Le Cours du Vivant

Cours n°26 - Le son sacré Om
Le son sacré Om
Théorie
Parmi les techniques ayant pour but de mener à l’Éveil spirituel, il en est une que l’on retrouve dans toutes les grandes traditions. Il s’agit de la répétition consciente de formules plus ou moins longues composées d’un ou plusieurs « mots de pouvoir », symbolisant le Nom de Dieu, Son Verbe, des aspects ou des qualités de Celui-ci. Dans les traditions d’Orient – le bouddhisme et l’hindouisme en particulier –, cette technique occupe une place très importante et les formules en question y sont appelées des mantras.
Le mot « mantra » est composé de « MAN » et de « TRA ». En sanskrit, « MAN » fait référence à la conscience mentale (manas) et au fait de penser (manana), alors que « TRA » vient du mot trâna, qui signifie l’action ou la dynamique qui sauve de la souffrance. « Mantra » renferme donc la possibilité de la libération spirituelle obtenue par l’intermédiaire du mental, en l’occurrence sa focalisation sur des formes-pensées spécifiques.
Un mantra est composé d’un ou plusieurs bīja ou « sons-semence » (bīja veut dire « graine » en sanskrit), ce qui nous renseigne sur la fonction même du mantra, qui est d’ensemencer, en la psyché, la vibration dont le ou les bīja sont porteurs.
La répétition concentrée de ces formules sacrées est à elle seule une voie de Réalisation spirituelle, appelée dans cette tradition Japa [1] Yoga ou Mantra Yoga.
Dans la tradition chrétienne, cette « science du Verbe » a pour équivalent l’« oraison » et dans la tradition musulmane elle est connue sous le nom de « dhikr [2] ».
Il ne s’agit pas tant d’une prière au sens où on l’entend habituellement, soit une demande adressée à Dieu par l’ego dans un rapport de dualité évident, mais d’une incantation ou invocation, à savoir un « appel à soi » d’une puissance spirituelle à même de produire une vibration capable d’illuminer la « matière psychique » de l’âme, en vue de sa purification, sa régénération, sa transmutation, donc de son éveil.
Le Son primordial
Dans l’hindouisme et le bouddhisme, la formule mantrique la plus connue et aussi la plus utilisée est le monosyllabe Om. Parmi les milliers de mantras connus dans ces deux traditions, le Om est considéré comme le « Son primordial » et comme la « mère » de tous les mantras, en raison du fait qu’il porte en lui l’essence de tous les autres mantras, dont il est, par conséquent, la vibrante synthèse.
Par ailleurs, il est aussi le symbole par excellence du Verbe créateur, qui est le Logos dont toutes les grandes traditions parlent également, et qui représente l’acte créateur à l’origine du cosmos. Voici la calligraphie de ce « son-semence » sacré :

Il existe plusieurs manières d’interpréter le symbolisme inhérent à la calligraphie sanskrite du Om. On peut par exemple considérer que le point situé au sommet du symbole représente l’Absolu, l’Esprit ou le Soi. La courbe située juste au-dessous du point est à l’image de la conscience individuelle, qui doit s’ouvrir et devenir « conscience-coupe », c’est-à-dire réceptive à l’influence spirituelle de l’Absolu en soi.
La conscience individuelle délimite également la frontière entre le conscient et l’inconscient, qui est donc représenté par les nombreuses courbes situées au-dessous de l’arc de cercle qu’elle forme.
Cette partie inférieure du symbole Om est à l’image de la partie immergée d’un iceberg. C’est l’inconscient de l’être, ses « ténèbres intérieures », qu’il ne voit pas mais qui l’influencent la plupart du temps.
