Le Cours du Vivant
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Cours n°1 - Le but est le chemin
Le but est le chemin
Théorie
« Le but n’est pas seulement le but, mais le chemin qui y conduit. » Lao Tseu
Dans certains cadres initiatiques, on considère que le tout premier enseignement spirituel transmis à l’adepte doit comporter l’élément primordial qu’il lui faudra pleinement intégrer pour être capable de mener à bien sa quête. Cet enseignement d’une valeur inestimable lui servira de boussole, de phare dans la nuit ou de panneau indicateur fiable auquel il pourra toujours se référer pour ne pas se perdre en chemin. Sachant aussi que la compréhension pleine et entière de cet enseignement ne lui sera sans doute pas accessible dès le départ. C’est chemin faisant qu’il pourra en saisir toute la subtilité et la profondeur, grâce aux apprentissages que ses expériences lui apporteront indubitablement, sans lesquelles il ne lui sera jamais possible de progresser, à l’image du petit enfant qui doit chuter et faire l’effort de se redresser, encore et encore, pour finalement être capable de marcher de manière autonome.
Ce premier enseignement est parfaitement exprimé par la citation de Lao Tseu, mais également de manière complémentaire dans cette parole fondamentale de Jésus-Christ sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir plusieurs fois dans le Cours du Vivant :
« Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît. » Matthieu 6:33
Le royaume de Dieu, c’est-à-dire l’incarnation de l’Esprit, qui est le Souffle, l’Amour ou le Bien suprême de Dieu, en l’âme humaine, n’est autre que le but à atteindre dans toute quête spirituelle digne de ce nom. Mais si le royaume de Dieu est symboliquement le sommet de la montagne que le pèlerin doit conquérir et qui justifie tout son engagement dans cette quête, il n’est pas différent pour autant de ses divins attributs que sont la paix, la vérité, l’équilibre, l’harmonie, l’émerveillement, l’amour, l’unité, la perfection et la joie. Et ces attributs peuvent se refléter en l’âme humaine avant même que sa matière n’ait pu être totalement purifiée, rectifiée, transmutée.
Cet idéal n’étant pas séparé de notre vie de tous les jours et de tous ses aspects, des plus profanes aux plus sacrés, il est aisé de comprendre que le simple fait de nous donner les moyens de tendre vers lui dans le juste positionnement nous permet d’être en phase avec lui. Toute la question est donc de déterminer quel est cet idéal du « juste positionnement » qui rend harmonieux le pas que nous faisons sur le chemin et qui recèle potentiellement en lui tous les attributs du but en soi.
La recherche du juste positionnement
Si le but n’est pas seulement le but, mais également le chemin qui y mène, il est évident que la quête spirituelle, qui vise à incarner pleinement l’Esprit et à jouir de ses fruits, doit être dirigée aussi harmonieusement que possible grâce à une conduite noble et vertueuse. Pour transposer cela à la tradition taoïste, ce but suprême n’est rien d’autre que le fait de vivre en phase avec le Tao, c’est-à-dire avec l’Ordre naturel des choses, ce que les bouddhistes appellent, de leur côté, le Dharma. Le « que Ta Volonté soit faite et non la mienne » des chrétiens [1] ou la « soumission à la Volonté divine » des musulmans [2], sont deux autres manières équivalentes d’évoquer ce dont il s’agit ici, même si je préfère pour ma part parler d’alignement sur la Volonté divine que de soumission.
Là est la signification de cette « justice » associée au royaume de Dieu, qui ne doit pas être confondue avec la justice des hommes, corruptible, qui consiste à rendre justice à partir de critères moraux et légaux à même de changer dans le temps pour s’adapter aux nouvelles mentalités et aux nouvelles normes culturelles. La Justice divine a en revanche tout à voir avec l’incorruptibilité de la Volonté divine, sur laquelle le bon sens peut potentiellement nous aligner en chaque instant pour déterminer la justesse du positionnement à adopter.
Étant dotés d’un esprit et du bon sens élémentaire qui lui est associé, la plupart des êtres humains sont capables de discernement spirituel, c’est-à-dire de « sentir [3] » ce qu’il est juste de faire (ou de ne pas faire) en chaque circonstance. Notre corps n’étant pas séparé de notre esprit, nous sommes en effet potentiellement capables de discerner le Bien du Mal, le vrai du faux, l’utile de l’inutile, l’harmonieux du disharmonieux, et donc de nous positionner en conséquence avec justesse.
