Le Cours du Vivant

Cours n°13 - Les multiples formes de Yoga

Les multiples formes de Yoga

Théorie

Aux yeux de la grande majorité des Occidentaux, le Yoga est considéré à tort et de manière réductrice comme une simple technique de gymnastique douce agrémentée d’assouplissements. Dans la grande majorité des cas, c’est ainsi que les gens l’abordent, en « papotant » ou en « rêvassant » tout en accomplissant leurs postures machinalement, dans l’inconscience la plus totale du corps et des jeux d’énergie qui l’animent (ce qui est déjà mieux que de ne rien faire du tout, nous sommes bien d’accord…).

Cette technique aujourd’hui très répandue en Occident, lorsqu’elle est pratiquée dans les règles de l’art, est en vérité le Hatha Yoga, qui n’est que l’une des multiples formes de Yoga telles qu’elles sont connues et pratiquées depuis plus de deux millénaires en Inde.

Qu’est-ce que le Yoga ?

Le Yoga est l’une des six grandes écoles philosophiques orthodoxes de l’Inde, appelées Darshanas, dont font partie également le Vedānta et le Sāmkhya, cette dernière étant traditionnellement considérée comme complémentaire au Yoga.

Selon l’auteur roumain Mircea Eliade : « Étymologiquement, le terme Yoga dérive de la racine yuj, “lier ensemble”, “tenir serré”, “atteler”, ”mettre sous le joug”, qui commande aussi le latin jungere, jugum, l’anglais yoke, etc. Le vocable Yoga sert en général à distinguer toute technique d’ascèse et toute méthode de méditation. Évidemment, ces ascèses et ces méditations ont été valorisées différemment par les multiples courants de pensée et mouvements mystiques indiens [1]. »

Cette définition ne serait pas complète si je ne précisais pas que, en plus de désigner un ensemble de techniques, le Yoga désigne également le but que ces techniques permettent d’atteindre, soit l’union avec l’Esprit.

Selon Srī Aurobindo, l’un des grands sages de l’Inde : « Le but du Yoga est de pénétrer dans la Présence et Conscience divine et d’être possédé par elle, d’aimer le Divin pour le seul amour du Divin, d’être accordé dans notre nature à la nature du Divin, et d’être dans notre volonté, nos œuvres et notre vie l’instrument du Divin. Son but n’est pas de devenir un grand yogin ou un surhomme [2] (bien que cela puisse arriver) ni d’empoigner le Divin au profit de la puissance de l’ego, de son orgueil ou de son plaisir. Il n’a pas pour but moksha [3], bien que par lui la libération vienne, et que tout le reste puisse venir aussi, mais ce n’est pas à cela que nous devons viser. Le Divin seul est notre but [4]. »

De manière complémentaire à ces définitions, le terme Yoga peut aussi exprimer l’idée de réunir en un tout ordonné ce qui est séparé et chaotique, d’où les expressions « atteler » et « mettre sous le joug », comme on pourrait le faire avec des chevaux fous, ceux-ci symbolisant d’ailleurs parfaitement le caractère parfois chaotique des pensées et des émotions de l’ego.

Au même titre que le mot « religion », qui signifie « relier », le Yoga pourrait en ce sens qualifier l’état de l’être entièrement aligné sur la Volonté divine, libéré de l’intéressement personnel propre à l’ego.

Cependant, traditionnellement, le sens premier du Yoga est bien « union », l’union entre l’être et l’Esprit (le Soi). L’être qui atteint ce « degré » ultime de Réalisation spirituelle est appelé un Yogi.

Je précise à ce propos que l’instructeur qui enseigne les techniques de Yoga et l’adepte qui les pratique, même assidûment et avec sincérité, ne peuvent l’un comme l’autre légitimement se proclamer Yogis tant et aussi longtemps que cet état d’union parfaite n’aura pu être atteint.

Libération spirituelle et incarnation de l’Esprit

Pour reprendre des termes propres à l’hindouisme et au bouddhisme, le Yoga permet la « Délivrance » ou la « Libération » (Moksha), et l’extinction (Nirvāna) de la soif à l’origine de toute souffrance. En cela, le Yoga libère du cycle infernal des renaissances (samsāra), celles qui maintiennent l’être prisonnier des illusions inhérentes à la réalité apparente, celle du monde sensible.

