Le Cours du Vivant

Cours 18 - Le jeûne

Le jeûne

Théorie

La cause première de la maladie peut se situer soit sur le plan psychique, soit sur le plan physique, mais jamais sur le plan spirituel, car il est au-delà du monde des phénomènes et ne peut donc être atteint par eux.

Comme le corps et l’âme sont en interaction constante, un déséquilibre psychique provoqué par des croyances erronées au sujet de soi ou par des énergies émotionnelles bloquées, peut entraîner des maladies physiques. À l’inverse, un encrassement du terrain, un empoisonnement, une intoxication alimentaire ou des carences sur le plan biologique, peuvent être la cause de troubles psychiques.

Lorsqu’une maladie mentale trouve sa cause dans la dimension physique, on parle de maladie somatopsychique ; du corps (soma) vers le mental (psyché). Lorsqu’une maladie physique a son origine dans la psyché – qui comprend l’intégralité des mémoires [1] situées au niveau subconscient –, on parle de maladie psychosomatique ; du mental (psyché) vers le corps (soma). Cela peut aller dans les deux sens, et s’il est vrai que les causes psychiques des maladies sont très répandues, il ne faut pas négliger non plus la possibilité que des maladies mentales soient dues à des facteurs chimiques.

Lorsque la cause de la maladie se trouve sur le plan physique, il y a un puissant moyen de guérir non seulement le corps, mais aussi la psyché par voie de conséquence : c’est le jeûne !

C’est la méthode naturelle de guérison la plus puissante, car elle permet à la force vitale de se concentrer exclusivement sur la régénération et la purification de l’organisme [2]. De plus, elle est entièrement gratuite et ne produit aucun effet secondaire, contrairement à la quasi-totalité des médicaments issus de la pharmacopée industrielle.

Il existe plusieurs méthodes de jeûne, mais la plus efficace est celle qui consiste à se passer de tout aliment solide sur une période pouvant aller de 24 heures à plusieurs semaines, en buvant de l’eau faiblement minéralisée (et non sucrée, évidemment) seulement en cas de soif véritable, et en stimulant en parallèle les fonctions d’élimination du corps par des moyens mécaniques ou énergétiques.

C’est à cette méthode traditionnelle que je limiterai mon exposé dans ce cours. En ce qui concerne les autres variantes, comme celles incluant des jus de fruits ou de légumes, par exemple, je vous invite à faire vos propres recherches.

Le processus d’autolyse

Le jeûne traditionnel consiste seulement à avaler de l’eau (et sa propre salive cela va de soi), à respirer et à stimuler les émonctoires du corps. En jeûnant ainsi, le corps ne peut plus compter sur des aliments pour tirer de l’énergie, et en conséquence, bascule dans un processus appelé « autolyse », grâce auquel il recycle ses propres réserves et tissus inutiles.

Ce processus d’autodigestion (également appelé « autophagie ») est la clé du processus curatif qui fait du jeûne une technique de guérison pour les maladies physiques et somatopsychiques (maladies mentales d’origine physique).

L’intelligence de la Nature est prodigieuse, car si des nutriments viennent à manquer, elle ne les puise pas dans les tissus sains, mais d’abord dans ce qui est nuisible et inutile. Ainsi, s’il y a des tissus endommagés, des dépôts de matières, des abcès, des kystes, des furoncles, des amas graisseux, des tumeurs, des fibromes, etc., ce sont ces « matières »-là que la force vitale utilise en premier lieu pour donner toutes les chances à l’être vivant de survivre.

Ce processus n’est pas seulement bienvenu lorsque les êtres vivants sont confrontés à une pénurie de nourriture, mais aussi lorsqu’ils sont malades. D’ailleurs, l’instinct de survie pousse spontanément à jeûner pour recouvrer la santé. Les animaux et les petits enfants le font naturellement, et il n’y a apparemment que chez l’homme adulte que la sagesse du corps n’est plus écoutée, trop contrariée par des idées reçues et de mauvaises habitudes.

Voici ce que disait Herbert Shelton, fondateur de l’hygiénisme, au sujet de l’autolyse : « Il est intéressant de noter que ce contrôle de l’autolyse s’étend également aux tissus malades, tels que tumeurs, dépôts, écoulements, etc. et qu’il n’est pas limité aux tissus normaux. […] Du fait des enzymes intra-cellulaires qu’il possède, le corps est capable de digérer ses propres protéines, lipides et glucides. Le corps est capable de contrôler le processus d’autodigestion, et il le limite strictement aux tissus non essentiels, et aux moins essentiels. Même dans l’inanition, quand des tissus vitaux sont détruits, il y a un strict contrôle du processus, et les tissus continuent à être utilisés conformément à leur importance relative [3]. »

La guérison durant le jeûne est donc liée au fait que le corps utilise comme nourriture premièrement tous les éléments inutiles et « chaotiques » qu’il porte en lui et qui sont la cause de la maladie ou qui constituent la maladie elle-même.