Ainsi, on peut considérer que le symbole Om représente l’être dans ses différents états de conscience : « chaque courbe, chaque résonance harmonique nous guident dans les différents états intermédiaires que nous traversons, de l’éveil au rêve et au sommeil profond. Ces différents paliers élèvent l’âme jusqu’à son idéal de perfection symbolisé par le point qui éclaire ces trois états [3]. »
Verbe créateur et symbole
L’intérêt de la récitation du Om est de reproduire, au niveau de ce microcosme qu’est l’individualité humaine, le processus de création à l’origine du cosmos, tel qu’il est décrit dans le premier chapitre du Livre de la Genèse, en ces termes :
« La terre était informe et vide ; les ténèbres couvraient l’abîme, et l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit : “Que la lumière soit !” et la lumière fut [4]. »
Ce commandement divin exprimé par « Que la lumière soit » (Fiat Lux, en latin) est ce qu’on appelle le Verbe créateur. C’est à ce Verbe créateur que saint Jean fait référence dans le prologue de son Évangile, lorsqu’il écrit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement en Dieu [5]. »
Avant ce commencement, il n’y a rien, il n’y a que le vide, les ténèbres informelles, aucune création. Le Verbe créateur est donc le point de départ, le Son primordial prononcé par Dieu et dont la résultante immédiate est la toute première manifestation : la lumière spirituelle.
Dans la tradition orientale, ce Son primordial ou Verbe créateur à l’origine du rayonnement lumineux de l’Esprit, c’est le son sacré Om. Cela est exprimé dans les Upanishad, sous cette forme : « Avant que ne se manifeste le monde de la matière, seul existait le Dieu suprême, qui est l’Un non duel. En surgit l’impersonnel Brāhman. De celui-ci surgit la syllabe Om. De celle-ci surgit l’Intelligence cosmique, Mahat Tattva [6]. »
Il y a donc parfaite concordance entre la tradition védique et la tradition hébraïque : Brāhman correspond à « l’Esprit de Dieu se mouvant au-dessus des eaux », le Verbe créateur (« Que la Lumière soit ») correspond au Son primordial Om, et la lumière spirituelle correspond à Mahat-Tattva (ou Buddhi), qui équivaut au Saint-Esprit des chrétiens.
Grâce au rayonnement lumineux de l’Esprit de Dieu engendré par Son propre Verbe créateur (le Om primordial), les ténèbres sont illuminées, et de cette illumination résulte « l’ordre » sous la forme du cosmos, selon une devise maçonnique bien connue : ordo ab chao.
Dans l’hindouisme, on considère aussi que c’est grâce à ce Son primordial que l’univers aurait été créé et structuré sous la forme du cosmos, mot issu du grec ancien qui signifie précisément « ordre » (de l’univers).
Illumination des ténèbres intérieures
Ce processus de création décrit ici au niveau macrocosmique, peut être transposé au niveau microcosmique. Le rayonnement de la lumière spirituelle permet l’illumination des ténèbres intérieures et, par-là, leur transmutation, créant là aussi l’ordre à partir du chaos, autrement dit l’harmonie et l’équilibre au sein de l’être.
Pour que la lumière spirituelle puisse ainsi pénétrer la réalité intérieure de l’être, il faut que sa conscience soit ouverte, réceptive, et cette ouverture s’opère grâce à la concentration de l’attention sur la répétition du Om.
Dans cet état d’absorption de la conscience ainsi focalisée sur le mantra Om, la fréquence cérébrale du cerveau passe en mode alpha, et l’inconscient, lieu des ténèbres intérieures, devient perméable à l’influence de la lumière spirituelle, « appelée » à soi par la répétition concentrée sur le Om.
Lorsqu’elle entre au contact du chaos interne de l’individualité, la lumière spirituelle produit un reflet du Verbe divin, comme un fragment de ce dernier, vibration lumineuse, christique, capable de transmuter le chaos interne de l’âme vivante en ordre, en harmonie et en équilibre.
Je précise toutefois bien que le Om répété mentalement par l’être qui s’adonne à cette pratique n’est pas identique au Verbe créateur prononcé par Dieu à l’origine du processus de création cosmogonique, mais son symbole.