Cette faculté nous permet de revenir au centre après avoir « manqué la cible », de retrouver l’équilibre après l’avoir perdu, de nous redresser après avoir chuté, d’établir l’ordre à partir du chaos [4], de faire de l’or avec du plomb, de faire la paix après avoir mené la guerre, de vivre l’unité après avoir fait l’expérience de la dualité, etc.
C’est à ce niveau-là que tout se joue et il vaut mieux être déterminé, car les efforts à produire pour conformer notre vie à ce que l’on sent être juste sur la base de ce bon sens le plus élémentaire, en adéquation avec la Volonté divine, peuvent être très difficiles à accomplir. Cela à cause des forces contraires qui nous poussent à agir d’une manière qui s’oppose au Bien suprême et qui ont donc pour effet de nous en éloigner.
Si cet éloignement est facile, puisque l’effort est produit par ces forces contraires et qu’il n’y a donc rien à faire pour se laisser déporter par elles en périphérie de notre propre centre – le cœur spirituel de notre être qui est UN avec l’Esprit –, le fait de se maintenir « droit » ou de se redresser après avoir « chuté » est en effet beaucoup plus difficile. C’est là où les notions de lâcher-prise, de maîtrise, d’abandon, de détachement, d’équanimité, de sacrifice, de sens de l’effort et de renoncement prennent tout leur sens, comme nous le verrons de manière plus approfondie dans les prochains cours.
Retenez à ce stade simplement que la bonne volonté ne suffit pas pour progresser sur la voie spirituelle. Il faut impérativement lui adjoindre l’effort pour maîtriser l’influence de ces forces contraires en soi-même. C’est la seule manière de vaincre notre nature inférieure et de nous libérer de ce fait du désir et de l’aversion qui lui sont associés, et qui sont à l’origine de l’illusoire impression d’être séparé de notre essence divine, avec la souffrance qui en résulte.
La notion de perfection spirituelle
Relativement à ce qui vient d’être dit en rapport au fait que « le but est le chemin qui y conduit », vous pouvez comprendre que la perfection, en tant qu’attribut ou fruit de l’Esprit, n’est pas seulement le but à atteindre, mais également la dynamique grâce à laquelle vous pouvez progresser sur la voie spirituelle. Car, spirituellement parfait·e, vous pouvez l’être à tout moment grâce à la recherche du juste positionnement, c’est-à-dire en cherchant les conditions intérieures et extérieures qui participent à l’éveil de l’âme [5].
Parce que la perfection est étroitement liée au but comme au chemin qui y mène, elle revêt un caractère crucial dans la quête spirituelle. La compréhension intellectuelle de cette notion, avec l’accomplissement des efforts justes en vue d’en incarner la vibration au quotidien, forme le socle indispensable sans lequel il n’est pas possible d’établir les fondations sur lesquelles l’âme vivante peut s’épanouir et s’éveiller dans la réalisation de ses plus belles qualités et vertus. C’est pourquoi nous allons maintenant nous y intéresser en l’abordant à partir d’angles de vue différents, mais complémentaires.
Sans doute connaissez-vous cette expression populaire qui affirme que « la perfection n’est pas de ce monde ». Eh bien c’est vrai… pour autant toutefois que l’on parte du principe que la perfection en question soit absolue, c’est-à-dire qu’elle soit reconnue [6] comme telle par toutes les formes de vie sans exception.
Cette perfection-là, il n’est tout simplement pas possible de l’atteindre puisqu’elle n’existe pas dans le monde manifesté. Vouloir atteindre un résultat parfait dans un domaine ou un autre, et qui le serait sans exception au regard de tous, relève donc de l’impossibilité pure et simple.
En effet, tout résultat, pour être évalué, doit être mesuré, quantifié, comparé, analysé, et cette évaluation procède nécessairement d’un processus mental. Or, le mental étant limité, il est incapable d’avoir une vision d’ensemble du résultat qu’il évalue, tout comme des causes qui ont permis d’y arriver et des effets qui en découlent inévitablement. N’étant pas en mesure d’évaluer ce résultat dans la globalité de ses implications, directes ou indirectes, le mental ne peut logiquement décréter que tel résultat est parfait de manière absolue.
