. C’est un état d’être qui est potentiellement en chacun d’entre nous, comme en témoigne cette phrase de l’Évangile de Jean : « Que tous ils soient un, dit le Christ, comme vous, mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous, qu’eux aussi ils soient un en nous… Qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux, et vous en moi, qu’ils soient consommés en un [10]. »
Pour qu’un être incarne le Christ, il doit impérativement être aligné sur la lumière spirituelle et faire ainsi la Volonté divine, le Bien suprême. Autrement dit, il doit avoir transcendé la « connaissance du bien et du mal » et orienter l’énergie vitale qui lui est donnée, de manière… juste.
L’énergie vitale, en elle-même, est neutre. Elle s’offre inconditionnellement à toute personne sachant comment la produire à partir de son centre, même si cette personne est mal intentionnée et qu’elle va se servir de la force prodiguée par cette énergie pour nuire aux autres et servir des intérêts strictement égoïstes.
Dans son ouvrage Hara, centre vital de l’homme, Karlfried Graf Dürckheim a parlé de cette catégorie de personnes faisant usage de cette force naturelle à mauvais escient : « la force dont ils disposent grâce au hara et qui, à l’origine, se situe au-delà du bien et du mal, devient funeste lorsque le moi égoïste et despotique s’en empare et se pose en rival de l’Être divin [11]. »
L’état d’être christique est symbolisé par le caducée d’Hermès, dont il a été question dans le cours 12. Le bâton y représente, symboliquement, le tuteur de l’âme, la lumière spirituelle, c’est-à-dire la moralité de l’Esprit, synonyme de Bien suprême et de Volonté divine. Quant aux deux serpents enroulés en forme de spirale autour du bâton, ils représentent le double courant (ascendant-yang et descendant-yin) de l’énergie vitale, dont le mouvement est parfaitement équilibré, maîtrisé, ordonné, harmonisé, par la lumière spirituelle.
Tant que les forces vitales s’expriment de manière chaotique à l’intérieur de l’être, celui-ci ne peut exprimer son potentiel christique, quand bien même la quantité d’énergie vitale dont il dispose serait très importante [12]. Il faut donc comprendre que l’énergie vitale ne devient christique que lorsqu’elle est canalisée avec justesse par une conscience pure, alignée sur la Volonté divine, celle du pur Esprit.
À la lecture de tout cela, vous comprendrez pourquoi j’ai autant insisté sur l’importance de l’ouverture du cœur par l’entraînement à la « bienveillante neutralité » de la conscience, avant d’avoir abordé la connaissance liée au hara.
Sur la voie spirituelle, ce qu’il importe de faire en premier lieu est de purifier la conscience, afin qu’elle devienne transparente à la lumière spirituelle et que, se laissant inspirer par cette dernière, elle puisse orienter l’énergie vitale avec justesse.
Sans ce travail de purification préalable, le hara peut être développé, bien entendu, mais il y a un risque que l’énergie vitale soit orientée sur la base d’intentions purement égotiques, intéressées, ce qui est karmiquement d’autant plus impactant que les pensées, les paroles et les actes seront « portés » par cette énergie puissante.
Je rappellerai à ce titre la sagesse du maître Hamsananda : « Il faut d’abord équilibrer Amour et Connaissance, par le travail sur le cœur (anāhata chakra) et sur le centre ājnā. Mais à un moment donné, il faut aussi travailler les bases : manipūra, swādhisthāna et mūlādhāra. Même sans aller loin, il est bon de faire un travail au niveau de ces chakras [inférieurs, N.d.A.], ce qui favorise une stabilité et une plus grande maîtrise physique et psychique, mais seulement si ce travail est fait dans les conditions requises, après que l’on se soit convenablement purifié [13]. »
Quelques citations à méditer
« À l’écoute du mythe de la chute, nous comprenons que notre expérience terrestre est nécessaire à la reconquête de la primauté de notre première nature. »
« Où que nous regardions, le péché d’Éden se confirme être un refus d’incarnation. » Annick de Souzenelle
« La force donnée par l’enracinement dans le centre originel est un facteur déterminant de la confiance que l’homme a en lui-même et en la vie. »
« Le passage à l’attitude caractéristique du hara signifie le passage d’un état de tension et de méfiance à un état de confiance sereine. »
« Celui qui est ancré dans son centre ressent bientôt avec étonnement non seulement une détente physique dans le haut du corps, mais également une transformation de tout son être enfin libéré d’une longue captivité. »
« L’homme qui possède le hara ne s’épuise pas. Plus il apprend à s’ancrer dans le hara, plus il est à même de venir à bout des troubles somatiques et psychiques provoqués par le Moi existentiel et plus il parvient à laisser passer les forces régénératrices venant du “fond”. »
« L’homme refait sans cesse l’expérience du bonheur et de l’étonnement qui le saisit lorsque, se sentant impuissant devant une situation embarrassante, il lui vient soudain, sans qu’il sache pourquoi, un sentiment de puissance intérieure, sentiment qui apparaît dès qu’il a le courage de “lâcher” cette tension crispant le haut du corps caractéristique d’un Moi inquiet, toujours en quête de sécurisation et ne connaissant que le pouvoir de la volonté, et qu’il ose “s’installer” avec confiance dans le centre. » Karlfried Graf Dürckheim
Pratique
Le hara se situe dans le bas-ventre, 3 à 4 centimètres sous le nombril, en direction de la colonne vertébrale, à l’endroit où les chinois localisent le « dantian inférieur ». Attention à ne pas confondre ce centre vital avec le second chakra, swādhisthāna, qui est quant à lui situé quasiment au même niveau, mais plus en retrait, à l’intérieur de la colonne vertébrale (au sommet du sacrum, raison pour laquelle ce chakra est également appelé « chakra sacré »), même si l’on peut considérer que ces deux centres énergétiques sont très étroitement liés.