Primum non nocere

L’autolyse est orchestrée par le « médecin intérieur », auquel Hippocrate faisait référence dans sa formule vis medicatrix naturae (en français : « la nature est le médecin des maladies », mais le plus souvent traduite par « la nature est guérisseuse »).

C’est l’un des deux grands principes de la médecine antique d’Hippocrate, l’autre étant primum non nocere, « en premier, ne pas nuire ».

Ces deux grands principes, associés l’un à l’autre, signifient que si l’on évite de nuire à un organisme vivant, l’énergie vitale qu’il porte en lui est capable d’œuvrer pour maintenir l’équilibre synonyme de santé, ou le rétablir.

Conformément à sa vocation, l’énergie vitale œuvre sans relâche à la réalisation de ce noble objectif, sans rien attendre en retour. Elle est au service de la santé, de l’harmonie, de la joie et de l’épanouissement du vivant. Rien ne peut la dissuader de faire ce pour quoi elle est faite, mais par contre, il est possible de l’en empêcher.

S’il faut éviter de nuire, c’est parce que l’énergie vitale n’est pas disponible en quantité illimitée. Elle se « dispatche » dans le corps selon un ordre de priorité, défini en fonction du degré de nocivité des éléments en contact avec l’organisme.

Plus grande est la nocivité d’un élément, plus l’énergie vitale a tendance à se concentrer sur celui-ci pour offrir à l’entité vivante toutes les chances de conserver son équilibre. Les éléments considérés comme moins nocifs sont temporairement délaissés au profit des sources de nuisances les plus importantes. L’énergie vitale ne pouvant être partout à la fois, si le corps est exposé constamment à de nouvelles nuisances, l’organisme finit par s’encrasser et en conséquence, la maladie s’installe.

Lorsque l’on jeûne, les facteurs de nocivité apportés par l’alimentation sont supprimés, et l’énergie vitale peut alors se diriger là où le corps en a le plus besoin conformément à ce principe de dispatching vital, toujours selon un ordre de priorité bien précis déterminé par l’intelligence suprême de la Nature.

Ceci dit, l’alimentation n’est évidemment pas la seule source de nuisances pour le corps, et si l’on veut que le jeûne soit le plus bénéfique possible, il faut également veiller à limiter les autres facteurs de nuisances que sont, en particulier, les pollutions extérieures (bruits, produits toxiques, ondes électromagnétiques) et l’état psychique (pensées, émotions).

Par exemple, une personne vivant un stress dans le cadre professionnel produit des toxines qui vont mobiliser l’énergie vitale et l’empêcher de rétablir l’équilibre à d’autres endroits du corps. Ainsi, même si cette personne jeûne durant son activité, les effets délétères de son stress vont mobiliser une partie de l’énergie vitale, qui ne pourra donc pas être disponible pour purifier plus profondément son être sur le plan physique et psychique.

C’est la raison pour laquelle, si l’on veut que l’énergie vitale puisse donner la pleine mesure de ses facultés curatives, l’expérience du jeûne devrait être menée dans un endroit calme dans lequel on est protégé des stimuli physiques et énergétiques sources de stress.

Cela dit, même si l’on a la chance de se trouver dans un endroit vibratoirement harmonieux, il est malgré tout possible de créer des nuisances par notre état d’esprit et nos états d’âme. C’est pourquoi l’on doit également veiller à penser le moins possible, et si l’on pense malgré tout, veiller à ce que ce soit des pensées élevées, positives.

Je pourrais donc dire qu’en plus de se passer d’aliments, il convient d’observer un « jeûne mental ». Jeûner mentalement signifie tout simplement « ne pas penser », ou du moins éviter l’identification aux pensées inutiles qui génèrent un état émotionnel qui peut potentiellement devenir une entrave à la force d’auto-guérison de la Nature.

Les pratiques de méditation en pleine conscience, de même que le positionnement de l’accueil bienveillant, s’avéreront souverains durant le jeûne et en démultiplieront les effets bénéfiques.

Guérison des maladies

Le jeûne peut potentiellement guérir un grand nombre de maladies, mais encore faut-il qu’il soit mené correctement, dans les règles de l’art, avec sagesse et discernement, et un suivi médical par principe de précaution.