De plus, ce que le mental considère comme étant « parfait » relève forcément des considérations personnelles de l’individu, déterminées par ses conditionnements, ses expériences passées, ses besoins, ses désirs, ses croyances, le contexte culturel et social dans lequel il évolue, son éducation et son référentiel de valeurs. Par conséquent, la représentation mentale qu’il se fait d’un résultat parfait ne peut être que relative, formatée par sa vision du monde, toute personnelle. Et même dans l’éventualité où deux individus auraient été formatés pareillement et seraient dotés d’un profil psychologique similaire, ils ne pourraient pas observer la réalité à partir du même angle de vue, et leur perception de cette réalité en serait donc forcément différente. Dans ces conditions, un résultat estimé parfait par le premier individu pourrait paraître imparfait aux yeux du second, et l’un comme l’autre pourraient avoir des raisons tout à fait valables d’émettre un tel avis à partir de leurs visions respectives.
Cela étant dit, si atteindre un résultat considéré comme parfait par tous sans exception est absolument impossible pour les raisons invoquées, il est par contre possible d’atteindre l’état de perfection à titre individuel, non pas en matière de résultat, mais de dynamique qui y mène.
La perfection en tant que dynamique
Cette perfection dans la dynamique se manifeste par une action qui contribue à l’épanouissement ou à l’éveil d’une forme de vie, quelle qu’elle soit, de l’être humain au plus infime des micro-organismes. La perfection inhérente à cette dynamique est synonyme de justesse, de nécessité et d’utilité. Elle contribue, directement ou indirectement, à établir les conditions d’harmonie, d’équilibre et d’ordre dont cette forme de vie a besoin pour évoluer conformément à ses aspirations et à sa nature profonde.
Prenons l’exemple de deux individus pour bien comprendre en quoi la dynamique peut être « alignée » et donc fondamentalement « juste ».
Le premier individu est affamé car il n’a pas mangé depuis plusieurs jours, alors que le second vient de prendre son repas, et est de ce fait totalement rassasié. Pour le premier individu, le fait d’apporter de la nourriture à son organisme est parfait, car cette action est utile à son bien-être, à son équilibre. En effet, elle satisfait un besoin vital du corps et de l’âme, et c’est en cela qu’elle est parfaite pour lui. Toutefois, pour le second individu, la même action serait imparfaite, car étant encore en train d’être digérée, cette même nourriture apportée à ce moment-là créerait un déséquilibre et un inconfort.
Aussi, dans cet exemple, le degré de perfection est également déterminé par la quantité et la qualité de la nourriture ingurgitée par le premier individu, en fonction de ses besoins et des capacités digestives de son organisme. En d’autres termes, le fait de manger cette nourriture est parfait pour lui, pour autant que sa qualité soit bonne et que la quantité se situe dans le « juste milieu », ni trop ni trop peu [7].
Prenons un second exemple : celui d’une caresse pleine de tendresse et d’amour d’une maman à son enfant. Si l’enfant en a besoin au moment où elle lui est donnée, dans un moment de tristesse par exemple, cette caresse sera pour lui parfaite dans la mesure où elle lui est utile : elle lui apporte à la fois apaisement et réconfort. En revanche, cette même caresse, donnée avec la même tendresse et le même amour, à un moment où l’enfant n’en a pas du tout besoin, alors qu’il est en train de jouer par exemple, peut être désagréable et déclencher chez lui un réflexe de répulsion. Il s’agit pourtant de la même caresse dans les deux cas, donnée avec le même élan, mais c’est le besoin de l’enfant qui détermine si le geste de la maman est parfait ou ne l’est pas.
La perfection en tant qu’état de conscience
Dans les deux exemples ci-dessus, j’ai considéré la perfection inhérente à une action par rapport à quelque chose d’extérieur à l’individu, soit la nourriture dans le premier cas et la caresse maternelle dans le second. Or, la perfection dans la dynamique peut être toute intérieure également, lorsque cette dynamique se situe au niveau de l’esprit lui-même, que cette dynamique soit accompagnée par un mouvement physique ou non (geste, parole, déplacement, etc.).