Ce cycle infernal des renaissances est également nommé « transmigration » dans les deux traditions précitées. Il peut être vu comme le passage de l’être à différents états d’existence auxquels il s’identifie et s’attache, l’empêchant de réaliser la source de sa propre essence immanente et éternelle, l’Esprit qui siège en son cœur.

Soit dit en passant, le concept moderne de la « réincarnation » ne doit pas être confondu avec la transmigration des doctrines orientales, ni même avec le phénomène de métempsychose de Pythagore ou celui de métensomatose de Plotin. Ces notions sont abordées de manière plus approfondie dans les cours 39 et 40.

Comme l’a fait remarquer à plusieurs reprises Srī Aurobindo dans ses enseignements, la Libération spirituelle n’est pas le but ultime de la pratique du Yoga. Elle n’en est qu’une étape, à laquelle l’être ne doit pas se limiter.

D’après lui, si le Yoga (en tant que technique) vise dans un premier temps à libérer l’être de la vision séparative inhérente à l’ego en lui permettant d’unir sa conscience individuelle à l’Esprit, il doit ensuite permettre à ce dernier d’intégrer pleinement l’âme et le corps, ce qui correspond parfaitement aux deux étapes du Grand Œuvre alchimique, celle de l’œuvre au blanc et celle de l’œuvre au rouge [5] qui lui succède. Comme l’a dit Srī Aurobindo, le Yoga, dans l’absolu, « vise non seulement à nous faire passer de la conscience terrestre habituelle dans la Conscience divine, mais encore à faire descendre le pouvoir supramental de cette divine conscience ici-bas dans l’ignorance de l’intellect, de la vie divine dans la matière [6]. »

Il s’agit-là d’une allusion on ne peut plus claire à l’incarnation de l’Esprit qui, lorsqu’elle est accomplie, correspond à l’achèvement du Grand Œuvre alchimique, faisant de l’être une authentique « Incarnation divine », un avatar [7].

Yoga et religion

Comme je l’ai fait remarquer, en tant qu’il signifie « union », le Yoga n’est pas très éloigné de ce qu’est la « religion », qui veut dire « relier » (relier l’être humain à Dieu sur le plan vertical, et les êtres humains entre eux sur le plan horizontal).

Le Yoga n’est toutefois pas une religion, mais plutôt une voie de salut, une voie d’éveil, voire un art de vivre ou une philosophie de vie. Le but poursuivi par le Yoga est également celui des autres traditions, à savoir la recherche de la Délivrance.

C’est également l’avis de Jacques de Marquette : « La philosophie spirituelle du Yoga et ses méthodes conduisant à l’union sacrée sont en harmonie avec la grande tradition des doctrines hindoues du salut. Celle-ci enseigne que le but du salut ou union n’est point un objectif extérieur et éloigné, mais est un état immanent, latent au cœur de l’homme, tout comme le royaume de Dieu des Chrétiens. Il s’agit de le retrouver en dissipant l’erreur et l’ignorance qui entretiennent en l’homme l’idée qu’il est une entité limitée et séparée au lieu de comprendre qu’il est un aspect de la Réalité spirituelle universelle [8]. »

Le texte de référence reconnu comme étant la source autant que la synthèse de toutes les voies traditionnelles de Yoga est le Yoga Sūtras, rédigé entre le IIe siècle av. J.-C. et le Ve siècle apr. J.-C., sous la signature unique de Patañjali. Cependant, il existe également de nombreuses références au Yoga et à ses différentes formes et pratiques dans d’autres textes de la philosophie hindoue, comme la Bhagavad-Gītā ou les Upanishad.

Selon les sources, il est également dit que le Yoga a pour objectif la purification du subconscient (chitta) de toutes les impressions psychiques (samskāra) qui s’y trouvent enracinées et dont la tendance latente à se manifester (vāsanā) s’accompagne de la peur des conséquences de cette manifestation.

Ainsi, le Yoga ne poursuit pas exclusivement l’objectif d’une réalisation de l’Esprit en soi, mais aussi la transmutation alchimique de la matière psychique, subtile, de l’individu, en vue de l’épanouissement de l’âme et de la restauration de l’harmonie entre le corps, l’âme et l’esprit.

En d’autres termes, cela signifie que l’individu qui pratique l’une des différentes formes du Yoga peut en retirer des bienfaits pour sa vie, pour son équilibre physique et psychologique, sans pour autant aspirer à la transcendance, même si celle-ci tend naturellement à se réaliser chez celui ou celle qui pratique le Yoga avec régularité et justesse.