Si la cause de la maladie est psychique, pour que toutes les chances de guérison soient réunies, le jeûne ne devrait donc pas seulement être physique, mais aussi mental. Cela implique que la personne soit capable de discernement et que par un effort de volonté consciente, elle se désidentifie des schémas mentaux qui sont possiblement à l’origine de ses troubles.

Si la cause de la maladie psychosomatique est éliminée au niveau psychologique (mental et émotionnel), alors le processus de guérison du corps est enclenché, sans avoir eu besoin de pratiquer un jeûne, même si un jeûne mené en parallèle accélérera bien sûr ce processus.

En revanche, si la cause de la maladie est psychique et que la personne observe un temps de jeûne sans prendre garde à la nature de ses pensées et à sa manière de vivre ses émotions, il est possible que le jeûne n’aboutisse pas aux résultats attendus, même si dans la majorité des cas, une amélioration de l’état de santé sera tout de même observée sur le plan physique.

Le jeûne a fait ses preuves pour de nombreuses maladies [4], telles que : diabète de type II, hypertension, maladies endocriniennes, cardiovasculaires, osseuses, rhumatismales et digestives, maladies de la peau, obésité, allergies, addictions, dépression, stress chronique, et même dans les cas de… névroses !

Le jeûne a donc également une incidence favorable sur la structure mentale, et cela n’est pas surprenant. En effet, si l’affection du système nerveux à l’origine de la névrose est causée par des substances physiques que le jeûne permet d’éliminer par autolyse, il est logique que la névrose disparaisse ; en supprimant la cause, la conséquence s’efface.

Même certaines maladies mentales causées par des carences au niveau du cerveau peuvent être guéries, car le jeûne permet d’éliminer les déséquilibres et les obstructions qui empêchent une bonne assimilation et un bon acheminement des macronutriments et des micronutriments dans le corps, donc aussi dans le cerveau.

Il a également été constaté que des carences en minéraux pouvaient être comblées durant un jeûne, alors même qu’aucune substance minérale n’était apportée de l’extérieur. Il semblerait que le simple fait de libérer le corps de ses entraves lui permette de mieux distribuer les éléments nutritifs qu’il a en réserve, aux endroits où ils sont nécessaires.

Une carence en protides peut provoquer un déséquilibre du système nerveux, qui à son tour perturbe le fonctionnement du cerveau, avec pour conséquence une baisse du quotient intellectuel, un affaiblissement de la concentration et de la volonté, une fatigue, des tremblements, etc.

La malnutrition, à laquelle le cerveau est très sensible, n’est pas seulement causée par un manque de nourriture, mais aussi par une mauvaise assimilation. Quand cette mauvaise assimilation est causée par un tube digestif saturé de matières stagnantes en putréfaction, l’autolyse durant le jeûne permettra d’y remédier.

Il faut en conclure qu’en soulageant la fonction digestive, le jeûne permet également un rééquilibrage psychologique.

Dans son livre Fasting and eating for health, voici ce que dit le Dr Joel Fuhrman au sujet des effets bénéfiques du jeûne sur le plan psychique :

« Jeûner est un traitement tout à fait valable pour les désordres psychologiques. Il y a des centaines d’articles dans la littérature médicale qui apportent des preuves de l’efficacité du jeûne : il améliore le fonctionnement de tout le corps, y compris celui du cerveau. On a observé à plusieurs reprises que jeûner soulage les névroses, l’anxiété et la dépression. Il ressort de ces études que jeûner améliore notre capacité à supporter la frustration et le stress. Une clinique japonaise a fait jeûner 382 patients souffrant de maladies psychosomatiques avec un succès de 87 % [5]. »

En Russie, le jeûne est utilisé depuis un demi-siècle comme traitement le plus efficace pour traiter les cas de schizophrénie, avec études à l’appui, démontrant que 20 à 30 jours de jeûne effectués sous contrôle médical permettaient d’améliorer l’état mental de 70 % des patients [6].

Le « jeûne mental » est également un excellent moyen de guérir les maladies psychosomatiques, accompagné ou non de nourriture. Par la purification mentale qu’elle permet de réaliser, la technique de méditation Vipassanā, que je vous ai présentée dans le cours 8, en fait partie, tout comme l’ensemble des pratiques spirituelles visant cette purification ou catharsis psychique.