Prenons l’exemple d’une personne vivant une forte émotion de joie ou de tristesse. Ce qui est juste et utile pour elle – donc parfait – est d’éprouver pleinement son émotion pour permettre à cette dernière de s’écouler librement à l’intérieur de son anatomie, naturellement et harmonieusement. À l’inverse, si elle s’interdit de vivre cette émotion, cette action coercitive l’éloigne du Bien suprême synonyme d’amour et de perfection. En cela, on peut décréter que cette action est imparfaite, car le besoin d’accueillir inconditionnellement l’émotion n’est pas honoré, et cette contrainte crée un déséquilibre dans le corps et la psyché de cette personne, déséquilibre dont la conséquence peut potentiellement aboutir à la maladie dans les cas les plus graves [8].
Dans le Cours du Vivant, je fais souvent référence à cet état de perfection inhérent à l’être dont la conscience est centrée, équilibrée, en utilisant des expressions telles que « juste positionnement intérieur », « bienveillante neutralité », « accueil inconditionnel », « équanimité », « détachement », « renoncement », « maîtrise de soi » ou encore « lâcher-prise ».
Non seulement j’y fais souvent référence, mais des exercices sont également mis à votre disposition dans les parties pratiques, pour vous entraîner à recouvrer cette faculté de vous unir à la réalité qui se manifeste à chaque instant en vous-même, tant sur le plan physique que psychologique, en l’observant telle qu’elle est, sans attraction ni répulsion, sans désir ni aversion, c’est-à-dire de manière équanime.
Vous exercer à recouvrer cette faculté qui s’est progressivement affaiblie au cours des années, à mesure que s’est renforcée l’identification aux schémas mentaux induits par les impulsions contraires de désir et de peur (ou d’aversion), est d’une importance cruciale, car c’est grâce à ce positionnement intérieur bien particulier que vous pourrez réaliser en vous-même le « dévoilement » grâce auquel la lumière spirituelle – l’esprit que vous êtes par essence – pourra pénétrer votre réalité intérieure, celle de l’âme, sur tous ses plans d’existence, afin d’en réaliser la transmutation, l’illumination, la régénération et la purification.
De plus, c’est grâce à cette observation détachée que vous pourrez reprendre les commandes de votre vie en redevenant maître de vous-même, maître de vos pensées et de vos émotions, pour qu’elles puissent correspondre aux aspirations profondes de votre âme et que vous soyez ainsi en mesure de créer la vie que vous voulez vraiment en votre cœur.
La perfection et l’amour pur
La perfection telle qu’elle est présentée dans ce premier cours est étroitement liée à celle de besoin. Toute disposition d’esprit ou toute action physique qui reconnaît et honore le besoin vital d’une âme peuvent être qualifiées de parfaites pour elle, dans la mesure où cela est utile à son développement et qu’elle peut ainsi croître et évoluer conformément à sa nature. En cela, cette définition de la perfection rejoint celle de l’amour dans sa dimension la plus pure, inconditionnelle et universelle.
L’amour pur est perfection parce qu’il nourrit, soutient, renforce, protège, inspire, guide, éclaire l’âme dans la voie qui est la sienne et sur laquelle il doit pouvoir s’éveiller librement, naturellement. Toute dynamique dans l’action est amour et perfection lorsqu’elle s’inscrit dans la recherche de ce qui est juste et utile pour l’âme, qu’il s’agisse d’une action intérieure ou extérieure.
Cette perfection en tant qu’amour pur se manifeste de manière évidente dans un milieu naturel non pollué. Naturellement, les formes de vie y trouvent ce dont elles ont besoin pour vivre conformément à leur nature, c’est-à-dire d’une manière qui est épanouissante pour elles. Dans un tel milieu, le désir n’existe pas. Seuls les besoins vitaux, essentiels à la vie, sont pris en considération. C’est la raison pour laquelle l’équilibre y est maintenu, et avec lui l’harmonie, l’ordre et l’unité.
Soit dit en passant, la nature est une merveilleuse source d’inspiration et d’enseignements spirituels dont nous avons tout intérêt à nous inspirer. On pourrait dire que tout ce que l’on a besoin de comprendre pour vivre en phase avec soi-même et avec le cosmos y est présent. Bernard de Clairvaux, l’un des plus grands saints que l’Occident ait connus, le savait par expérience, comme en témoignent ses propos, rapportés dans l’une de ses nombreuses lettres : « Ce que je sais de la science de Dieu et des Écritures, je l’ai appris dans les bois et les champs. Je n’ai pas d’autres maîtres que les hêtres et les chênes.