Je cite à ce propos Sandra Anderson : « Lorsque nous suivons systématiquement la voie de Yoga, il prend dans notre vie une importance profonde. Intérieurement, il nous permet d’agir conformément à nos besoins, à nos intentions et aux valeurs qui nous sont les plus chères. Extérieurement, il nous apprend à renforcer notre corps, à détendre et à équilibrer notre système nerveux [9] et à trouver la paix et la concentration sur un objet. En fin de compte, on dit que le Yoga mène à la réalisation directe de notre nature véritable [10]. »

Yoga et pouvoirs psychiques

Les différentes formes de Yoga favorisent le développement des facultés extrasensorielles et des pouvoirs psychiques, que les Orientaux appellent siddhis. Dans son livre Techniques du Yoga, citant le Sāmañña-Phala Sutta, Mircea Eliade dresse une liste non exhaustive des siddhis que le pratiquant peut acquérir, par sa volonté propre ou indépendamment de celle-ci, en conséquence naturelle de sa pratique :

« Étant un, il devient plusieurs, étant devenu plusieurs, il redevient un [11] ; il devient visible ou invisible ; il traverse, sans éprouver de résistance, un mur, un rempart, une colline, comme si c’était de l’air ; il pénètre de haut en bas à travers la terre solide, comme à travers l’eau ; il marche sur l’eau, sans s’y enfoncer, comme sur de la terre ferme ; il voyage, les jambes croisées et repliées sous lui, dans le ciel, comme les oiseaux avec leurs ailes [12]. La Lune même, et le Soleil, si forts, si puissants qu’ils soient, il les touche, et les sent avec la main ; il atteint, en restant dans son corps, même le Ciel de Brahma. Avec cette claire, céleste oreille surpassant l’oreille des hommes, il entend à la fois les sons humains et les sons célestes, fussent-ils loin ou près. Pénétrant avec son propre cœur les cœurs des autres êtres, des autres hommes, il les connaît. Avec son cœur ainsi serein, etc., il dirige et incline son intelligence vers la connaissance de la mémoire de ses existences précédentes [13]. »

Il pourrait sembler que cette liste soit sortie tout droit de l’imagination folle d’un auteur de science-fiction. Pourtant, avec un entraînement spécifique ou, plus rarement, de manière naturelle, de tels pouvoirs peuvent effectivement être manifestés. Je pourrais même en citer d’autres, non moins impressionnants, par exemple : allumer un feu à distance, faire apparaître un orage dans le ciel (ou le faire disparaître), ressusciter les morts, accélérer la croissance d’une plante ou d’une graine, se téléporter, déplacer des objets sans les toucher (psychokinèse ou télékinésie), créer une entité spirituelle ou psychique !

Même si cela ne court évidemment pas les rues, de tout temps, des êtres ont su développer de telles capacités à l’aide d’entraînements spécifiques. Il est connu que Jésus et Milarépa, pour ne citer qu’eux, étaient capables de réaliser de tels prodiges. Plus proche de nous dans le temps, nous avons le cas du prêtre et mystique roumain Arsenie Boca, qui aurait assisté aux funérailles de son père alors qu’il était au même moment en prison (ubiquité). Je pourrais également citer Philippe de Lyon, qui utilisait ses facultés hors du commun pour guérir les malades. En Inde, depuis des siècles, des fakirs s’astreignent à des ascèses rigoureuses, afin de développer de tels pouvoirs et fasciner les foules.

Il faut toutefois bien préciser que les maîtres spirituels authentiques ont toujours insisté sur le fait que les pouvoirs psychiques ne devaient pas être cherchés comme des buts en soi, et qu’il fallait même y renoncer s’ils survenaient de manière naturelle en conséquence de l’ascèse.

Il y a cette anecdote amusante du Bouddha qui rencontra, au bord d’une rivière, un disciple qu’il n’avait pas revu depuis très longtemps. Ce disciple, après dix années de pratiques, était devenu capable de traverser la rivière en marchant sur l’eau. Après en avoir fait la démonstration au Bouddha, il revint vers lui en pensant qu’il allait obtenir les louanges de son maître. Mais ce dernier, au lieu de le féliciter, lui demanda pourquoi il avait perdu tout ce temps alors qu’il aurait simplement pu traverser la rivière en utilisant une barque qui avait toujours été là, à disposition !