« Le mantra est à la fois un symbole, un instrument et un son support de la manifestation divine. […] L’emploi védique du mantra n’est qu’une utilisation consciente de cette puissance secrète du Verbe. » Srī Aurobindo
Il ne faut pas confondre le symbole avec « ce » qu’il symbolise. Le symbole établit simplement un pont, une résonance pourrais-je dire également, qui le relie, par analogie, à l’essence de ce qu’il symbolise.
Comprenez par là que tout symbole met en lien avec ce qu’il symbolise et que c’est là sa fonction première.
Le Verbe créateur étant de nature informelle, il ne peut être appréhendé par la conscience mentale, à la différence du symbole qui appartient au monde de la forme.
De même, l’homme n’est pas Dieu Lui-même, mais ayant été créé à Son image [7], il en est le vivant et vibrant symbole. Il peut donc se mettre en résonance avec Dieu, par l’intermédiaire de sa propre conscience mais aussi du Om, afin de réaliser l’illumination de son chaos interne.
Pour reprendre la terminologie du Cours du Vivant, la répétition du Om a le pouvoir de transmuter nos ténèbres intérieures, ce que je nomme le « double ombrageux » (ou la « nature inférieure »), en vue de révéler la présence du « Double lumineux, le Christ en soi.
Différence entre Om et Aum
Il n’existe pas de différence fondamentale entre Om et Aum. Il s’agit simplement d’une question de translitération. C’est la raison pour laquelle le fait de répéter Om ou Aum produit les mêmes effets, pour autant toutefois que cette répétition soit consciente, c’est-à-dire que l’on répète ce mantra sacré en ayant conscience de ce que cette répétition génère en soi-même (dans la conscience individuelle et donc aussi dans l’entièreté de la psyché et du corps physique auxquels cette conscience est intimement reliée), soit la vibration du prāna [8] dans sa nature la plus subtile, la plus lumineuse et la plus essentielle, faisant de la conscience ainsi positionnée par sa concentration, une véritable pierre philosophale capable de transmuter (au sens de faire évoluer) potentiellement toute matière.
Certains auteurs préfèrent écrire Aum plutôt que Om dans la mesure où les trois lettres A, U et M revêt une importance symbolique. Traditionnellement, elles sont associées aux trois niveaux de conscience principaux de l’être humain : « A » pour la conscience de veille qui correspond à la conscience subjective du monde extérieur, « U » pour la conscience durant les rêves qui est la conscience de notre réalité intérieure, et « M » pour la conscience du sommeil profond, qui est la conscience indifférenciée, non-duelle, pour laquelle la distinction « sujet-objet » n’existe plus.
D’autres interprétations sont toutefois possibles : « Tout est contenu dans le Om, et sa division tripartie en AUM nous ramène au principe de vie basé sur trois phases successives de création, de conservation et de dissolution. Mais le simple effeuillage sémantique du son AUM est une offrande des lettres symboliques aux divinités Brahma (A), Vishnu (U) et Shiva (M). Tout ce qui est connu et inconnu s’exprime dans le Pranava Om, tout autant que ce qu’il révèle par AUM, une cadence de trois lettres qui s’accordent avec nos corps subtils ou la subtilité du placement de la voix : dans l’arrière-gorge (A), dans la cavité buccale (U) et au niveau des lèvres fermées (M) [9]. »
Parallèle entre le Christ et le Om
La lumière spirituelle produite par le Verbe créateur, est ce que la tradition chrétienne appelle le Saint-Esprit. Selon cette même tradition, nous savons que le Christ est né de l’union entre le Saint-Esprit et la Vierge. Or, nous savons aussi qu’il est assimilé au Verbe, au Logos. Toutefois, en vérité, il n’est pas le Verbe créateur, total et universel connu en tant que le Fiat Lux de la Genèse, mais il est son reflet, son symbole, au niveau cosmique (macrocosme) et au niveau individuel (microcosme [10]), ce qui en fait un Verbe individualisé, un « Verbe fait chair ».