La valeur spirituelle du jeûne

La guérison des maladies n’est pas le seul objectif du jeûne. Dans l’Antiquité, outre la purification du corps et du mental, il a été pratiqué pour rendre l’esprit plus vif, lucide et clairvoyant, et rendre l’âme plus réceptive aux influences spirituelles, celles de l’Esprit.

Le Dr Ha’Nish a écrit : « Nous en sommes arrivés maintenant au point de désirer connaître quelque chose de la purification, car ce corps a besoin d’être nettoyé de fond en comble avant de pouvoir donner cours à des idées pures et parfaites. Dieu ne viendra pas demeurer dans un tabernacle malpropre, ni dans un temple bâti de mains d’hommes. Mais Il ira vers ce qui est Sien, vers ce qui est Son image en toutes choses ; et à ceux qui gardent Ses commandements, Il ne tarde pas à venir. Celui qui ne croit rien mais vit la vie de la connaissance, celui-là manifeste le Dieu du ciel et de la terre. […] Devenir pur est donc notre désir constant et, à cette fin, apprenons à jeûner [7]. »

Toutes les grandes traditions de l’Antiquité connaissaient les vertus purificatrices et spirituelles du jeûne et invitaient leurs adeptes à le pratiquer, tant en Occident qu’en Orient.

Jésus-Christ a jeûné durant quarante jours lors de sa traversée du désert. Moïse jeûna un nombre de jours équivalent avant de recevoir les Tables de la Loi. Mahomet a lui aussi jeûné avant de recevoir la révélation du Coran. Pythagore jeûna pendant quarante jours afin d’affûter son intelligence et sa condition physique, et se donner ainsi toutes les chances de réussir son examen d’entrée à la prestigieuse École d’Alexandrie.

Aussi, précisément pour la clarté d’esprit et l’état de réceptivité aux influences spirituelles que le jeûne confère, cette technique de purification a traditionnellement été imposée aux récipiendaires souhaitant recevoir les initiations à certains « Mystères ».

Platon et Socrate jeûnaient également régulièrement, et il existe bien d’autres exemples de sages, de religieux et de philosophes ayant pratiqué et recommandé le jeûne.

Si autant de grands êtres ont fait l’expérience du jeûne, ce n’est évidemment pas pour survivre à une période de famine, se punir ou glorifier la mortification du corps, mais pour l’ouverture spirituelle, l’inspiration et la force intérieure que cette expérience pouvait leur conférer.

Au cours des derniers siècles, les religions ont également prescrit le jeûne à leurs fidèles, mais l’idée de purification a été substituée par celle de pénitence, ce qui revient en fait au même, comme l’a relevé le Dr Siegfried Möller :

« L’idée fondamentale qui est à la base du jeûne religieux est celle d’une pénitence que l’on s’inflige pour ses fautes passées et l’on estime qu’en ce faisant, on se purifie ; cette pensée peut parfaitement être adaptée au raisonnement médical, et nous verrons que le jeûne est également un paiement pour les péchés perpétrés aux dépens de l’hygiène corporelle [8]. »

Cela est tout à fait vrai, et j’ajouterais même que l’absolution que le jeûne permet d’obtenir ne concerne pas seulement les péchés commis au niveau de l’hygiène corporelle, mais également ceux commis au niveau psychique, et cela mérite que j’y apporte quelques explications.

Le lavement des péchés

À chaque fois que nous refusons de nous soumettre à la Volonté divine, c’est-à-dire de vivre en adéquation avec les Lois universelles, le Dharma, nous commettons un péché. Pour faire le lien avec la notion de karma traitée dans le cours 23, je pourrais dire que nous créons du bon ou du mauvais karma, dont les conséquences peuvent être plus ou moins graves pour la santé physique et psychique.

Si, par exemple, nous ressentons une émotion et que nous la réprimons, nous ne sommes pas alignés sur la lumière de l’Esprit puisque Sa Volonté suprême est l’accueil inconditionnel de l’émotion ; dans ce cas nous « manquons la cible » et nous commettons donc un péché. Cette émotion réprimée va avoir pour conséquence de perturber à la fois notre physiologie et notre psyché.

Autre exemple : si nous mangeons de la viande impure, du sucre raffiné ou buvons de l’alcool en trop grande quantité, nous sommes également coupables d’une faute, puisque nous nuisons à l’âme et au corps.

Le jeûne permet de « laver » les conséquences de ces actions non-justes (c’est-à-dire de ce karma ou de ces péchés). Ce paiement équivaut à un acquittement de la dette karmique permettant le retour à l’équilibre sur le plan physique et psychique. C’est la raison pour laquelle il est possible de parler de « lavement des péchés » et même de « rédemption », mot dont l’étymologie signifie précisément « rachat », en l’occurrence des péchés, ou de la dette karmique.