Il y a autant de chemins que d’êtres

Parce que les êtres humains ne sont pas tous porteurs de la même mentalité, de la même sensibilité et des mêmes tendances et capacités, ce serait une erreur de penser qu’il existe une seule voie de Réalisation spirituelle qui conviendrait à tous sans exception, tout comme il n’existe point de vérité absolue à laquelle chaque être humain pourrait adhérer (ce qui explique la raison d’être de la multitude des traditions et des systèmes philosophiques).

On entend d’ailleurs parfois dire que si le but est le même pour tous dans l’absolu, il y a autant de voies possibles pour l’atteindre qu’il y a d’individus, à l’image du sommet de la montagne qui est le même pour tous, mais qui peut être atteint par une multitude d’itinéraires différents. Cela est tout à fait vrai car le chemin spirituel qu’un être emprunte pour se libérer du carcan de l’illusion et de l’ignorance, suit un tracé absolument unique. Le temps passé sur le chemin, les obstacles rencontrés, les chutes, les avancées, les détours, les déboires, les victoires, tout cela est propre à chaque personne et détermine son chemin de vie autant que le tracé de sa quête spirituelle.

Cela dit, il existe des voies que je qualifierais de « cardinales » qui ont été tracées par certains êtres ayant déjà atteint « le sommet de la montagne » et qui ont partagé leur précieuse expérience pour aider les autres à parvenir au but sans trop perdre de temps en chemin. Parmi eux, certains furent si déterminés et inspirés qu’ils n’eurent pas eu besoin de suivre les chemins balisés par d’autres avant eux pour atteindre le stade ultime de la quête spirituelle. Ils ont emprunté une voie atypique, novatrice, qu’ils ont ensuite enseignée aux autres en l’adaptant pour la rendre accessible au plus grand nombre. Ce fut le cas de la plupart des grands instructeurs de l’humanité, dont font partie les sages ayant transmis les formes connues du Yoga. En ce qui me concerne, j’ai eu la chance d’être initié par un tel être, un authentique yogi [14], qui enseigne encore aujourd’hui le Yoga qui lui a permis de se réaliser spirituellement.

Les différentes formes de Yoga

Voici une liste des Yogas les plus connus :