Sur le plan du microcosme, ce Christ, qui est la vibration lumineuse à même d’ordonner notre chaos interne, c’est le « souffle vital », le prāna [11]. Cela signifie qu’en récitant correctement [12] le Om, nous produisons dans notre propre conscience, symboliquement, le Verbe, qui illumine cette dernière et la rend christique.
« Le rôle du mantra est de créer dans la conscience intérieure des vibrations qui la préparent à la réalisation de ce que le mantra symbolise et est censé porter en soi. » Srī Aurobindo
L’analogie entre le Verbe créateur et son reflet sur le plan microcosmique en tant que le Christ, a été expliquée ainsi par René Guénon :
« Par l’opération de l’Esprit, projetant le Rayon Céleste qui se réfléchit à travers le miroir des Eaux, au sein de celles-ci est enfermée une étincelle divine, germe spirituel incréé, Verbe fragmentaire, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui, se développant pour s’identifier en acte au Verbe total, auquel il est en effet identique en puissance, réalise dans son expansion le parfait épanouissement de toutes les possibilités de l’être. Ce principe divin involué dans les êtres, c’est le Verbe Rédempteur, Christos, “conçu du Saint-Esprit et né de la Vierge Marie” ; c’est Agni se manifestant au centre [13] du swastika [14]. »
Dans une autre étude, le même auteur nous explique que le Nom divin Om (ou Aum) était jadis utilisé par les chrétiens comme emblème du Christ :
« Ce nom se retrouve même, d’une façon assez étonnante, dans l’ancien symbolisme chrétien, où, parmi les signes qui servirent à représenter le Christ, on en rencontre un qui a été considéré plus tard comme une abréviation d’Ave Maria, mais qui fut primitivement un équivalent de celui qui réunit les deux lettres extrêmes de l’alphabet grec, alpha et ôméga, pour signifier que le Verbe est le principe et la fin de toutes choses ; en réalité, il est même plus complet, car il signifie le principe, le milieu et la fin. Ce signe se décompose en effet en AVM, c’est-à-dire les trois lettres latines qui correspondent exactement aux trois éléments constitutifs du monosyllabe Om (la voyelle O, en sanscrit, étant formée par l’union de A et de U). Le rapprochement de ce signe Aum et du swastika, pris l’un et l’autre comme symboles du Christ, nous semble particulièrement significatif au point de vue où nous nous plaçons. D’autre part, il faut encore remarquer que la forme de ce même signe présente deux ternaires disposés en sens inverse l’un de l’autre, ce qui en fait, à certains égards, un équivalent du “sceau de Salomon” : si l’on considère celui-ci sous la forme où le trait horizontal médian précise la signification générale du symbole en marquant le plan de réflexion ou “surface des Eaux”, on voit que les deux figures comportent le même nombre de lignes et ne diffèrent en somme que par la disposition de deux de celles-ci, qui, horizontales dans l’une, deviennent verticales dans l’autre [15]. »
Le Christ est le symbole de Dieu [16], et en tant que symbole, il est à l’image parfaite de ce qu’il symbolise, à savoir Dieu Lui-même. Il fait donc sens d’associer le Om au Christ puisque celui-ci est à l’image du Verbe créateur, lequel est Dieu Lui-même (selon Saint Jean). En tant que symbole vivant et vibrant de Dieu, le Christ reflète et véhicule le Verbe créateur dans le monde manifesté. Mais le Christ ne doit pas être confondu avec Dieu, car le symbole n’est pas « ce » qu’il symbolise, comme nous l’avons vu. Le Christ n’est « que » le reflet du Verbe créateur qui le dépasse infiniment, ce qui ne l’empêche pas de s’identifier à Lui en vertu de la loi de l’analogie et de proclamer « Moi et le Père nous sommes un [17] ».