L’imperfection absolue n’existe pas
Si la dynamique de la perfection dans laquelle vous pouvez vous placer à chaque instant par votre état de conscience, vos paroles et vos actes physiques, vous permet de progresser sur la voie de la sagesse, tout échec dans cette progression ne vous rend pas « imparfait·e » pour autant, car au moment même où la perte d’équilibre est constatée, il est instantanément possible de vous replacer dans la dynamique inhérente à la perfection en accueillant inconditionnellement les pensées et les émotions négatives [9] apparues en réaction au constat de l’échec et de sa relative imperfection.
Comprenez par-là que l’imperfection dans le résultat est toujours relative et que la perfection dans la dynamique est, quant à elle, toujours absolue. Mais c’est à vous et à vous seul·e qu’il revient de faire l’effort pour vous (re)placer dans ce « juste milieu » dans lequel vous entretenez la dynamique de la perfection en vue de favoriser l’éveil de votre véritable nature, plutôt que de vous laisser déporter en périphérie de cet « axe de perfection », dans l’attachement au résultat et dans la souffrance induite par le refus de l’ego lorsque ce résultat ne correspond pas à ses attentes.
Comme la perfection ne peut se mesurer sous forme de résultat, mais qu’elle est une dynamique particulière qui participe à l’incarnation de l’Esprit à travers votre âme, vous ne pouvez pas la déterminer en vous comparant à celle des autres êtres humains, même s’ils sont également engagés dans une quête spirituelle authentique. L’esprit de comparaison ne vous est d’aucune utilité, car même si un être est plus avancé que vous sur le chemin spirituel, vous pouvez manifester le même degré de perfection spirituelle grâce à la dynamique que vous alimentez dans l’instant, par la qualité de votre positionnement face à vous-même et aux circonstances.
Comprenez par-là que si le degré de purification de l’âme déterminant la progression d’un être sur la voie spirituelle, peut grandement différer d’un individu à l’autre, il est en revanche toujours possible, grâce à la dynamique de l’effort juste accompli dans l’instant, de trouver l’équanimité de la conscience et de la restaurer ainsi temporairement dans son état de pureté synonyme de simplicité et de perfection spirituelle. En vertu de cette possibilité, un individu peut incarner la même perfection dans le pas qu’il est en train de faire, qu’un Sage spirituellement accompli, pourtant beaucoup plus avancé que lui sur le chemin.
Comme la dynamique de la perfection se situe dans l’effort accompli en vue de tendre vers le résultat souhaité, si, au cours de la démarche qui mène à ce résultat, cette dynamique « déraille », il est immédiatement possible d’opérer un réajustement, une rectification, afin de se remettre sur les bons rails. En cela, l’important n’est pas la chute, mais bien l’effort accompli en vue du redressement, car c’est grâce à cet effort que la perfection peut à nouveau être incarnée.
Ainsi, l’important n’est pas d’être parfait au sens où l’on ne retomberait jamais dans ses travers, mais de l’être grâce à la dynamique de l’effort juste qui permet de se réaligner sur l’essentiel lorsque l’on se rend compte que l’on a dévié, car c’est dans cet effort-là que la perfection se situe.
Simples comme les petits enfants
Lorsqu’un tout petit enfant apprend à marcher, il chute très souvent ; mais à chaque fois il se relève courageusement et tente à nouveau l’expérience, dans le détachement du résultat. Cette dynamique le rend spirituellement parfait.
Si le tout petit enfant était attaché au résultat, il serait démoralisé face au constat de sa chute et resterait paralysé par terre, se privant de toute possibilité de revivre l’expérience nécessaire à son apprentissage et donc à son évolution.
Fort heureusement pour lui, à cet âge-là, il n’est pas encore doté de la faculté d’évaluer ses résultats puisque son mental n’est pas encore suffisamment formé. Il est tout simplement mû par l’irrésistible élan de vivre conformément à sa nature, et toutes ses actions s’inscrivent dans cette dynamique-là. En effet, lorsque le petit enfant ressent le besoin de jouer, il joue ; lorsqu’il ressent le besoin de dormir, il dort ; lorsqu’il ressent la faim, il mange, ou du moins fait comprendre à son entourage, par le biais de ses émotions, qu’il doit être nourri. C’est cet alignement sur ses élans de vie et la considération des besoins qui leur sont associés qui le rendent spirituellement parfait et qui lui permettent de s’éveiller.