Le jeûne est un moyen simple et efficace pour réaliser ce paiement des conséquences de nos péchés, sans même avoir à en souffrir !

Il faut en effet s’ôter l’idée de la tête que ce « paiement » doit obligatoirement passer par la souffrance. La souffrance n’est que la résultante du refus mental de ce qui est.

Si les circonstances de la vie font que l’émotion qui a été réprimée dans le passé n’a d’autre moyen que de s’extérioriser sous la forme de la maladie, et que tout est entrepris pour guérir de cette maladie le plus rapidement possible, en aidant le corps dans son processus de guérison, le paiement du karma et de ses conséquences n’est pas source de souffrance.

Si des années de mauvaises habitudes alimentaires ont engendré une maladie dégénérative par exemple, cette maladie en est la conséquence karmique.

Autrement dit, la maladie est la conséquence des mauvaises habitudes et de l’insoumission à la Volonté divine.

Pour laver nos péchés et leurs conséquences, il convient donc de nous (ré)aligner sur l’Esprit, dont la Volonté est la guérison du corps, et de faire ce qu’il faut pour guérir.

Le jeûne pourra alors s’avérer utile à cette fin, et c’est la raison pour laquelle les religions le considèrent comme une pénitence. Mais contrairement à ce qu’a dit le Dr Möller, il n’est point besoin de « s’infliger » un jeûne dans cette idée qu’il faille souffrir pour guérir. Il est possible de s’alléger de notre « fardeau » karmique dans la paix, la confiance, la joie et la bonne humeur !…

Notez bien que je parle de « souffrance » et non de « douleur ». La douleur est un phénomène physiologique naturel, et l’élimination des états maladifs se fait rarement sans douleur. Encore une fois, la souffrance résulte du refus mental de la douleur. Si les sensations désagréables sont accueillies avec équanimité, la douleur reste (ou s’atténue parfois), mais la souffrance cesse.

Cela étant dit, en stimulant les organes d’élimination, en respirant profondément dans la conscience du prāna absorbé [9], en faisant de la relaxation, en massant le ventre, etc., on diminuera grandement les sensations désagréables et les douleurs.

Reprenons maintenant l’exemple de l’émotion réprimée. Cette répression est un péché au sens où cette répression s’oppose à l’Ordre naturel des choses qui voudrait que l’émotion puisse s’écouler librement à l’intérieur du corps.

Cette émotion bloquée dans le subconscient peut à tout moment entrer en résonance avec certains stimuli, que ce soit nos propres pensées ou des stimuli extérieurs (paroles, images). À ce moment-là, l’émotion est revécue sensoriellement ; elle sort de l’ombre. Cette réactualisation équivaut à un paiement des conséquences du péché qui avait été commis lors de la répression passée de l’émotion. Si l’émotion est à nouveau refusée, il y a souffrance et le même karma est recréé instantanément, avec la condamnation à en revivre les conséquences dans un futur plus ou moins proche. Si, par contre, l’émotion est accueillie inconditionnellement [10], il y a libération des conséquences du karma, sans aucune souffrance.

Le jeûne permet non seulement le paiement des conséquences karmiques sur le plan physique, mais également sur le plan psychique. Il s’apparente à un véritable « purgatoire » sur le plan ésotérique, durant laquelle bien des éléments psychiques sortent de l’ombre pour être libérés, « expiés ».

Si nous renonçons alors à la tentation de réagir à partir des réflexes conditionnés de la structure mentale qui refuse les états d’âme et cherche à les étouffer pour ne pas souffrir, une puissante catharsis (purification) s’opère sur le plan psychique, et l’allègement karmique est considérable.

Aujourd’hui, les religions, pour la plupart perverties, ont perdu la connaissance du caractère sacré du jeûne qu’elles possédaient à leurs débuts. Bien qu’elles en prescrivent encore la pratique aujourd’hui, celle-ci est considérablement éloignée du jeûne tel qu’il était enseigné et pratiqué à leurs origines.

Comme l’a fait remarquer le Dr Christian Schaller : « le Carême des catholiques et le Ramadan des adeptes de l’Islam ont perdu au fil des siècles l’essentiel de leur valeur, puisque le Carême a dégénéré en abstinence de viande le vendredi et le Ramadan en interdiction de manger le jour seulement, ce qui pousse de nombreux pratiquants à faire bombance dès la nuit tombée. Ceci n’a plus rien à voir avec une pratique de détoxication [11] [ni de purification psychique, N.d.A.]. »

Une traversée du désert

L’absence de stimulation alimentaire opère une « levée de voile », qui fait apparaître des éléments psychiques jusque-là enfouis dans le subconscient, qu’il faut donc se donner les moyens d’accueillir dans le juste positionnement intérieur, celui de la bienveillante neutralité.