C’est ce que beaucoup de chrétiens parmi les plus fanatiques n’ont jamais compris et ne comprendront sans doute jamais, trop attachés qu’ils sont à cette idée qu’il suffit de croire en « Jésus-Christ Seigneur Dieu Tout-Puissant » pour être sauvé, ce qui est bien arrangeant pour eux puisqu’ils peuvent ainsi, croient-ils, se dispenser des efforts à fournir pour se libérer de leurs illusions et pour grandir dans la maîtrise et la connaissance de soi-même, ce qui démontre tout le paradoxe d’une telle idéologie, puisqu’à travers elle ils empêchent le Christ en tant que Principe universel de se développer en eux-mêmes. En outre, en défendant avec virulence la croyance en le fait que Jésus est Dieu Lui-même, ces individus ne se rendent pas non plus compte qu’ils réduisent Dieu à son symbole et qu’en l’adorant comme tel, ils versent dans l’idolâtrie.
Le Principe christique, ou Verbe Rédempteur, est le « Verbe fait chair », qu’il ne faut pas voir comme Dieu et encore moins comme une entité extérieure à soi, mais comme un Principe vital potentiellement présent en nous-mêmes à l’état de germe spirituel, que nous sommes amenés à développer pleinement par nos propres efforts sur nous-mêmes ; les efforts en question étant ceux que nous accomplissons pour nous placer dans le juste positionnement intérieur et ouvrir ainsi notre conscience à l’influence de la lumière de l’Esprit.
C’est la dynamique spirituelle du juste effort sur nous-mêmes qui rend possible cette ouverture par laquelle la lumière spirituelle peut nous remplir de son essence et illuminer notre individualité, produisant l’éveil du Christ en soi.
C’est ce Principe christique qui dit, dans le texte de l’Apocalypse : « Je suis l’alpha et l’ôméga [18]. » Il est intéressant de relever à ce propos que les lettres grecques alpha et ôméga se prononcent ensemble AÜM, et que l’équivalent de AUM chez les hébreux, c’est le mot AMEN, mot qui « synthétise tout le message de l’Apocalypse [19] » et qui renferme par conséquent la symbolique du dévoilement ou de la révélation (sens du mot « apocalypse »). Ce rapprochement fait d’autant plus sens que l’on sait que la révélation dont il est question est celle du Christ, et que la répétition du Om a précisément pour effet de rendre la conscience perméable à l’influence de l’Esprit pour en développer la nature supérieure, christique.
Comme l’a très justement expliqué Marie-Madeleine Davy : « Le om par exemple ou l’amen ne sont pas de simples formules. Ces termes sont adhésion, consentement. Modulés, “tenus” plus ou moins longuement, ils correspondent au feu consumant, à la splendeur de la lumière. Quand tout a été dit, il n’y a plus rien à ajouter. Ce qui prolonge l’om ou l’amen c’est la vie intensifiée qui s’écoule de cet accord donné. Le “Oui” est permanent, et il est aussi un accord offert à ce qui était, ce qui vient et ce qui viendra [20]. »
Équanimité et répétition du Om
La répétition du Om est intéressante dans la mesure où elle permet l’imprégnation du subconscient par la puissance du Verbe, qui peut alors en réaliser la transmutation et donc l’illumination, la purification.
Cette pratique permet de gagner un temps considérable car il n’est pas besoin d’attendre que les événements de la vie quotidienne fassent remonter les éléments chaotiques emprisonnés dans le subconscient pour opérer le travail d’accueil conscient de ces éléments. En effet, la puissance spirituelle symbolisée par le Om va directement pénétrer le subconscient pour en réaliser la mise en lumière.
Ceci dit, la maîtrise de soi, par la vigilance et le lâcher-prise, reste de rigueur, car cette apocalypse intérieure, au cours de laquelle les ombres sont mises en lumière, nécessite qu’on y soit entièrement présent, au risque sinon de s’identifier à la structure mentale et de rejeter cette sortie de l’ombre qui s’opère sous nos yeux, et qui est forcément désagréable pour l’ego.
En effet, la répétition appliquée du Om est un accélérateur qui n’est pas sans générer quelques remous internes, qu’il faut en effet pouvoir accueillir dans le juste positionnement intérieur.