Le hara est également lié aux reins et aux glandes surrénales qui les coiffent. Or, selon la médecine chinoise, l’émotion « peur » est en lien avec les reins. Si l’émotion de peur a pour effet de réduire l’énergie vitale (appelée qi par les chinois), l’inverse est tout aussi vrai, à savoir que plus l’énergie vitale circule abondamment à l’intérieur de l’être, moins il est sujet à la peur. En d’autres termes, moins on a d’énergie, plus on a peur, et inversement, et cela vaut tout particulièrement pour la peur psychologique. C’est la raison pour laquelle l’individu dont le hara est développé, regorgeant d’énergie vitale, dégage une assurance et une sérénité à toute épreuve. L’énergie vitale diffusée à partir de son hara lui confère force, stabilité et confiance, états qui sont à l’opposé de l’état d’anxiété chronique que ressent la personne dont l’attention est sans cesse accaparée par les pensées produites par la structure mentale.

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Chapitres supplémentaires :
- Exercice : la posture de la porte des Hommes
- Exercice : la pratique de l’assise
- Exercice : présence au hara
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[1] En plus de la lutte ou de la fuite, il existe une troisième forme de réaction face à une menace, qui est la sidération ou l’inhibition. Certains individus peuvent se trouver figés, bloqués, incapables de réagir, dans un état de « flou » psychologique de nature hypnotique. Cet état se reconnaît au regard vide des personnes qui s’y trouvent bloquées, qui semblent temporairement « absentes ».
[2] Le Symbolisme du corps humain, Éditions Dangles, 2005, p. 173.
[3] À ce propos, je rappelle la célèbre formule hermétique : « visite l’intérieur de la terre, en rectifiant tu découvriras la Pierre cachée. » Visiter l’intérieur de la terre, c’est aller au cœur de soi-même ; rectifier, c’est convertir l’attention et transmuter les énergies de manière à découvrir la « pierre cachée », qui n’est autre que la conscience « dévoilée », éveillée, christique.
[4] Est-il utile de rappeler que l’acceptation dont il est question n’est pas synonyme de licence absolue qui nous rendrait esclave de nos pulsions, mais de lâcher-prise, dans la vigilance, grâce à quoi l’énergie peut circuler tout en étant canalisée, orientée, par l’être maître de lui-même, aligné sur la Volonté divine en lui.
[5] La « porte des Hommes » marque l’entrée dans les « petits mystères », qui correspondent à l’œuvre au noir et à l’œuvre au blanc alchimiques. Ce sont, respectivement, les phases de la décomposition et de la purification. S’en suit le passage d’une seconde porte, appelée la « porte des Dieux ». L’être qui passe cette seconde porte « symbolique » entre dans l’œuvre au rouge alchimique, étape de la transcendance de l’individualité régénérée. Cette seconde porte correspond à la « porte étroite » des Évangiles.
[6] Cette plaque de cuivre aurait été retirée du centre du labyrinthe en 1792, pour la fondre et en faire des canons. On peut encore aujourd’hui y apercevoir les rivets d’acier qui permettaient de la maintenir en place.
[7] Ma Vie, Éditions Gallimard, 1991, p. 457.
[8] Zhan Zhuang, l’art de nourrir la vie, Éditions Svenja Brard, 2015, quatrième de couverture.
[9] « Croire » en Jésus Christ ne signifie pas, comme l’affirment certains chrétiens, qu’il faille s’en remettre exclusivement à lui et rejeter toutes les autres doctrines de toutes les autres religions, ou de tous les autres sages, prophètes ou philosophes. Cela signifie qu’il faut avoir foi en ce qu’il dit et mettre en pratique son enseignement qui concerne en premier lieu la conversion intérieure, la métanoïa. Cet enseignement, dans ses fondements, n’est d’ailleurs pas différent de l’enseignement des autres grands Instructeurs spirituels, toutes traditions confondues. Voir les cours 37 et 38.
[10] Jean 17:21-23.
[11] Éditions Le Courrier du Livre, 1976, pp. 66-67.
[12] Comme l’a écrit Karlfried Graf Dürckheim : « La force magique de certains guérisseurs spirituels, des orateurs célèbres et des dictateurs, la capacité de résistance et la supériorité des grands politiciens ne peuvent s’expliquer que par l’existence du hara. » (Ibid, p. 66). Je précise que chez ces personnes-là, le plus souvent, le hara est naturellement développé, sans qu’ils aient dû s’y exercer.
[13] La Voix de Lumière, Éditions Albin Michel, 1988, pp. 164-165.
- Dernière mise à jour : 23 janvier 2025
- 10:22
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