Si nous ne faisons pas cet effort, non seulement nous nous privons d’une occasion de nous alléger karmiquement, mais notre identification aux schémas réactifs de notre mental devient également un facteur de stress (donc de nuisance) pour l’organisme, qui mobilisera une partie de l’énergie vitale, qui ne sera dès lors plus disponible pour réaliser l’autolyse là où elle est nécessaire.

Je déplore que la plupart des enseignements sur le jeûne ignore ce point pourtant fondamental : le jeûne permet non seulement de purifier l’organisme, mais aussi de réaliser une puissante catharsis psychique.

Une personne a témoigné : « Pendant le jeûne, j’ai eu une expérience profonde. Cela ne m’a pas coûté du tout sur le plan de l’absence de nourriture, mais par contre, c’était très éprouvant psychologiquement. J’ai eu en effet l’impression d’une plongée en moi-même, et il s’est passé des changements importants dans ma vision intérieure [12]. »

Lorsque l’on jeûne, la structure mentale ne peut plus compter sur les aliments pour anesthésier la souffrance émotionnelle, qui va donc se faire sentir de « plein fouet ».

Aussi, le processus d’autolyse permet de dissoudre et d’éliminer des dépôts de matière, ce qui peut provoquer le relâchement de certaines énergies qui étaient fixées à cette matière. Ceci peut en effet être « éprouvant psychologiquement ».

Lorsque le jeûne est vécu dans les règles, il est inévitable qu’il expose à des remous physiques et psychiques, face auxquels la structure mentale va réagir conformément à sa nature, pour échapper au mal-être et à la douleur. Ses réactions seront autant de « tentations » auxquelles il faudra renoncer si l’on veut rester bien aligné sur l’axe lumineux de l’Esprit et s’alléger du poids de notre karma.

© Galyna Andrushko – Adobe Stock

Le jeûne de quarante jours vécu par Jésus lors de sa traversée du désert est symbolique de ce que nous pouvons vivre nous aussi.

Le récit biblique de son expérience nous permet de comprendre qu’il a dû faire face aux terribles tentations de sa nature inférieure, son gardien du seuil, en laquelle la tradition chrétienne a voulu voir l’image du diable, ce qui est vrai à condition de considérer ce dernier comme la personnification de sa nature inférieure, cherchant à le dévier hors du juste milieu.

Ce « double ombrageux », Jacques Lacarrière, y fait allusion dans son livre Les Hommes ivres de Dieu : « Quel nom donner au démon qui habite les ascètes, qui les retient toujours sur cette terre et quel visage précis peut prendre ce démon ? On devine déjà la réponse et certains textes – rares mais sûrs – nous la confirment. Une réponse stupéfiante mais attendue (car c’est là la ruse suprême du Malin) puisqu’il arrive parfois à tel ou tel ascète – regardant dans le désert venir à lui un visiteur dont il pressent ou dont il sait qu’il est le Diable – de découvrir, dès qu’il est à portée de vue, que ce visiteur n’est autre que lui-même, son propre double venu à sa rencontre du fond de l’horizon [13]. »

Plusieurs êtres, dont certains très célèbres comme Johann Wolfgang von Goethe ou Abraham Lincoln, ont eux aussi affirmé avoir perçu leur « double », ce gardien du seuil qu’une certaine mythologie appelle également le « doppelgänger ».

Robert Kientz a aussi décrit l’expérience d’une telle perception, vécue lors d’un exercice d’observation consciente de la respiration. Son expérience fut particulière dans la mesure où elle lui permit, comme le Christ dans le désert, d’accéder à un nouvel état d’existence, correspondant à un état de conscience très élevé qu’il assimila au « royaume de Dieu ». Voici le témoignage de sa rencontre avec son « double » :

« Le corps tout entier commença à se dissoudre et à s’estomper. À cet instant, je me sentis soudain violemment aspiré, tiré vigoureusement vers le haut. Cette sensation d’absorption se produit très vite et de façon inopinée. La force était si brutale et si violente que je pris peur. Au cours de l’absorption, dont la durée fût extrêmement brève, j’eus le sentiment poignant de rencontrer un “être”, une entité, que je ressentis à la fois comme un total étranger et comme étant moi-même. Cela peut sembler paradoxal, je le sais, mais j’essaye de relater l’incident tel que je l’ai vécu. Les mots ne peuvent exprimer combien cet “être” était gênant, désagréable et déplaisant.