Cette mise en garde est très importante, car sans l’équanimité, la répétition du Om ne peut pas porter ses fruits puisque dans ce cas, lorsque les éléments ombrageux remontent au conscient, ils sont à chaque fois réprimés par le réflexe conditionné de refus de la conscience identifiée à la structure mentale (le propre de celle-ci étant soit de s’attacher à l’agréable, soit de rejeter le désagréable).
J’ai personnellement connu une dame qui avait passé plusieurs années de sa vie à pratiquer des ascèses rigoureuses du Om. Elle en était, selon ses propres dires, à une centaine de millions de répétitions, ce qui est un nombre tout à fait exceptionnel, témoignant d’une grande régularité dans sa pratique du Japa Yoga. Mais malgré cela, cette dame avait un double ombrageux encore, disons… « hyperactif », alors que plusieurs années d’une pratique telle que la sienne aurait dû lui permettre d’atteindre un haut degré de purification et de paix intérieure, ce qui était loin d’être le cas, son état de santé psychologique et physique s’étant même dégradé au fil des ans. Le problème est que cette dame, non seulement pratiquait globalement de manière machinale, mécanique (c’est-à-dire sans mettre ni conscience, ni attention, ni intention), mais aussi et surtout sans se donner les moyens d’accueillir les soubresauts émotionnels et conflits intérieurs que son ascèse lui faisait revivre. Durant toutes ces années, elle n’a donc pas pu profiter de la catharsis psychique et du phénomène naturel d’abréaction engendré par sa pratique. Ce processus aurait pu se dérouler normalement si elle avait été totalement présente, dans l’accueil équanime des sensations émotionnelles comme de la souffrance apparue en réaction à ces sensations.
Comme l’a spécifié le maître Hamsananda : « la répétition rythmique du mantra désagrège les éléments négatifs du subconscient, établit en nous un rythme intérieur. Celui-ci achève d’annihiler les résistances de notre être à la progression dans le sentier de l’évolution accélérée. […] Cette transformation de notre nature ne s’opère pas sans douleur. La Divine Énergie, travaillant en nous, tend à chasser les laideurs, les immondices, les éléments médiocres accumulés en nous et correspondant à l’ombre de notre individualité, antithèse de la lumière du Moi Suprême, cachée dans notre cœur. […] Des remontées du subconscient s’opèrent. Leur force, leur ampleur, leur fréquence dépendent de notre degré de purification, de détachement [21] de l’ego, de notre libération de l’illusion du monde phénoménal [22]. »
Lorsque la répétition du Om est pratiquée régulièrement et dans les règles établies par le Japa Yoga, avec en parallèle la recherche de l’équanimité pour permettre à la catharsis psychique favorisée par cette pratique de se dérouler harmonieusement, les conditions sont alors réunies pour avancer de façon sûre et avec efficacité sur la voie spirituelle.
Quelques citations à méditer
« Dans l’Âge Sombre que nous traversons, la répétition du Nom du Seigneur est en elle-même le moyen le plus efficace de gagner l’autre rive. » Râmakrishna
« Invoquez Son Nom, méditez sur Lui, qu’Il soit constamment présent à votre esprit. » Mā Ananda Moyī
« Dieu se révèle à ceux qui récitent Son Nom. Il ne peut résister à notre appel. Il n’est pas de barrière entre Lui, et celui qui récite Son Nom. » Auteur inconnu
« Dans l’Inde, nous croyons fermement que le mantra n’est pas autre chose que la Divinité en personne… Le mantra est le corps spirituel de la Divinité. » Siddheswarānanda
« L’emploi védique du mantra n’est qu’une utilisation consciente de cette puissance secrète du Verbe. » Sri Aurobindo
« Le Japa Yoga est le moyen le plus facile, le plus rapide, le plus certain, le plus sûr et le meilleur marché pour atteindre la réalisation de Dieu. Gloire au Seigneur ! Gloire à Son Nom ! » Hamsananda
Pratique
Traditionnellement, la répétition du son sacré Om s’effectue à l’aide de ce que les bouddhistes appellent un mala. Ce « chapelet d’Orient » doit comporter exactement 109 grains, dont un généralement plus gros que les autres, symbolisant Dieu (l’Esprit, le Soi ou l’Absolu, selon la terminologie utilisée), comme avec cet exemple-ci. Le nombre « 108 » symbolise la multitude des composantes de l’être, situées à la fois sur les plans physique, psychique et spirituel.