L’exemple du petit enfant n’est pas utilisé de manière anodine, car, dans les traditions spirituelles, l’état de perfection est souvent symbolisé par la prime enfance. Dans ces traditions, le « parfait », de même que l’« adepte », le « juste » ou encore l’« initié », est celui qui, par ses efforts sur lui-même en vue de s’établir et d’avancer dans la voie du juste milieu, est semblable à un petit enfant.
Dans la tradition chrétienne par exemple, cette référence à la petite enfance est utilisée à plusieurs reprises. Jésus nous dit que celui qui ne redevient pas comme les petits enfants, ne peut entrer dans le royaume de Dieu [10]. Il dit également que le royaume de Dieu est pour ceux qui ressemblent aux petits enfants [11]. Et, fait intéressant, dans un autre passage [12], il qualifie d’heureux les pauvres en esprit parce que le royaume des Cieux [13] est à eux, ce qui indique clairement une correspondance entre la pauvreté de l’esprit et l’état d’être d’un petit enfant.
Dans ce contexte, la « pauvreté » n’est pas exclusivement en rapport avec l’absence de richesses matérielles. Il s’agit simplement d’un état d’être qui se caractérise par un dépouillement de tout ce qui est superflu, inutile, tant au niveau des schémas de pensée que des possessions matérielles. À l’inverse, celui qui est riche de tout ce qui est superflu, inutile, ne peut entrer dans le royaume de Dieu, comme l’exprime cette parabole de l’Évangile : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. [14] »
Ainsi, dans ce contexte, être « simple d’esprit » revêt la même signification qu’être « pauvre en esprit » et cela n’a donc strictement rien de péjoratif. En effet, il ne s’agit pas d’un handicap mental, mais d’un état de conscience rendu « simple » par sa faculté de détachement à l’égard du mental et par sa faculté à se concentrer sur l’essentiel, à savoir un mode de vie en phase avec l’Ordre naturel des choses.
À l’opposé, l’état de « complexité » de la conscience se manifeste par un mental agité, non maîtrisé, emporté par un flot ininterrompu de pensées superflues qui dévie l’individu de l’essentiel en le maintenant identifié à un voile opaque qui l’empêche de s’ouvrir à la dimension spirituelle de son être.
« Restez tranquilles, et sachez que je suis Dieu. » Psaume 46:10
La simplicité et la pauvreté au sens de la quête spirituelle se caractérisent donc par la pureté et l’équanimité de la conscience dévoilée, détachée, désidentifiée de l’activité mentale surabondante (qui serait dans ce contexte associée à la « richesse »). En conséquence, l’individu est capable de reconnaître intuitivement ce dont l’âme vivante a besoin pour vivre le développement harmonieux de sa nature.
À l’inverse, si le mental indiscipliné émet un brouhaha constant en surface, l’âme ne peut être entendue par l’esprit, et l’être identifié à ce vacarme assourdissant se prive de toute possibilité de vivre l’éveil de sa véritable nature. Être simple comme les petits enfants implique donc d’être entièrement présent à soi-même et à l’expérience qui a cours ici et maintenant.
Parfait comme le Père est parfait
Au sens où la perfection est ici, n’est pas parfait celui qui mènerait sa vie sans jamais commettre une seule erreur et qui serait dépourvu d’ombres intérieures ou de défauts, mais est parfait celui qui se donne les moyens d’alimenter la dynamique de l’effort juste par la volonté dans l’action, intérieure par la recherche de l’équanimité de sa propre conscience et extérieure par la recherche d’un mode de vie qui honore les aspirations profondes de son âme, en harmonie avec celle des autres et avec le Tout.
Lorsque Jésus-Christ invitait ses disciples à être « parfaits comme le Père céleste est parfait [15] », sans doute faisait-il allusion à cette perfection incarnée grâce à la dynamique qui place l’être dans le juste milieu, aligné sur la Volonté divine. Dans ces conditions, même si l’âme porte encore de nombreuses scories en elle, la conscience est temporairement placée dans l’état de pureté, permettant à l’Esprit de s’y réfléchir de manière… parfaite.