L’“être” ou le “gardien du seuil”, comme l’appelle Rudolf Steiner, fut croisé et laissé derrière. Au même instant, j’entrai et demeurai dans une nouvelle dimension, un nouveau plan d’existence qui défie toute description [14]. »

À notre niveau, nous sommes aussi « tentés » durant le jeûne, tentés de manger bien sûr (bien que ce ne soit pas une faim réelle, mais psychologique), mais tentés aussi de nous identifier à nos conditionnements réflexes face aux états d’âme désagréables qui doivent se révéler pour que la guérison puisse survenir sur tous les plans.

Symboliquement, il faut voir la « traversée du désert » comme une épreuve initiatique, celle par laquelle nous devons inévitablement passer pour restaurer l’état édénique perdu et réintégrer ainsi le « royaume ».

Dans la tradition alchimique occidentale, cette épreuve fait partie de l’œuvre au noir. C’est donc aussi l’étape durant laquelle nous acceptons de payer notre dette karmique, en renonçant aux mauvaises habitudes et aux réflexes conditionnés auxquels nous étions jusque-là identifiés.

Ce qui caractérise une « traversée du désert », c’est l’absence de sources de stimulation. Ce que le désert symbolise est à l’opposé de ce qu’offre notre société de consommation, avec la quantité démentielle de sources de stimulation sensorielle auxquelles elle nous expose en permanence.

Lorsque le jeûne est vécu tel que les Initiés le vivaient réellement, il implique un renoncement au plus grand nombre possible de sources de stimulation sensorielle, ce qui concerne également les stimulations produites par le mental, auxquelles on renonce en pratiquant l’observation attentive de soi-même, avec détachement.

Dans ces conditions, effectivement, les ombres peuvent se révéler et être accueillies, transmutées, car le voile de stimulation qui les couvrait et empêchait de les ressentir, est temporairement levé.

Comment ce dévoilement se manifeste-t-il ? Eh bien par le mal-être qui se fait sentir, sous diverses formes ; nous pouvons nous sentir exténués, décalés, déprimés, énervés, tristes, angoissés, crispés, colériques, désespérés, etc.

Tous ces états d’âme sont les moyens par lesquels nous passons pour payer notre dette karmique. Il faut alors être très vigilant pour ne pas réagir à partir de nos anciens conditionnements en refusant ces états ou en cherchant à les occulter à nouveau d’une manière ou d’une autre.

Sans cette vigilance et l’effort juste de maîtrise de soi, nous interrompons le processus de transmutation et empêchons la libération karmique. Il convient donc de rester bien alignés dans la présence aimante à notre réalité intérieure, même si ce qui s’y manifeste est désagréable et qu’une part de soi-même n’a pas envie d’y être confrontée.

Quelques citations à méditer

« Il y a, en chacun de nous, un “médecin prodigieux” qui peut accomplir des miracles lorsque nous sommes malades et dont nous oublions, la plupart du temps, de solliciter le concours. » Pierre-Valentin Marchesseau

« Il faudrait faire du jeûne un pilier du marché de la santé. Aujourd’hui on a un marché extraordinairement juteux de la maladie : quand un diabétique devient chronique, pendant des dizaines d’années, c’est la possibilité de vendre des médicaments, de l’opérer… donc c’est un marché plutôt productif. » Françoise Wilhelmi de Toledo

« Du point de vue de l’évolution, il est probable que la survie s’accompagnait de périodes de jeûne. La situation que nous avons aujourd’hui : repas réguliers, frigo rempli, est historiquement anormale. Ainsi, il n’est pas étonnant que le corps rencontre des difficultés lorsqu’il ne jeûne pas, quand il mange sans cesse. Notre patrimoine génétique semble être moins adapté à cette situation qu’au jeûne. » Andreas Michalsen

« Si le corps n’est pas purifié, plus vous le nourrissez, plus vous lui ferez du mal. » Hippocrate

« Le jeûne est, au moindre malaise organique, au moindre signe de dépression mentale ressentis, la meilleure et la plus simple mesure de redressement qu’il soit bon d’appliquer, celle qui entre le plus étroitement dans les lois et voies de la nature, qui incessamment, cherche à ramener à la santé, à la raison, l’individu égaré et incohérent, malgré les réticences de celui-ci. » Dr Otoman Ha’nish

Pratique

Le Dr Edouard Bertholet a réalisé de remarquables travaux et expériences sur le jeûne. Il est à mon sens l’un des auteurs des temps modernes qui a le mieux compris l’importance du jeûne et qui a su le mieux le restaurer dans sa dimension traditionnelle et sacrée. Dans l’un de ses ouvrages, il présente les « dix commandements du jeûneur », qui résument les éléments essentiels à considérer pour la pratique d’un jeûne court ou long.