Le fil qui relie l’intégralité des grains symbolise quant à lui le rayon lumineux jaillissant de l’Absolu (le 109e grain, symbolisant l’Esprit) et traversant toutes les composantes en leur centre (le fil passe en effet par un trou situé au centre de chaque grain qui, coupé par la moitié donne le signe, qui symbolise donc l’un des multiples états ou composantes de l’être total). Ainsi, le mala fait office de symbole de l’être dans sa globalité, en tant qu’ensemble corps-âme-esprit. En touchant les 108 grains du mala les uns après les autres tout en répétant pour chacun d’eux un ou plusieurs Om de suite, c’est donc…

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Chapitres supplémentaires :
- Le symbolisme du mala
- Les bénéfices de la répétition du Om
- Précisions utiles pour la pratique
- Exercice : ensemencement du Om
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[1] Japa est un mot sanskrit signifiant précisément « répétition ».
[2] Dhikr est un mot arabe qui peut être littéralement traduit par « souvenir » ou « rappel ». Dans le contexte de l’islam et du soufisme également, c’est bien sûr le souvenir de Dieu que cette pratique cherche à raviver.
[3] Philippe Barraqué, Mantras de guérison, Éditions Guy Trédaniel, 2016, p. 42.
[4] Genèse 1:2-3.
[5] Jean 1:1-2.
[6] Gopala Tapaniya Upanishad II, 65.
[7] « Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu », Genèse 1:27
[8] Il est intéressant de faire remarquer que le Om est aussi appelé Prānava-mantra. Le fait que le mot prāna soit contenu dans Prānava démontre l’étroite relation qui lie le Om au souffle vital (prāna), l’un et l’autre étant porteur d’une seule et même essence, mais manifestée sur des plans différents.
[9] Philippe Barraqué, Mantras de guérison, Éditions Guy Trédaniel, 2016, p. 40.
[10] Pour reprendre les expressions de certains auteurs, c’est la différence entre le « Christ cosmique » (macrocosme) et le « Christ intérieur » (microcosme).
[11] C’est ce même prāna, mais dans sa dimension cosmique, que nous pouvons capter dans l’atmosphère en l’inspirant consciemment.
[12] Voir le cours 26, chapitre « Précisions utiles pour la pratique ».
[13] La position centrale du swastika est occupée par le Christ, Verbe individuel, dont la présence fait office de foyer à partir duquel se diffuse la force vitale dans sa double polarité (yin et yang), à travers le corps, en forme de spirale.
[14] Le Symbolisme de la Croix, article paru dans la revue La Gnose, février à juin 1911.
[15] Le Roi du Monde, Éditions Gallimard, 1958, p. 34.
[16] Lire à ce sujet l’excellent article d’André Gounelle : https://cutt.ly/hwx4iPMG
[17] Jean 10:30.
[18] Apocalypse 1:8.
[19] Selon l’expression utilisée par Jean Marchal, dans son ouvrage L’Apocalypse de Jean, un message pour notre temps, Éditions Question de, 1987.
[20] L’homme intérieur et ses métamorphoses, Éditions Epi, 1974, p. 82
[21] Le détachement dont il est question fait ici référence à la faculté de se désidentifier des réactions conditionnées, karmiques, de la structure mentale, par l’accueil équanime des éléments psychiques sortis du subconscient.
[22] Réintégration divine par le Yoga, Éditions Albin Michel, 1978, pp. 251-252.
- Dernière mise à jour : 28 janvier 2025
- 14:12
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