L’être humain ainsi aligné intérieurement est au service de la vie, faisant ce qui est juste et utile à son épanouissement, dans le détachement et le désintéressement personnel des conséquences de ses actions, pour la seule joie d’incarner la perfection spirituelle et l’amour inconditionnel qui lui est associé.
Cet alignement sur la Volonté divine, qui se produit lorsque nous nous concentrons sur ce qui juste, utile et nécessaire à l’épanouissement de notre âme, est la clé fondamentale de la quête spirituelle. J’insiste bien sur le fait qu’il est possible à chacun d’entre nous de se placer dans cette dynamique et ainsi d’être « parfait comme le Père est parfait » par le seul fait de cette dynamique, quand bien même aurions-nous encore à parcourir un long chemin sur la voie de la purification intérieure de l’âme.
C’est donc l’effort que nous accomplissons sur ce chemin qui importe, car c’est cet effort qui peut potentiellement nous rendre parfaits, même si le sommet de la montagne est encore bien éloigné de l’endroit où nous nous trouvons présentement. En cela, font partie des « justes » celles et ceux qui se donnent les moyens de l’être, efforts justes à l’appui, sincèrement et dans le détachement du résultat, indépendamment de leurs croyances, de leur religion ou de leur culture.
L’expérience et le sens de la vie
Le fait que chacun d’entre nous puisse être spirituellement parfait ici et maintenant par l’effort juste qu’il accomplit, quelles que soient les circonstances de sa vie, son histoire et tout le chemin qu’il lui reste encore à parcourir avant d’avoir atteint l’état d’éveil intégral de son âme, met en lumière la valeur inestimable de l’expérience de la vie ici-bas.
La vie dans la matière ne sert en fin de compte à rien d’autre que cela : offrir le cadre expérimental permettant à l’esprit de jouer pleinement son rôle de tuteur de l’âme vivante, pour qu’elle puisse s’élever harmonieusement le long de cet axe vertical lumineux que l’esprit représente et ainsi offrir ses plus belles qualités et vertus aux autres formes de vie, dont ces dernières pourront ainsi profiter pour s’épanouir elles aussi dans leurs merveilleuses possibilités de manifestation, dans une interdépendance où chaque forme de vie contribue à l’harmonie du Tout.
Nous touchons peut-être là, philosophiquement, à la question du sens de la vie. L’expérience du moment présent n’aurait-elle pas pour vocation de nous offrir l’opportunité d’œuvrer à la réalisation du meilleur des possibles contenu dans le noyau fondamental de notre âme, pour manifester toujours plus d’harmonie, de beauté, de sagesse, de paix, de fraternité, d’unité, d’amour, de compassion, et comprendre ainsi, au moyen de cette manifestation, la nature fondamentalement aimante de quelque chose qui nous dépasse infiniment ?
La vie n’aurait-elle d’autre sens que de nous aider à reconnaître qu’un Principe transcendant, métaphysique, est à l’origine de la possibilité de manifester Ses merveilleux fruits ici-bas, et qu’il nous revient de nous aligner sur Lui pour être parfaits comme Il est parfait et pour goûter à Ses fruits avec émerveillement ?
Quelques citations à méditer
« La plus grande gloire n’est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque chute. » Confucius
« La perfection, ce n’est pas de faire quelque chose de grand et de beau, mais de faire ce que l’on fait avec grandeur et beauté. » Swâmi Prajnânpad
« La simplicité est l’habit de la perfection. » Wladimir Wolf-Gozin
« La perfection est un chemin, non une fin. » Proverbe coréen
« La pensée est la plus grande ennemie de la perfection. L’habitude de réfléchir profondément est, je suis obligé de le dire, la plus pernicieuse de toutes les habitudes prises par l’homme civilisé. » Joseph Conrad
« L’essence divine repose sur l’acte même qui transforme le principe du mal en perfection suprême. » Saint Augustin
« La perfection de l’œuvre de Dieu réside dans sa grande simplicité. Car il est le Dieu de l’ordre, et non du désordre. » Isaac Newton
« Celui qui reconnaît consciemment ses limites est le plus proche de la perfection. »
Johann Wolfgang Von Goethe
Pratique
La quête spirituelle n’est pas un long fleuve tranquille ; nombreux sont les pièges, les difficultés et les illusions dont il vaut mieux avoir conscience dès l’entame de notre voyage pour éviter, d’une part, de perdre trop de temps en chemin et, d’autre part, d’approfondir la division (et donc la souffrance) en croyant pourtant bien faire en se lançant corps et âme dans la mise en application de théories et de pratiques attrayantes, mais qui au final nous desservent plus qu’autre chose. Aussi, lorsque tout le chemin déjà parcouru a été jalonné de maintes expériences riches en enseignements, il est essentiel de rester vigilant et de se remettre régulièrement en question pour voir s’il est possible de cheminer avec plus de justesse et d’efficacité encore.