Les dix commandements du jeûneur : Durant le jeûne, ce sont les forces curatives de la Nature qui sont à l’œuvre pour opérer la régénération de notre corps. Le premier et le plus important devoir du jeûneur consiste à ne pas contrarier ces efforts ; pour ce faire, il ne faut absorber aucun aliment de quelque nature que ce soit ; il est nécessaire de s’abstenir totalement d’alcool, de boissons fermentées (vins, bières ou cidres), de thé ou de café (ces deux derniers breuvages sont très nuisibles pour leur caféine, corps toxique de la série des purines). La plus petite quantité de ces substances paralyse déjà le travail d’excrétion des cellules qui profitent du répit accordé par le jeûne pour se débarrasser de leurs déchets. Le repos alimentaire doit être complet sinon les organes sont entravés dans leur travail d’élimination et de rénovation.

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[1] Ces mémoires sont présentes dans le corps sous forme d’énergies bloquées, cristallisées. Ce sont des énergies de nature émotionnelle, auxquelles sont associées des croyances mentales. Ce sont ces composantes psychiques qui sont les véritables causes des maladies psychosomatiques.

[2] Ceci prouve bien que ce ne sont pas les aliments qui guérissent, mais l’énergie vitale, dont la principale source est la respiration consciente. Les aliments ou remèdes extérieurs peuvent tout au plus soutenir l’énergie vitale dans son action curative. Le seul et unique « guérisseur », c’est cette énergie vitale, aussi appelée « souffle vital », prāna, chi, « électromagnétisme », etc. Je fais remarquer au passage qu’aucun individu ne peut prétendre être « guérisseur » ; son rôle se limite au fait d’apporter de la force vitale à l’organisme et/ou de libérer les énergies bloquées, afin de favoriser le processus d’auto-guérison du corps.

[3] Le jeûne, Éditions Courrier du Livre, 1994, p. 81.

[4] J’omets volontairement de citer le cancer parmi cette liste, car les avis divergent à ce niveau. Pendant la maladie et les traitements, il est recommandé de ne pas stresser et fragiliser davantage l’organisme avec un jeûne. Bien que les effets combinés du jeûne et de la chimiothérapie aient pu donner d’excellents résultats sur la souris, les études cliniques n’ont pas encore pu livrer leurs résultats chez l’être humain.
En ce qui concerne la guérison du cancer, je vous recommande de vous intéresser à la Nouvelle Médecine Germanique du Dr Ryke Geerd Hamer, ainsi qu’à l’alimentation cétogène dont il a été fait mention au précédent cours.

[5] Éditions St. Martin’s Griffin, 1995.

[6] Source : Joy Brown, R3 Diet: Reverse, Retrain, Rebuild Your Body & Mind, Éditions Xlibris, 2011, p. 92.

[7] L’Art de la Respiration, Éditions Aryana, 1967, p. 141.

[8] Source de la citation : Dr Edouard Bertholet, Le retour à la santé par le jeûne, Éditions Aryana, 1950, p. 15.

[9] Voir le cours 18, chapitre « Exercice : respiration profonde ».

[10] Précisons bien, si tant est que cela soit encore utile, qu’accueillir inconditionnellement une émotion ne veut pas dire la projeter librement sur les autres. Une émotion est accueillie quand elle est ressentie sans jugement, avec équanimité, auquel cas elle est transmutée spirituellement, ou lorsqu’elle est extériorisée par des gestes et des sons, auquel cas elle est libérée biologiquement (comme le font spontanément les tout petits enfants, qui vivent spontanément leurs émotions sans faire de mal aux autres).

[11] Jeûne. Pratique du jeûne holistique, Éditions Vivez Soleil, 2004, pp. 27-28.

[12] Témoignage recueilli dans le livre du médecin Albert Mosséri : Le Jeûne, Meilleur Remède de la Nature, Éditions Les Hygiénistes, 1994, p. 21.

[13] Éditions Points, 2008, p. 219.

[14] Satipatthana, la voie du bonheur, Éditions du Rocher, pp. 111-112. Version numérique PDF disponible ici : https://dhammadana.org/00/book/slvdb.pdf