  • Jnāna Yoga: c’est le Yoga de la Connaissance (Jnāna), non pas celle qui résulte de l’accumulation du savoir au niveau intellectuel, conceptuel, mais celle qui est obtenue par la connaissance métaphysique de la réalité telle qu’elle est. L’être qui est parvenu au but par le biais de cette voie est un Jnāni, soit un être qui connaît (pour la réaliser en permanence) l’essence cachée, immuable, au-delà du voile des apparences. D’une manière générale, on peut dire que ce Yoga repose sur la faculté d’être conscient, tout simplement. Il en existe de multiples formes, comme celle qu’enseigna Rāmana Maharshi par exemple. Fondée sur la recherche du Soi (ātmā vichāra, sanskrit), il qualifia lui-même sa méthode [15] de « voie directe ».
  • Bhakti Yoga: c’est le Yoga de la dévotion à l’Ishta Devata, c’est-à-dire l’aspect du Divin que l’adepte choisit en fonction de sa sensibilité, et dont la dévotion prend la forme d’un amour parfait et indéfectible, inconditionnel. Dévotion et amour sont ici synonymes. Selon Jacques de Marquette, « le Bhakti Yoga mène à l’union par le sentiment sanctifié. C’est le Yoga de l’amour, la plus grande des écoles mystiques. […] C’est parce que le principe de l’amour en l’homme est détourné vers des fins égoïstes que l’harmonie et la félicité divines, latentes dans le cœur de l’homme sont occultées et étouffées. En dominant toutes les affections étroites et égoïstes, l’homme permet à l’amour divin qui maintient en vie tous les êtres de régner sans mélange sur son univers intérieur. Se détournant du désert des apparences transitoires, l’amour consacré se dirige seulement vers l’Unique et Ineffable Réalité. En unissant sa nature amoureuse avec cette portion de principe divin d’amour et de cohésion qui lui donne sa vie, l’homme atteint l’union divine dans l’amour mystique [16]. »
  • Karma Yoga: le mot karma a ici le sens de « service ». C’est le don de soi dans l’action, dans le désintéressement personnel et le détachement des fruits de l’action. L’individu qui s’engage dans cette voie se place dans une position de soumission à la Volonté divine. Il s’oublie lui-même, non pas en négligeant les besoins vitaux de son âme, mais en renonçant aux désirs de son ego, pour pouvoir mieux se consacrer au service d’autrui. L’engagement dans une telle voie est soutenu par la foi qu’en donnant sans compter et sans rien attendre en retour, l’être ne manquera jamais de rien.
  • Dhyāna Yoga: le terme dhyāna, dans son acception habituelle, signifie « méditation ». Cette voie est celle de la concentration de la conscience sur un objet de contemplation particulier. Il peut s’agir d’un son, d’une sensation, d’une représentation d’une Divinité, d’un mantra, etc. Cette absorption de la conscience permet de maîtriser le mental et de créer une ouverture par laquelle l’influence du pur Esprit peut « s’engouffrer » et modifier radicalement l’état de conscience du sujet. Cette forme de Yoga peut être rapprochée de la contemplation mystique et de la méditation zen.
  • Mantra Yogaou Japa Yoga : il s’agit d’une pratique exclusivement fondée sur la concentration de l’attention sur des formules sacrées (mantras), récitées dans la conscience de leur sens profond, et grâce à laquelle l’être peut bénéficier de l’énergie spirituelle à très haute fréquence avec laquelle ces formules le font entrer en résonance. Cette énergie spirituelle peut alors s’écouler sur tous les plans de l’être et produire une vibration d’harmonie. Cette voie peut être mise en correspondance avec l’oraison jaculatoire de la tradition chrétienne et avec le Dhikr de la tradition soufie. Selon Jean Herbert : « Le Japa peut se faire soit à haute voix, soit à voix basse, soit silencieusement en remuant les lèvres, soit mentalement. Et chaque maître recommande tantôt une méthode, tantôt une autre. Il semble que le Japa purement mental soit considéré comme plus efficace si l’on arrive à concentrer toute son attention, mais si tel n’est pas le cas, les autres procédés donnent de meilleurs résultats. Il est évidemment d’autant plus efficace que le yogin [17] se représente plus fortement en prononçant l’idéal auquel il correspond et dont il faut se rapprocher, et en éprouve plus fortement le désir. Néanmoins le Japa, même purement mécanique, crée chez celui qui le pratique une sorte d’obsession croissante et constitue une aide puissante dans le développement spirituel [18]. »
  • Raja Yoga: il est appelé le Yoga Royal, et contient huit étapes (angas), définies avec précision dans le Yoga Sūtra de Patañjali.
  • Kriyā Yoga: il a été rendu populaire en Occident par le livre Autobiographie d’un yogi, écrit par Yogananda. Comme le Raja Yoga, il peut être vu comme une synthèse des autres voies. Il est fait référence au Kriyā Yoga dans le Yoga Sūtras de Patañjali (II,1-2) en des termes servant de base à la doctrine générale du Yoga.
  • Kundalinī Yoga: cette voie est axée sur l’épanouissement des chakras par le réveil de l’énergie assoupie à la base de la colonne vertébrale. Grâce à des pratiques appropriées, cette énergie puissante (la Kundalinī) fait son ascension à l’intérieur de la colonne vertébrale où elle ouvre successivement les chakras Les virtualités qu’ils contiennent se réalisent alors, transformant l’état de conscience de l’être et lui conférant certaines facultés psychiques.
  • Hatha Yoga: la lettre Ha correspond au soleil (polarité masculine) et la lettre Tha correspond à la lune (polarité féminine), ce qui tendrait à indiquer que le but de cette forme de Yoga sert avant tout l’atteinte de l’équilibre et, par-là, de l’harmonie, à l’intérieur de l’être. En fait, le Hatha Yoga vise premièrement l’équilibre du corps, dans le but d’offrir à l’âme une base stable et saine à partir de laquelle elle peut s’élever, s’éveiller.