À cette fin, la partie pratique vous apportera des précisions et des recommandations que j’estime utiles. Elles vous permettront également de définir le cadre dans lequel devrait idéalement s’inscrire la pratique des exercices que je vous proposerai, afin que vous puissiez disposer de toutes les chances de vous placer dans la dynamique de la perfection, non seulement lorsque vous les pratiquerez, mais aussi et surtout dans votre vie de tous les jours puisque la pratique spirituelle ne devrait idéalement pas en être séparée. Ces exercices ne doivent pas être considérés comme une fin en soi, mais comme un moyen de vous exercer à l’art de vivre spirituellement. Mais encore faut-il s’exercer correctement, d’où l’utilité de ces précisions et de ces recommandations.
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Chapitres supplémentaires :
- La concentration
- Exercice : observation des pensées
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[1] Luc 22:42.
[2] « Musulman » veut précisément dire « celui qui est soumis à la Volonté divine ».
[3] « Sentir », car il s’agit d’une faculté qui relève bien davantage de l’intuition que de la raison, même si cette dernière a sa place dans la quête spirituelle dans la mesure où la vie dans la matière implique de trouver l’équilibre entre la dimension verticale (l’intuition) et la dimension horizontale (la raison), comme en témoigne le sens éminemment symbolique de cette parole du Christ : « Soyez prudents comme les serpents, et simples comme les colombes. » (Matthieu 10:16)
[4] Il s’agit ici d’une allusion à la formule maçonnique ordo ab chao.
[5] Ici, l’éveil fait référence au processus de développement et d’épanouissement de la conscience, à la manière d’une graine qui s’éveille à la vie, pousse, pour devenir une plante ou une fleur magnifique. Voir à ce sujet le cours 9, chapitre « La métaphore de la graine et de la plante ».
[6] C’est pourquoi le royaume de Dieu peut être vécu par tous les êtres en tant que réalité matérielle tangible, à la seule condition qu’ils l’aient d’abord réalisé en eux-mêmes.
[7] Nous retrouvons là le grand principe énoncé par l’alchimiste Paracelse : « Tout est poison rien n’est poison, c’est la dose qui fait qu’une chose est un poison ou ne l’est pas ».
[8] C’est notamment le cas des maladies dites psychosomatiques, c’est-à-dire dont la cause provient d’un déséquilibre au niveau psychique. L’exemple de la maladie, qu’elle soit psychosomatique ou purement organique, démontre bien que l’éloignement du Bien suprême mène au mal, en l’occurrence à la maladie (le « mal a dit »).
[9] L’adjectif « négatif » est ici employé pour parler d’états intérieurs qu’habituellement nous rejetons, que nous n’aimons pas. Mais dans l’absolu, ils ne sont pas mauvais en soi. Ils ont une fonction, celle de protéger l’être de toute dégradation ou anéantissement de l’identité personnelle (ego) à laquelle il s’identifie.
[10] Matthieu 18:3.
[11] Matthieu 19:14.
[12] Matthieu 5:3.
[13] « Royaume de Dieu » et « royaume des Cieux » sont deux expressions synonymes. D’un point de vue ésotérique, elles peuvent être mises en rapport avec la paix, l’amour, l’harmonie, l’unité, l’équilibre et la félicité, comme autant d’attributs ou fruits de l’Esprit reflétés dans une conscience individuelle libérée des conditionnements mentaux limitants de l’ego.
[14] Matthieu 19:24.
[15] Matthieu 5:48.
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- Dernière mise à jour : 12 janvier 2025
- 19:30
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