Au sujet du Hatha Yoga, voici ce qu’enseignait le maître Hamsananda : « il s’agit d’assurer la maîtrise du corps en vue du perfectionnement ultérieur de l’âme, selon l’adage bien connu : “une âme saine dans un corps sain”. Le travail porte sur les différents aspects suivants : la relaxation, la respiration, des postures appelées āsanas, la concentration, la culture du détachement intérieur. […] Les mouvements doivent se pratiquer avec lenteur et concentration. Toute crispation doit être évitée. Tout esprit de compétition banni… Un exercice fait selon ses possibilités du moment et dans l’esprit indiqué apporte plus de fruits qu’une posture complète effectuée avec hâte et dans un esprit de compétition. […] Le Hatha Yoga a une influence sur la santé, le calme, la quiétude, la concentration, la patience, la volonté, le sommeil réparateur [19]. »

On dénombre au total quatre-vingt-quatre postures (āsanas), dont trente-trois seulement sont considérées comme utiles. Chacune de ces postures a des effets spécifiques sur le corps et l’anatomie subtile, et développe des qualités et des vertus spécifiques également (en vertu de leur action sur les chakras majeurs). Ces postures peuvent être pratiquées indépendamment les unes des autres, ou au contraire enchaînées, comme c’est le cas pour la « Salutation au Soleil [20] ». Ajoutons encore que le Hatha Yoga englobe les techniques dites du prānāyāma (« rétention du souffle vital ») ainsi que celles des mudrās (« signe » ou « sceau »).

Quelle forme de Yoga choisir ?

Il existe encore bien d’autres formes de Yogas en plus de ceux que j’ai cité. Le choix d’un Yoga (ou de plusieurs, puisqu’ils peuvent être complémentaires) dépend de la sensibilité, des capacités et des besoins de chacun.

Certains Yogas sont plus orientés sur l’esprit, d’autres sur l’âme, et d’autres encore sur le corps. S’il est impératif de régénérer le corps et l’âme, on se tournera plus volontiers vers le Hatha Yoga ou le Kundalinī Yoga ; si l’on aime prier, on se dirigera vers le Mantra Yoga ; si l’on a une préférence marquée pour l’action et le service, vers le Karma Yoga ; si l’on est doté d’une sensibilité dévotionnelle, vers le Bhakti Yoga ; si l’on veut s’atteler à la recherche du Soi, ce sera le Jnāna  Yoga ; si l’on a besoin de calmer son mental, ce sera le Dhyāna Yoga, etc.

S’il est vrai que certaines personnes parviennent à trouver leur voie toutes seules, en règle générale, il est conseillé de demander à être initié par un instructeur compétent, surtout lorsqu’on est débutant et que l’on ne se connaît pas encore suffisamment bien soi-même.

Quelques citations à méditer

« L’ardeur au travail, l’étude de soi et l’abandon du fruit de ses actes, constituent le Yoga actif (Kriyā Yoga). L’objectif est de détruire les causes de souffrance et atteindre l’illumination. » Yoga Sūtras, II, 1-2

« L’identification entre “celui qui voit” et “ce qui est observé” est à l’origine de notre souffrance. La raison de toute manifestation est de s’en servir, puis ensuite de s’en libérer. La raison d’être de ce qui est vu est seulement l’observation. Pour celui qui atteint le but du Yoga, la manifestation n’est plus nécessaire. » Yoga Sūtras, II, 17-22

« Grâce à une pratique intense, qui entraîne la destruction de l’impureté, on améliore considérablement le fonctionnement du corps. » Yoga Sūtras, II, 43

« Comme les rivières qui coulent, disparaissent dans l’océan, perdant nom et forme, de même, celui qui sait, affranchi du nom et de la forme, accède à l’Être divin, plus haut que ce qu’il y a de plus haut. » Mundaka Upanishad, III, 2-8

« Celui qui est en Yoga, l’Esprit Pur, le Maître de son moi, qui a triomphé des sens, de qui le moi est devenu le moi de toute existence (de toutes choses soumises au devenir), même s’il accomplit des œuvres, elles ne s’attachent pas à lui. » Bhagavad-Gītā, V, 7-10

« Le yogin qui est satisfait de la connaissance de soi, tranquille, qui a réalisé son propre équilibre, maître de ses sens, considérant d’un œil égal la motte d’argile et la pierre et l’or, on dit qu’il est en Yoga. » Bhagavad-Gītā, VI, 6-9

« Le Yoga comme discipline mène à l’expansion de conscience. Arrivé à un stade avancé, l’être cesse de s’identifier à sa personnalité pour retrouver son unité avec le Moi Suprême en lui. Il retrouve sa véritable dimension, il est alors “re-lié”. » Hamsananda

« Le Yoga est une science de l’intérieur et Patañjali en est le grand fondateur. Sa contribution est énorme, car il a ramené la religion au niveau de la science ; Avec le Yoga, vous n’avez pas besoin de croire en quoi que ce soit. » Osho

« Vivre spirituellement, c’est vivre dans le présent. Le [Hatha] Yoga vous amène dans le moment présent en devenant plus conscient de votre alignement corporel, de vos mouvements et de votre respiration. » K. S. Iyengar

« Mieux vaut [pour chacun] sa propre loi d’action, même imparfaite, que la loi d’autrui, même bien appliquée. Mieux vaut périr dans sa propre loi ; il est périlleux de suivre la loi d’autrui. » Bhagavad-Gītā, III, 35

Pratique

La cause principale de l’affection du système nerveux, à l’origine de la névrose, est à chercher du côté des énergies de nature émotionnelle qui saturent le corps à différents endroits, en particulier au niveau du buste et du cou. Il s’agit principalement d’énergies de peur que la personne s’est interdite de vivre pleinement lors des traumatismes et des épreuves existentielles qui se sont succédés au fil de sa vie.

Ce sont ces énergies « cristallisées » dans le corps qu’il convient donc de libérer pour alléger la psyché et rendre la conscience plus paisible, stable et équilibrée, lui permettant en retour de se placer d’autant plus facilement dans le juste positionnement intérieur et d’entretenir la dynamique de la perfection spirituelle en agissant dans le sens de ce qui est utile à l’éveil de l’âme. À cette fin, le Cours du Vivant vous propose plusieurs techniques que vous pouvez pratiquer seul·e. La première de ces techniques est un enchaînement de postures (āsanas) bien connues des adeptes du Hatha Yoga, dont le nom sanskrit est Sūrya Namaskāra (Sūrya = « Soleil » et Namaskār = « Salutation »).

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Chapitres supplémentaires :

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[1] Patañjali et le Yoga, Éditions du Seuil, 2004, p. 16.

[2] « Surhomme » peut ici faire référence à un être qui a développé des facultés extrasensorielles et des pouvoirs psychiques extraordinaires (voir le chapitre « Yoga et pouvoirs psychiques »).

[3] Terme sanskrit qui peut être traduit par « libération » (spirituelle).

[4] La pratique du Yoga intégral, Éditions Albin Michel, 1987, p. 57.

[5] Voir le cours 22, chapitre « L’œuvre au rouge ».

[6] La pratique du Yoga intégral, Srī Aurobindo, Éditions Albin Michel, 1987, p. 10.

[7] Dans l’hindouisme, le mot avatāra signifie « descente ». Il s’agit en l’occurrence de la descente de l’Esprit dans la matière. Lorsque cette descente est pleinement intégrée dans le corps, l’être incarne pleinement l’Esprit. Cela peut être mis en rapport avec la réalisation du « Corps de Gloire » ou « Corps glorieux » dans la tradition ésotérique chrétienne, et à l’œuvre au rouge dans la tradition de l’alchimie.

[8] Introduction à la mystique comparée, Éditions Panharmonie, 1967, p. 31.

[9] Vous l’aurez compris, la recherche de l’équilibre du système nerveux occupe une place très importante dans le Cours du Vivant, puisque le système nerveux est la liaison la plus directe entre le corps et la psyché. Certaines techniques de yoga, en aidant à restaurer l’état d’équilibre du système nerveux, permettent d’alléger l’emprise de la structure mentale (voir le cours 13, chapitre « Exercice : la Salutation au Soleil »).

[10] Le Yoga : Maîtriser les postures de base, Éditions de l’Homme, 1985.

[11] Il s’agit du don d’ubiquité.

[12] Ce pouvoir est celui de la lévitation.

[13] Techniques de Yoga, Éditions Gallimard, 1975, p. 192.

[14] Il s’agit du Yogi Umasankar. Voir son site Internet : https://sunyoga.info

[15] Voir le cours 42.

[16] Introduction à la mystique comparée, Éditions Panharmonie, 1967, p. 54.

[17] Nom donné à un adepte du Yoga, qui n’est donc pas forcément un Yogi.

[18] Spiritualité hindoue, Éditions Albin Michel, 1972, pp. 454-455.

[19] Naturopathie et Yoga, Éditions Albin Michel, 1976, pp. 167 et ss.

[20] Voir le cours 13, chapitre « Exercice : la Salutation au Soleil ».